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Thaïlande

Elections législatives : une allure de «farce électorale»

Depuis le 23 janvier, des centaines de milliers de manifestants réclament presque quotidiennement la démission de Thaksin Shinawatra.(Photo : A. Dubus/RFI)
Depuis le 23 janvier, des centaines de milliers de manifestants réclament presque quotidiennement la démission de Thaksin Shinawatra.
(Photo : A. Dubus/RFI)
Jamais la Thaïlande n’a fait face à une telle situation : un scrutin auquel ne participe qu’un seul parti politique digne de ce nom, les trois formations politiques de l’opposition -dont la plus importante, le Parti démocrate- ayant boycotté le scrutin législatif, transforme le vote en une farce électorale ; un scrutin dont on sait également par avance qu’il n’aura qu’un impact minimal sur la situation politique.

De notre correspondant à Bangkok

Pour ne pas concourir contre lui-même, le parti Thai Rak Thai du Premier ministre Thaksin Shinawatra a poussé -moyennant, disent les mauvaises langues, « incitations financières »- des formations, dont personne n’avait entendu parler jusqu’à présent, à participer. La conséquence immédiate a été la disqualification de 315 candidats et l’ouverture d’enquête sur 84 autres, dont le Premier ministre lui-même, photographié en train de distribuer de l’argent lors d’un meeting.

A priori, il s’agit d’une grave accusation qui peut entraîner la suspension, pour dix ans, de toute activité politique, mais le gouvernement contrôle les agences dites « indépendantes » comme la Commission électorale. « Les résultats (du scrutin) dépendent de la crédibilité de la commission électorale ; or, nous pensons que la crédibilité de cette agence est sérieusement en doute », estime Kiat Sitthiamorn, l’un des dirigeants du Parti démocrate.

Quels peuvent être les critères d’un succès ou d’un échec dans de telles conditions ? Certains politologues estiment qu’il faut observer le taux de participation et le nombre de voix obtenues par la formation du Premier ministre. L’opposition ayant appelé à l’abstention ou au vote blanc, le taux de participation (habituellement entre 60 et 70 %) sera un indicateur important. Il faut aussi prendre pour critère les 19 millions de voix obtenues par le Thai Rak Thai, lors du dernier scrutin en février 2001 : un résultat médiocre affaiblirait encore la légitimité, déjà bien écornée, de Thaksin Shinawatra.

Celui-ci a, de fait, dissout l’Assemblée nationale afin de mettre un terme à la vague de contestation qui monte depuis qu’il a vendu son entreprise de télécommunications, Shin Corp, sans payer de taxes. Depuis cette transaction douteuse, le 23 janvier, des manifestations rassemblent presque quotidiennement des centaines de milliers de personnes : un mélange coloré de syndicalistes, d’altermondialistes, de fonctionnaires, d’étudiants et de petits employés.

L’armée n’assurera pas un soutien inconditionnel au Premier ministre si la crise s’amplifie

Quel que soit le résultat du scrutin, il est probable que le Premier ministre clamera victoire. L’opposition estime qu’en laissant le Thai Rak Thai dominer totalement le parlement, la « nature véritable du régime » deviendra claire et provoquera un rejet populaire ou une intervention du très vénéré roi de Thaïlande, Bhumibol Adulyadej. « Nous boycottons pour stopper un gouvernement qui trahit et vole le peuple sous couvert de démocratie, un gouvernement qui a détruit l’esprit de la constitution », explique Abhisit Vejjajiva, leader du Parti démocrate. Un pari risqué, car c’est se placer hors du champ légal. Quant au roi, monarque constitutionnel, il s’est gardé de tout commentaire sur la crise.

Thaksin a, d’ores et déjà, indiqué que les manifestations à son encontre devront cesser après le scrutin, sous peine d’être plus sévèrement réprimées. On semble donc s’orienter vers une radicalisation, car les manifestations ont clairement leur élan propre et il ne sera pas facile de les stopper. L’armée, qui a félicité le mouvement de contestation pour son pacifisme, a laissé entendre qu’elle n’apporterait pas un soutien systématique et inconditionnel au Premier ministre en cas d’envenimement de la crise. Cela laisse peu d’options à Thaksin Shinawatra, d’autant plus que le 60e anniversaire du règne du roi Bhumibol doit être célébré le 9 juin prochain, en présence d’une dizaine de monarques étrangers. Aucun Thaïlandais n’ose imaginer que le chaos politique continue à prévaloir à l’occasion d’une commémoration aussi historique.

                                                                                               


par Arnaud  Dubus

Article publié le 01/04/2006 Dernière mise à jour le 01/04/2006 à 12:24 TU

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