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Proche-Orient

Ehoud Olmert marque des points à Jericho

Un sondage réalisé lundi donnait le parti d’Ehud Olmert nettement en hausse dans les intentions de vote des Israéliens.(photo : AFP)
Un sondage réalisé lundi donnait le parti d’Ehud Olmert nettement en hausse dans les intentions de vote des Israéliens.
(photo : AFP)
Malgré les démentis officiels, le raid israélien contre la prison de Jericho qui a permis de capturer le chef du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) Ahmed Saadat n’était pas dénué d’arrière-pensées électorales. A deux semaines des législatives du 28 mars, le parti centriste Kadima et l’image du Premier ministre par intérim Ehud Olmert sortent renforcés d’une opération largement approuvée en Israël.

L’ombre d’Ariel Sharon planait sur Jericho quand les soldats israéliens ont donné l’assaut à la prison où était détenu le chef du FPLP Ahmed Saadat. Le Premier ministre par intérim, Ehud Olmert, allait-il se montrer digne de son prédécesseur ? Saurait-il faire mentir ses adversaires du Likoud, le parti de droite qui, depuis le début de la campagne, l’accuse de manquer de fermeté « contre les terroristes et le Hamas » ? Incontestablement, le succès de l’opération rejaillit sur l’image d’Ehud Olmert et celle de son parti, Kadima, fondé par Ariel Sharon peu avant que celui-ci ne tombe dans le coma.

Un sondage réalisé lundi, la veille du raid, et rendu public mardi soir donnait Kadima nettement en hausse dans les intentions de vote des Israéliens. Sur un total de 120 députés à la Knesset, le parti d’Olmert est crédité de 42 mandats, soit 5 de plus qu’une précédente enquête, contre 16 aux travaillistes d’Amir Peretz et 15 au Likoud de Benyamin Netanyahu. De l’avis unanime des politologues israéliens, l’opération de Jericho ne peut que le faire progresser davantage.

L’opinion israélienne, à l’instar des médias et de l’ensemble de la classe politique, salue la capture dans leur prison des responsables de l’assassinat en 2001 du ministre israélien du Tourisme, Revaham Zeevi. Du quotidien Maariv  (« On les a eus ! ») au Yediot Aharonot (« Les comptes sont à jour »), la presse se réjouit. « L'opinion publique israélienne, écrit Haaretz, aime les dirigeants qui savent démontrer leur modération dans le domaine diplomatique et leur détermination sur le plan militaire. »

Netanyahu ne peut qu’approuver

Surtout, les journaux estiment que n’importe quel gouvernement responsable, de droite comme de gauche, aurait agi comme Ehud Olmert. « Aucun cabinet israélien n'aurait pu laisser partir libres les membres de ce groupe incarcérés à la prison de Jéricho, écrit le Yediot, et sûrement pas alors que le Hamas s'apprête à former le gouvernement palestinien. » Selon Maariv, « cette opération rapide et efficace à Jericho n'aurait pas été ordonnée sans les élections. Pas nos élections, mais les leurs. Celles des Palestiniens qui ont bouleversé la donne et amené le Hamas au pouvoir. »

Officiellement, on écarte bien sûr tout rapport avec les élections législatives du 28 mars. « Nous n'avons pas opéré à Jericho pour des raisons électorales, a assuré le ministre israélien de la Défense, Shaoul Mofaz, qui est aussi l’un des chefs de file de Kadima. Nous n'avions pas d'autre choix que d'intervenir, car aucun Etat responsable n'aurait permis que les meurtriers d'un de ses ministres soient remis en liberté. »

Du côté des grands partis politiques, on fait bloc derrière la nécessité sécuritaire invoquée par le gouvernement. Un dirigeant du parti travailliste, Matan Vilnaï, a estimé que « l'opération à Jericho a été menée pour des raisons qui n'ont rien à voir avec les élections » israéliennes. Point de vue similaire chez Youval Steinitz, un des chefs du Likoud, qui a applaudi « l'opération réussie à Jericho, dénuée de toute préoccupation électorale ». Netanyahu, le leader du Likoud et candidat au poste de Premier ministre, ne peut lui aussi qu’approuver, se réfugiant toutefois dans la surenchère : « Une opération contre six terroristes ne change rien au fait qu'Olmert veut rapprocher d'Israël (par ses concessions territoriales) des milliers de terroristes du Hamas qui constituent une menace stratégique ».

Etat d'alerte avancée

Reste qu’au delà de cette obligation d’agir largement partagée en Israël, de nombreux analystes israéliens voient derrière l’opération de Jericho un indéniable sens politique. Voire politicien. « Excellente manœuvre, admet l’universitaire Akiva Eldar, interrogé par l’AFP. Mais la cible d’Olmert, ce n’est pas Saadat. Ce sont les 20% d’indécis dont le cœur balance entre Kadima et le Likoud. »

Reste aussi, alors que les manifestations de colère se multiplient en Cisjordanie et à Gaza, des interrogations et des inquiétudes sur un nouvel engrenage de la violence. La ministre israélienne des Affaires étrangères, Tzipi Livni le reconnaît : « Notre opération (à Jericho) peut servir de prétexte aux Palestiniens pour lancer des attentats, mais le Hamas n'a pas intérêt à susciter l'escalade. » Un membre du bureau politique du FPLP, Kaïd al-Roul, a prévenu : « Nous allons nous réunir avec toutes les factions palestiniennes nationalistes et islamistes pour discuter de la réponse » à apporter à l'opération israélienne qui « ne se passera pas sans riposte. »  Israël a bombardé, mardi soir, la bande de Gaza à la suite de tirs palestiniens de roquettes contre son territoire. Et mercredi, la police israélienne a été placée en état d'alerte avancée.


par Philippe  Quillerier

Article publié le 15/03/2006 Dernière mise à jour le 15/03/2006 à 17:19 TU