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Dubaï

Les ouvriers immigrés se rebiffent

Des travailleurs indiens sur un chantier de construction à Dubaï. Les travailleurs étrangers sont sous-payés, mal-logés et corvéables à merci.(Photo : AFP)
Des travailleurs indiens sur un chantier de construction à Dubaï. Les travailleurs étrangers sont sous-payés, mal-logés et corvéables à merci.
(Photo : AFP)
A Dubaï, les ouvriers du bâtiment, en majorité des Asiatiques immigrés, dénoncent de plus en plus ouvertement leurs conditions de travail. Mardi soir, plus de 2 000 d’entre eux ont mis à sac le méga-chantier de la plus haute tour du monde et ont refusé de travailler mercredi.

Explosion de violence à Burj Dubaï. 2 500 ouvriers étrangers du méga-chantier se sont révoltés, mardi soir, contre leurs conditions de travail. Dans la nuit de mardi à mercredi, ils ont agressé et chassé les gardes de sécurité puis sont entrés par effraction dans les bureaux temporaires du chantier dans lesquels ils ont cassé une dizaine d’ordinateurs. Ils ont également détruit une vingtaine de voitures et d'engins. Selon le lieutenant colonel Rashid Bakhit Al Jumairi, du ministère de l’Intérieur de Dubaï, les dégâts sont estimés à près d’un million de dollars.

Mercredi, les ouvriers sont restés sur le site… les bras croisés. Dans un pays où la grève est interdite, leur mouvement de protestation a pourtant touché les immeubles en construction alentours et l’aéroport international de Dubaï où quelque 2 000 travailleurs entreprenant la construction d’un nouveau terminal ont déposé leurs outils, en signe de solidarité. C’est la première fois que les travailleurs immigrés qui bâtissent depuis 15 ans les rêves de grandeur de Dubaï expriment leur mécontentement de cette façon.

84% d’immigrés

Dubaï, qui s’enorgueillit de plusieurs records – dont 16% de croissance économique en 2005 ou l’ouverture du premier hôtel sept étoiles du monde -, en possède un autre : 84% de sa population, estimée à 1,2 million de personnes, est immigrée. Sous-payés, mal-logés et corvéables à merci, les étrangers viennent d’Inde, du Pakistan, du Bangladesh, de Chine, des Philippines, du Sri Lanka, d’Afghanistan, de Syrie ou encore du Yémen. A leur arrivée, l’employeur leur confisque leur passeport en échange du contrat de travail et prend garde de les reconduire à l’aéroport dès la fin du contrat. Parmi ces forçats du béton armé, certains avaient participé en septembre dernier à une marche silencieuse dans le centre-ville pour réclamer 4 mois d’arriérés de salaire. Ils travaillaient sur le chantier de Palm Jumeira, une île artificielle en forme de palmier qui s’étend sur plusieurs kilomètres. Une première qui a fait depuis des émules. D’après le quotidien Golf News, malgré l’absence de chiffres officiels, il y aurait eu au moins six mouvements de protestation de ce genre rien qu’au mois de mars…

La révolte de mardi est partie d’un problème de navette entre la zone de baraquement des ouvriers, en périphérie de la ville, et le chantier. Les employés ont expliqué que les bus chargés du transport les emmenaient une heure avant le début officiel de leur journée de travail, sans qu’ils soient payés plus, et les ramenaient parfois près de deux heures après la fin de celle-ci. Ils perdent aussi une bonne heure à pointer car il n’y a que 9 machines pour 3 000 employés.

Nombre d’entre eux sont musulmans et ont dénoncé le fait que la direction de la société qui les emploie, Al Naboodah Laing O’Rourke, déduisait de leur salaire le temps qu’ils passent à prier, ou à aller aux toilettes. Non couverts par les assurances, ils demandent de vrais soins médicaux. « Pour n’importe quoi, ils nous donnent une aspirine », a expliqué l’un d’eux à Gulf News. Sur les chantiers, les accidents du travail sont nombreux, parfois mortels. On compte de nombreuses insolations lorsque les températures atteignent 50°. Il y aurait aussi beaucoup de suicides parmi cette population, selon la presse locale.

7,60 dollars par jour

Les ouvriers réclament une augmentation de salaire. Les charpentiers les plus expérimentés gagneraient 7,60 dollars par jour, les débutants seulement 4, pour 10 heures de travail. Ils ont aussi dénoncé les méthodes des contremaîtres qui les battraient et les empêcheraient de prier. Des allégations niées par les contremaîtres, selon la société. Les ouvriers ont expliqué qu’ils en étaient venus aux mains car la direction refusait d’entendre leurs doléances. Après la médiation du ministère du Travail, seul interlocuteur puisqu’il n’existe pas de syndicats, Al Naboodah Laing O’Rourke a fait savoir qu’elle allait répondre favorablement à quelque-unes des demandes. Et que les ouvriers, qui ont repris le chemin du chantier, ne seraient pas pénalisés financièrement pour cet arrêt de travail spontané. Des négociations se poursuivaient jeudi.

Selon le porte-parole de la firme Samsung (à la tête du consortium qui construit la tour), l’action inopinée des employés n’aurait pas affecté l’avancement des travaux. Quelque 10 000 personnes font les trois huit sur le méga-chantier de Burj Dubaï, débuté en 2004 et qui devra donner naissance en 2008 à la plus haute tour du monde (dont la hauteur est tenue secrète mais devrait avoisiner les 800 mètres). La police a indiqué à Gulf News que cette violence était « inacceptable ». Pourtant, il n’y a eu aucune arrestation parmi les ouvriers. Un membre du Comité permanent des Affaires du Travail a pourtant précisé que si ceux-ci utilisaient encore une fois la violence, ils seraient expulsés du pays.


par Olivia  Marsaud

Article publié le 23/03/2006 Dernière mise à jour le 23/03/2006 à 18:23 TU

Les liens

WEB

Le site de la tour Burj Dubaï
Le projet et les dessins d'architectes de la tour (en anglais)