Etats-Unis
Le patron du Pentagone face à la fronde des généraux
(Photo : AFP)
De notre correspondante aux Etats-Unis
Le général Charles Swannack est le sixième d’entre eux. C’est un frais retraité : en 2004, il était encore en Irak à la tête de la 82ème division aéroportée. Sur CNN, il s’est exprimé en faveur d’ «un nouveau secrétaire de la Défense» et a accusé Rumsfeld d’erreurs de commandement. Un autre vétéran d’Irak, le général John Batiste, qui y a commandé la première division d’infanterie en 2003 et 2004 partage son avis. «Je crois que nous avons besoin d’un nouveau départ au Pentagone. Nous avons besoin d’un leader qui comprenne le travail d’équipe (…) un leader qui le fasse sans intimidation», a-t-il déclaré.
Le général Batiste a récemment décliné une offre du Pentagone de retourner en Irak pour y être le numéro deux de l’armée américaine. Il a refusé parce qu’il ne voulait plus servir sous le commandement de Rumsfeld. Selon lui, la sous-estimation des effectifs nécessaires en Irak, malgré les conseils de militaires, a créé un terrain favorable à des catastrophes comme le scandale des sévices d’Abou Ghraib. Il reproche au patron du Pentagone d’avoir ignoré les conseils des militaires sur la gestion de l’Irak après la chute de Bagdad. «Malheureusement, nous avons commencé quelque chose que nous n’étions pas prêts à finir», a-t-il déclaré.
« Incompétent d’un point de vue stratégique, opérationnel et tactique »
Avant lui, le général des Marines Greg Newbold avait, dans le magazine Time, qualifié l’Irak de « guerre inutile » en comparaison de la priorité qui aurait dû être accordée à la lutte contre al-Qaïda. Il y regrettait de ne pas s’y être opposé plus franchement et comparaissait le style de ménagement de Rumsfeld à celui de Robert McNamara pendant la guerre du Vietnam. Dans une tribune publiée par le New York Times, le général Paul Eaton en charge de l’entraînement des troupes irakiennes en 2003 et 2004 avait estimé que Rumsfeld était « incompétent d’un point de vue stratégique, opérationnel et tactique. » Le général John Riggs a confié au Washington Post que ses collègues pensaient qu’il fallait faire le ménage à la tête du Pentagone. Quant au général de Marine Anthony Zinni, qui a dirigé le commandement central à la fin des années 1990, il appelle depuis longtemps Rumsfeld, 73 ans, à prendre sa retraite.
Des critiques de longue date
En début de semaine, Rumsfeld avait balayé ces critiques comme « rien de neuf ou de surprenant. » Effectivement, trois ans après l’entrée en guerre contre l’Irak, ces appels à la démission ne sont pas les premiers. Mais, jusque-là, ses détracteurs étaient essentiellement des élus, souvent démocrates, et occasionnellement républicains comme le sénateur John McCain. Des critiques de généraux qui ont participé à l’invasion et à l’occupation de l’Irak seront plus à même d’impressionner le Congrès ou même la Maison Blanche. D’autant que certains de ses détracteurs, comme le général Swannack, ne remettent pas en cause la guerre contre l’Irak, mais s’en prennent essentiellement à la capacité de commandement de Rumsfeld, décrivant un civil avide de prendre des décisions militaires sans tenir compte des avis des militaires de carrière.
Son arrivée au Pentagone début 2001 avait déjà fait grincer des dents, incarnant un pouvoir grandissant des civils du Pentagone sur les militaires expérimentés. Ses idées de réforme de l’institution vers une armée plus légère avaient aussi été critiquées en interne.
Soutien réaffirmé du président Bush
Rumsfeld a déjà admis avoir proposé à deux reprises sa démission au président George Bush qui l’a refusée. Via son porte-parole Scott McClellan, le président a réaffirmé son soutien au patron du Pentagone. « Il croît que le secrétaire Rumsfeld fait du très bon travail pendant une période difficile dans l’histoire de notre pays. » Le porte-parole a ensuite lu des extraits de félicitations adressées à Rumsfeld par le général de Marine Peter Pace, chef d'état-major interarmées. Au Pentagone, le porte-parole Eric Ruff a tenté de marginaliser les avis divergents : « Je ne sais pas combien il y a de généraux, au moins 2 000. Ils ont tous leurs opinions. »
par Guillemette Faure
Article publié le 14/04/2006 Dernière mise à jour le 14/04/2006 à 16:08 TU