Océan indien
Nouvelle victoire des Chagossiens contre les Britanniques
(Photo : AFP)
De notre correspondant à Port-Louis
« Nous nous rendrons dès demain sur les Chagos. Les juges britanniques nous ont donné le droit d’aller sur toutes les îles, même sur Diégo Garcia », déclare à sa sortie du tribunal londonien, Olivier Bancoult, le leader du Groupe Réfugiés Chagos. « C’est un jour historique pour nous », ajoute-t-il. « Nous sommes un petit peuple qui se bat contre deux superpuissances. La reine d’Angleterre ne peut pas nous interdire le droit au retour. »
Ce jugement intervient six ans après une première victoire juridique. La Haute Cour britannique avait déclaré, en novembre 2000, illégale leur expulsion et réclamait leur retour. Mais en juin 2004 le gouvernement britannique fait usage des prérogatives de la reine. Elizabeth II émet alors deux décrets royaux qui rendent caduque ce jugement et interdisent aux Chagossiens de rentrer. Ce sont ces décrets de la reine que les Chagossiens ont contesté et cassé devant la justice britannique.
« La reine d'Angleterre a été désavouée »
Dans leur plainte les avocats ont attiré l’attention des juges sur le caractère « irraisonnable, irrationnel et inhumain » de cette décision de la reine. « Le jugement de la Cour de Londres est la preuve qu'on peut faire confiance à la justice britannique. C'est la reine d'Angleterre qui a été désavouée », commente Robin Mardemootoo, le représentant légal mauricien des Chagossiens.
Le gouvernement britannique a indiqué qu’il compte faire appel de ce jugement. L’appel est suspensif, mais Robin Mardemootoo espère que Londres va se rétracter. « Parce que nous sommes confiants que la justice nous donnera encore raison. On ne peut pas faire autant d’injustice à un peuple. Il faut penser maintenant à la réhabilitation de leurs îles. » Dès l’annonce du verdict, en début d’après-midi, les Chagossiens se sont réunis dans le quartier de Cassis, au sud de la capitale de l’île Maurice, où nombre d’entre eux vivent en exil. Ils ont prononcé une prière avant de manifester leur joie dans les rues de Port-Louis et défiler tout l’après-midi.
« Retrouver notre vie »
« La victoire est à nous, la victoire est à nous », ont longtemps scander les Chagossiens en brandissent leurs drapeaux, aux couleurs noires, oranges et turquoises. « Nous avons été déracinés. Les anglais doivent reconnaître leur tort et nous laisser vivre sur notre terre », déclare Eddy Bégué. « Les Anglais doivent réhabiliter ces îles, y construire des écoles et des hôpitaux pour qu’on puisse retrouver notre vie », supplie pour sa part Rita Bancoult, 80 ans.
Entre 1965 et 1973, plus de 2 000 Chagossiens ont été expulsés vers Maurice et les Seychelles. Ils sont aujourd’hui 8 000 et la grande majorité est installée à Maurice, dans les faubourgs de Port-Louis. L’atoll des Chagos est d’une superficie de 42 km², situé entre l’Afrique et l’Australie et à portée d’avion du Moyen-Orient et de l’Asie. Il comprend 65 îles. Seules quelques-unes étaient habitées par les Chagossiens. Ces îles ont été laissées à l’abandon, sauf Diégo Garcia qui abrite la base militaire inaugurée en 1975.
Le premier ministre mauricien veut rencontrer Tony Blair
« Diego Garcia est indispensable à la défense et à la sécurité de la péninsule Arabique, du Moyen-Orient, de l’Asie méridionale et de l’Afrique orientale», a plaidé, devant la Haute Cour britannique, le département d’Etat américain, le 21 juin 2000. Maurice a toujours revendiqué ce territoire. L’atoll a été détaché en 1965 par les Britanniques, trois ans avant l’indépendance de Maurice. Port-Louis estime que ce détachement est illégal.
A l’annonce du verdict de la Haute Cour britannique, jeudi, le Premier ministre mauricien a sollicité une rencontre avec son homologue britannique Tony Blair. « C’est une victoire historique pour les Chagossiens. C’est l’occasion aussi pour la Grande-Bretagne et Maurice de se mettre autour d’une même table et trouver une solution pour tous », espère Navin Ramgoolam.
par Abdoollah Earally
Article publié le 12/05/2006 Dernière mise à jour le 12/05/2006 à 12:28 TU