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Irak

Embourbés, les Etats-Unis tentent de convaincre

Selon le Pentagone depuis le début de la guerre, 1 700 soldats sont morts et plus de 13 000 ont été blessés.(Photo : AFP)
Selon le Pentagone depuis le début de la guerre, 1 700 soldats sont morts et plus de 13 000 ont été blessés.
(Photo : AFP)
La recrudescence ces dernières semaines des violences en Irak –une cinquantaine de personnes ont encore été tuées en moins de vingt-quatre heures– fait douter les Américains sur la capacité de leur gouvernement à pacifier ce pays. De plus en plus de voix s’élèvent en effet aux Etats-Unis pour réclamer un retour des boys à la maison. Et l’administration Bush, au plus bas dans les sondages, vient de lancer une vaste campagne de communication pour convaincre l’opinion publique du bien fondé de la présence américaine en Irak.

Non la Maison Blanche n’est pas «déconnectée de la réalité» ! En recevant vendredi le Premier ministre irakien, Ibrahim al-Jaafari, le président George Bush va chercher à faire taire ses détracteurs –certains dans son propre camp– de plus en plus virulents à l’égard de sa gestion de la crise irakienne. Il va surtout tenter de convaincre une opinion publique, très critique, de la nécessité de maintenir en Irak les quelque 130 000 soldats dont une majorité d’Américains réclament le retour. Six mois après sa réélection triomphante, le président Bush a le plus grand mal à obtenir la confiance de ses concitoyens sur le dossier irakien. Les derniers sondages montrent en effet qu’une majorité de l’opinion publique –près de 60% de la population– désapprouve sa politique en Irak et estime désormais que la guerre contre le régime de Saddam Hussein n’aurait jamais dû être déclenchée. Encore plus gênant pour l’administration Bush, une récente étude, réalisée pour le compte du quotidien Washington Post et de la chaîne de télévision ABC, a révélé que 65% des personnes interrogées estiment que les Etats-Unis sont «embourbés en Irak» et plus de 70% jugent le niveau des pertes «inacceptable».

Cette perte de confiance ne s’explique pas uniquement par la dégradation des conditions sur le terrain où, de l’aveu même du secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld, «la situation est statistiquement pas moins sûr qu’au moment de la chute du régime de Saddam Hussein». Elle est également  largement due aux discours rassurants des responsables américains qui sont en totale contradiction avec la réalité. Le vice-président Dick Cheney expliquait encore à la fin du mois dernier que la guérilla irakienne était «à bout de souffle». Or quelques jours plus tard le Pentagone annonçait que la barre des 1 700 soldats morts au combat était franchie et que plus de 13 000 militaires avaient été blessés depuis le début de la guerre. Au même moment, la rébellion irakienne lançait une série d’attaques meurtrières démentant une quelconque accalmie dans les combats. Une situation qui risque en outre de s’aggraver dans la mesure où, selon des sources militaires américaines, de 75 à 150 combattants étrangers en provenance d’Arabie saoudite, du Yémen et du Soudan pénètrent tous les jours en Irak pour y commettre des opérations suicide ou des attentats. 

La Maison Blanche opposée à tout calendrier de retrait

Face à ce que certains n’hésitent plus aujourd’hui à qualifier de «bourbier irakien», de nombreuses voix, y compris dans le propre camp du président américain, se sont élevées ces dernières semaines pour dénoncer l’incapacité de l’administration Bush à gérer cette crise. Le sénateur républicain Chuck Hagel a ainsi accusé la Maison Blanche d’être «totalement déconnectée de la réalité». Dans une sortie des plus virulentes, il a estimé que «les choses en Irak ne s’améliorent pas, elles empirent». «La réalité est que nous sommes en train de perdre en Irak», a asséné ce membre éminent de la commission des Relations étrangères. Plus mesuré, son collègue de l’Arizona, le très respecté John McCain, a pour sa part estimé que les Américains devaient être informés que la guerre risque de durer encore longtemps. «On nous a trop souvent dit, à nous et au peuple américain, que nous étions à un tournant décisif. Il aurait fallu et il faut dire maintenant au peuple américain que c’est long, c’est dur, c’est pénible», a déclaré John McCain qui est également membre de la commission des Services armés. Une déclaration qui est intervenue quelques jours avant l’audition, prévue ce jeudi, de plusieurs hauts responsables du Pentagone dont le secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, sommés par le Congrès de venir s’expliquer sur la situation en Irak. 

C’est dans ce contexte de crispations autour du dossier irakien, que plusieurs élus américains –républicains et démocrates– ont déposé la semaine dernière au Congrès une proposition de résolution appelant le président Bush à entamer un retrait militaire d’Irak d’ici le 1er octobre  2006. Une décision qui n’est visiblement pas à l’ordre du jour de la Maison Blanche. Le porte-parole de la présidence américaine, Scott McClellan, a en effet rétorqué que «les calendriers envoient le mauvais message aux terroristes, ils envoient le mauvais message aux Irakiens et ils envoient le mauvais message à nos troupes qui servent admirablement et travaillent à achever leur importante mission». Selon lui, le souhait de tous les Américains est certes de voir rentrer les troupes rapidement. «Mais la meilleure façon de les ramener à la maison et de leur rendre honneur, a-t-il ajouté, est d’achever le travail en Irak».

Cette position a largement été relayée par plusieurs responsables du Pentagone pour qui «rien ne ferait plus plaisir aux insurgés que de penser qu’il y a une date butoir». Le département de la Défense s’est en outre ouvertement inquiété de la baisse de soutien de l’opinion publique aux boys en Irak, l’un de ses responsables n’hésitant pas à faire une comparaison avec le Vietnam. «Les Vietnamiens, a ainsi déclaré le général James Conway, avaient réalisé ce que, selon moi, nos ennemis actuels réalisent, que l'opinion publique américaine est le centre de gravité. Qu'une démocratie ne peut pas faire certaines choses si ses citoyens n'y apportent pas leur soutien». Dans ce contexte, a insisté le directeur des opérations à l'état-major interarmées, «il est inquiétant que notre opinion publique n'apporte pas autant de soutien qu'elle le faisait peut-être auparavant». Visiblement soucieux de rassurer ses concitoyens, comme n’ont de cesse de le faire ces derniers temps les responsables de l’administration Bush au premier rang desquels le président en personne, le général a également assuré que les commandants américains sur le terrain avaient leur plan. «C'est un plan pour la victoire. Et les troupes seront retirées quand la victoire sera obtenue», a-t-il insisté.


par Mounia  Daoudi

Article publié le 23/06/2005 Dernière mise à jour le 23/06/2005 à 16:52 TU