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Cameroun

Corruption : multiplication des initiatives

Dans une lettre adressée au directeur général du FMI, le Premier ministre camerounais Ephraïm Inoni (photo) écrit : «<em>Tous les critères de réalisation et repères structurels fixés à janvier 2006 ont été réalisés</em>».(Photo : www.spm.gov.cm)
Dans une lettre adressée au directeur général du FMI, le Premier ministre camerounais Ephraïm Inoni (photo) écrit : «Tous les critères de réalisation et repères structurels fixés à janvier 2006 ont été réalisés».
(Photo : www.spm.gov.cm)
Le pays est en ordre de bataille. Il ne figure pas parmi les dix-huit dont la réduction de la dette prend effet à partir du mois de juillet suite à une décision du Fonds monétaire international (FMI). Les autorités conduisent des mutations et multiplient des actions sur le front de la lutte contre la corruption. Objectif : bénéficier de la bienveillance des bailleurs de fonds fin avril.

De notre correspondant à Yaoundé

Tout se passe comme s’il fallait franchir les derniers obstacles. Pour la dernière ligne droite sur le chemin du point d’achèvement de l’initiative de réduction de la dette, le gouvernement semble décidé à mettre les bouchées doubles. Des sources autorisées parlent d’une mission de haut niveau, dite stratégique, en préparation. Vraisemblablement composée de technocrates, elle devrait intervenir incessamment, suite à celle plus diplomatique effectuée en mars par le Premier ministre Ephraïm Inoni, à Washington auprès de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. Il devrait s’agir pour le Cameroun de s’assurer que tous les clignotants sont au vert pour une échéance espérée vers la fin du mois d’avril. Le chef du gouvernement a d’ores et déjà donné quelques signaux. Dans la lettre d’intention adressée au directeur général du FMI, le 5 avril, il a rapidement fait état des progrès accomplis en matière de réformes préalables à la décision des Conseils d’administration des institutions de Bretton Woods. «Tous les critères de réalisation et repères structurels fixés à janvier 2006 ont été réalisés», écrit le Premier ministre. Qui ajoute : «Le gouvernement entend poursuivre l’assainissement des finances publiques, renforcer la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption».

Le gouvernement a réussi à mener des réformes prescrites par les institutions financières internationales : le processus de privatisation des entreprises publiques s’est relativement accéléré dans le respect du chronogramme arrêté avec les bailleurs de fonds, et une  gestion plus rigoureuse des finances publiques a permis d’éloigner le spectre des «dérapages budgétaires», lesquels avaient mis le Cameroun off track en 2004, repoussant l’atteinte du point d’achèvement.

Mais les bailleurs sont plus regardants sur la lutte contre la corruption. Et, sur ce front, les autorités ont multiplié ces derniers mois des actions visant à accréditer leur bonne volonté. Début mars, d’anciens directeurs de sociétés d’Etat ont été interpellés et mis en détention préventive. Ils sont présumés responsables d’atteinte à la fortune publique. Les processus sont en cours, même si les observateurs ont l’impression qu’un coup d’arrêt a été donné. Dans la foulée, la Commission nationale anti-corruption (Conac) a été créée en lieu et place de l’Observatoire de lutte contre la corruption, jusque-là moribond. De même, les députés ont-ils adopté, lors de la session de mars, le texte d’application de l’article 66 de la Constitution de janvier 1996 qui prévoit que les gestionnaires de deniers publics sont astreints à la déclaration des leurs biens. Bien avant, la mise en place de la Chambre des comptes avait été menée jusqu’au bout.

Critiqué par des experts

Le gouvernement espère ainsi s’attirer la bienveillance des bailleurs. Mais il est critiqué par des experts. «D’une manière générale, la création de ces institutions marque une avancée en matière de lutte contre la corruption. On peut toutefois regretter un certain nombre de travers et d’insuffisances, notamment leur peu d’indépendance, en raison de l’importance du président de la République dans leur fonctionnement, et l’absence d’un pouvoir de sanction qui aurait dû leur être reconnu», tempère Babissakana, patron du cabinet Presciptor à Yaoundé. Partageant les mêmes réserves, Christian Penda Ekoka, directeur du cabinet BDS, expert consultant et familier des questions de gouvernance, va plus loin. «Le vrai problème c’est que l’environnement des affaires est frappé de discrédit et ne favorise pas l’investissement privé. La corruption prospère dans un système où on observe une forte concentration des pouvoirs entre les mains de quelques responsables qui l’exercent de manière arbitraire, sans rendre de compte, et souvent, dans une totale impunité. Dans ces conditions, on peut se demander si les institutions suffisent à enrayer la corruption», explique-t-il.

Il n’empêche. Selon certaines chancelleries à Yaoundé, des bailleurs de fonds risquent de se contenter de ces évolutions. En attendant la… révolution. Et dans les couloirs du ministère de l’Economie et des Finances à Yaoundé, on se veut serein. L’échéance espérée fin avril devrait, si elle concluante, ouvrir la voie à une réduction de la dette du Cameroun, à hauteur des 1 400 milliards de Francs CFA, sur une trentaine d’années, dont la moitié supportée par la seule France dans le cadre du Contrat désendettement développement (C2D), dont des projets ont déjà été élaborés ; ils concernent l’éducation, la santé, et les infrastructures. Un signe.


par Valentin  Zinga

Article publié le 10/04/2006 Dernière mise à jour le 10/04/2006 à 09:15 TU