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Développement

L'Europe s'intéresse à l'argent des immigrés

Les immigrés originaires des pays de la Méditerranée envoient entre 12,4 et 13,6 milliards d’euros chaque année depuis l’Europe vers leurs pays d’origine.(Photo, montage : MV/RFI)
Les immigrés originaires des pays de la Méditerranée envoient entre 12,4 et 13,6 milliards d’euros chaque année depuis l’Europe vers leurs pays d’origine.
(Photo, montage : MV/RFI)
En 2005, les transferts d’argent des migrants à leurs pays d’origine ont dépassé les 232 milliards de dollars. Une manne en constante augmentation qui intéresse de plus en plus les institutions internationales. Ces dernières cherchent à mieux l’encadrer.

Les transferts d’argent des migrants seront au cœur d’une conférence internationale de deux jours, à Bruxelles, qui commence mardi. Lors d’une conférence de presse de la Banque européenne d’investissement (BEI), lundi matin, une nouvelle étude FEMIP (Facilité euro-méditerranéenne d’investissement et de partenariat) révèle que les immigrés originaires des pays de la Méditerranée envoient entre 12,4 et 13,6 milliards d’euros chaque année depuis l’Europe vers leurs pays d’origine.

« Ces transferts, qui représentent entre 2 et 20% du Produit intérieur brut (PIB) des pays concernés, pourraient être mieux utilisés pour favoriser le développement économique local », note la BEI qui plaide pour une « optimalisation de ces versements qui sont actuellement peu transparents et peu efficaces ». Ils sont effectués surtout via des entreprises telles que Western Union. Dans de nombreux cas, les prestataires de services perçoivent jusqu’à 10 ou 15% de commission pour les petits envois. Réduire ces commissions non négligeables permettrait d’accroître l’épargne des migrants, qui enverraient plus d’argent au pays, et pourrait réduire le circuit informel. La BEI recommande une action politique pour réduire les coûts d’envoi et orienter davantage les fonds vers le financement de projets d’infrastructures ou de PME (Petites et moyennes entreprises). « Les frais pourraient être réduits grâce à l’établissement d’une concurrence entre les compagnies de transfert et en améliorant la transparence » ainsi que par une « plus grande implication des banques, dans le pays d’accueil et dans le pays d’origine ».

200 millions de migrants

L’idée de rendre plus efficaces ces transferts d’argent, de plus en plus importants, n’est pas nouvelle. « Dès 1975, l’Agence française de développement (AFD), qui s’appelait alors Caisse centrale de coopération économique, avait mis en place des programmes d’appui au développement des pays d’origine, au travers des compétences des travailleurs migrants qui rentraient volontairement dans leurs pays. Ensuite, on s’est intéressé aux transferts pour arriver à en canaliser une partie vers des investissements productifs ou sociaux », explique Guillaume Cruse, chargé de mission à l’AFD.

Le nombre des migrants dans le monde approche aujourd’hui les 200 millions. « Globalement, les envois de fonds des migrants ont dépassé les 232 milliards de dollars en 2005. Les données officielles indiquent que c’est l’Inde qui a reçu le plus sous forme d’envois de fonds, suivie de la Chine, du Mexique, de la France et des Philippines. Mais en pourcentage du PIB, ce sont les petits pays comme les îles Tonga, Haïti ou le Lesotho qui sont en fait les plus gros bénéficiaires de ces envois », analyse Dilip Ratha, co-auteur d’un rapport de la Banque mondiale sorti en novembre dernier qui explique que la migration « peut améliorer le bien-être et réduire la pauvreté ». Selon les chiffres officiels de la Banque mondiale, en 2005, les migrants ont envoyé plus de 167 milliards de dollars à leurs familles vivant dans les pays en voie de développement, soit un montant deux fois supérieur à celui de l’aide internationale. Le rapport précise que ce chiffre (le double d’il y a 5 ans) ne prend pas en compte les circuits informels par lesquels passent de nombreux migrants pour transférer leur argent, en raison du coût des transferts et de la faiblesse du système bancaire dans certains pays. L’estimation officielle pourrait alors être augmentée de 50%… A noter aussi : les flux Sud-Sud (transferts vers des pays en développement et provenant de pays en développement) représentent 30 à 45% du montant total des envois de fonds.

Réduire la pauvreté

Pour Dilip Ratha, « les envois ont entraîné une diminution des niveaux de pauvreté dans les pays à faible revenu : ils ont réduit la pauvreté d’environ 11% au Lesotho, en Ouganda et de 5% au Ghana ». Les transferts sont principalement utilisés pour les dépenses des ménages ou pour payer l’éducation des enfants. Ils permettent aux familles de maintenir leur niveau de consommation en cas de choc économique et de dépenser plus dans l’éducation et la santé. Cet argent se retrouve aussi dans la création d’entreprises, la construction de centres de santé, d’écoles ou de mosquées. Mais, à l’instar du slogan de Western Union, les migrants envoient « plus » que de l’argent. Ce faisant, ils maintiennent les liens avec leur famille et leur pays natal.

Pour beaucoup de pays, les envois de fonds des migrants sont la principale source de financement extérieur et la principale source de devises. Ces flux, contrairement aux investissements directs, sont peu sensibles à la conjoncture. Surtout, ils sont en croissance constante. Certains experts du continent africain tempèrent pourtant leurs effets positifs car ils créent en contrepartie une dépendance chez les bénéficiaires et encouragent la migration des jeunes travailleurs.


par Olivia  Marsaud

Article publié le 13/03/2006 Dernière mise à jour le 13/03/2006 à 18:51 TU