Madagascar
Les «Palestiniens de l'Océan Indien»
Les populations des Iles Chagos vivent depuis 30 ans en exil sur l'Ile Maurice. Ils ont dû quitter leur archipel au milieu de l'Océan Indien sous la pression des Britanniques et des Américains qui voulaient construire une base militaire sur l'îlot de Diego Garcia. Depuis des années, les Chagossiens réclament leur droit au retour, sur leur terre natale. Mais dans le concert international, leurs voix ont bien du mal à être entendues face aux bruits des bombardiers américains qui décollent vers l'Afghanistan.
De notre correspondant à Madagascar
C'est l'histoire d'un peuple oublié, d'un fantôme de la colonisation. Les Chagossiens avaient tout pour être heureux, sur leurs îles au milieu de l'Océan Indien, à 600 milles au sud des Maldives : un archipel d'une soixantaine d'îles, un lagon aussi pur que le ciel, des noix de coco à gogoà Un petit coin de paradis, découvert par les Portugais au XVIème siècle, devenu terre d'émigration pour les lépreux indésirables de l'Ile Maurice au XVIIIème siècle. En 1815, l'archipel passe sous la tutelle britannique sans que cela ne change le cours paisible de la vie des quelques 2000 habitants à l'époque.
Cette terre promise à la quiétude est ainsi ignorée du monde jusqu'au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale. Période de guerre froide. Les Américains se cherchent un point de chute dans l'Océan Indien, pour pouvoir contrôler le sud-est asiatique, le Proche-Orient et l'Afrique. Ca tombe bien, leurs alliés britanniques disposent de quelques îles idéalement placées, quasiment désertes : les Chagos. Londres signe avec Washington un contrat de location de cet archipel pour une durée de 50 ans. Les autorités américaines choisissent l'îlot de Diego Garcia pour y construire leur base militaire. A la condition que tout l'archipel soit vraiment désert. Qu'à cela ne tienne, les Britanniques vont ævider' les Chagos de leur quelques milliers d'habitants, grâce à un stratagème savamment élaboré dans les années 60. L'Ile Maurice accueillera les Chagossiens, en échange de son indépendance en 1968, la Grande-Bretagne restant maître des lieux. Les Chagos deviennent officiellement un BIOT (British Indian Ocean Territory). Voilà donc comment quelques paisibles îliens sont sacrifiés sur l'autel de la géopolitique mondiale.
En quelques années, les habitants des Chagos sont déportés vers l'Ile Maurice. Un billet d'avion, aller simple suffit pour leur faire comprendre qu'ils ne reviendront pas sur leurs atolls Diego Garcia, Salomon ou Peros Banhos. Pour achever l'exode des derniers Chagossiens, les Britanniques emploient la méthode forte : réquisition d'un cargo, le Nordvaer, dans lequel des centaines d'autochtones sont entassés, laissant derrière eux leur maison et leurs effets personnels. Trois rotations entre 1971 et 1973, et les Chagos sont vides. Les déportés, avec en poche seulement leur passeport britannique et quelques livres sterling de dédommagement, n'ont d'autres choix que de refaire leur vie dans les taudis de la banlieue de Port-Louis. Reste le souvenir de leur terre volée.
Olivier Bancoult, le Robin des BIOT
A la fin des années 90, un groupe de Chagossiens exilés à l'Ile Maurice décide d'agir. A sa tête, Olivier Bancoult, la trentaine. Il n'avait que 4 ans quand il a dû quitter sa terre natale avec sa famille. Il considère son peuple victime d'une injustice de l'histoire, et se lance donc dans une croisade pour sortir des oubliettes le dossier chagossien.
Aux autorités américaines, il réclame des réparations financières pour les préjudices subis par son peuple. Mais surtout, aux autorités britanniques, il exige le droit de retour des déportés sur leur terre d'origine. Olivier Bancoult et son Groupe Réfugiés Chagos (GRC) font valoir leur cause à la tribune des Nations-Unies en 1999. Ils interpellent la Haute Cour de Londres en 2000. Et ils obtiennent gain de cause. Dans son jugement du 3 novembre 2000, l'instance juridique suprême en Grande-Bretagne ordonne le retour de ces natifs sur leurs îles.
Mais voilà, depuis un an, rien n'a changé. D'autant que les autorités mauriciennes entretiennent le trouble dans ce dossier sensible. En effet, Port-Louis revient à la charge pour contester la souveraineté britannique sur les îles Chagos. En face, Londres temporise. Et Washington se préoccupe bien davantage de ses bombardiers basés à Diego Garcia. Simplement le GRC et son leader Olivier Bancoult refusent d'être sacrifiés une seconde fois sur l'autel des relations internationales. C'est pour cela que depuis le 5 novembre dernier, ils ont décidé d'occuper les abords de la représentation britannique de Port-Louis. Ils ont le sentiment qu'on leur a volé leur terre et leur histoire. Ils ont le sentiment de n'avoir aujourd'hui plus rien à perdre. Certains sont prêts à se lancer dans une grève de la faim illimitée.
«Nul ne peut être arbitrairement (à) exilé.» (Article 9 de la Déclaration universelle des droits de l'homme)
C'est l'histoire d'un peuple oublié, d'un fantôme de la colonisation. Les Chagossiens avaient tout pour être heureux, sur leurs îles au milieu de l'Océan Indien, à 600 milles au sud des Maldives : un archipel d'une soixantaine d'îles, un lagon aussi pur que le ciel, des noix de coco à gogoà Un petit coin de paradis, découvert par les Portugais au XVIème siècle, devenu terre d'émigration pour les lépreux indésirables de l'Ile Maurice au XVIIIème siècle. En 1815, l'archipel passe sous la tutelle britannique sans que cela ne change le cours paisible de la vie des quelques 2000 habitants à l'époque.
Cette terre promise à la quiétude est ainsi ignorée du monde jusqu'au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale. Période de guerre froide. Les Américains se cherchent un point de chute dans l'Océan Indien, pour pouvoir contrôler le sud-est asiatique, le Proche-Orient et l'Afrique. Ca tombe bien, leurs alliés britanniques disposent de quelques îles idéalement placées, quasiment désertes : les Chagos. Londres signe avec Washington un contrat de location de cet archipel pour une durée de 50 ans. Les autorités américaines choisissent l'îlot de Diego Garcia pour y construire leur base militaire. A la condition que tout l'archipel soit vraiment désert. Qu'à cela ne tienne, les Britanniques vont ævider' les Chagos de leur quelques milliers d'habitants, grâce à un stratagème savamment élaboré dans les années 60. L'Ile Maurice accueillera les Chagossiens, en échange de son indépendance en 1968, la Grande-Bretagne restant maître des lieux. Les Chagos deviennent officiellement un BIOT (British Indian Ocean Territory). Voilà donc comment quelques paisibles îliens sont sacrifiés sur l'autel de la géopolitique mondiale.
En quelques années, les habitants des Chagos sont déportés vers l'Ile Maurice. Un billet d'avion, aller simple suffit pour leur faire comprendre qu'ils ne reviendront pas sur leurs atolls Diego Garcia, Salomon ou Peros Banhos. Pour achever l'exode des derniers Chagossiens, les Britanniques emploient la méthode forte : réquisition d'un cargo, le Nordvaer, dans lequel des centaines d'autochtones sont entassés, laissant derrière eux leur maison et leurs effets personnels. Trois rotations entre 1971 et 1973, et les Chagos sont vides. Les déportés, avec en poche seulement leur passeport britannique et quelques livres sterling de dédommagement, n'ont d'autres choix que de refaire leur vie dans les taudis de la banlieue de Port-Louis. Reste le souvenir de leur terre volée.
Olivier Bancoult, le Robin des BIOT
A la fin des années 90, un groupe de Chagossiens exilés à l'Ile Maurice décide d'agir. A sa tête, Olivier Bancoult, la trentaine. Il n'avait que 4 ans quand il a dû quitter sa terre natale avec sa famille. Il considère son peuple victime d'une injustice de l'histoire, et se lance donc dans une croisade pour sortir des oubliettes le dossier chagossien.
Aux autorités américaines, il réclame des réparations financières pour les préjudices subis par son peuple. Mais surtout, aux autorités britanniques, il exige le droit de retour des déportés sur leur terre d'origine. Olivier Bancoult et son Groupe Réfugiés Chagos (GRC) font valoir leur cause à la tribune des Nations-Unies en 1999. Ils interpellent la Haute Cour de Londres en 2000. Et ils obtiennent gain de cause. Dans son jugement du 3 novembre 2000, l'instance juridique suprême en Grande-Bretagne ordonne le retour de ces natifs sur leurs îles.
Mais voilà, depuis un an, rien n'a changé. D'autant que les autorités mauriciennes entretiennent le trouble dans ce dossier sensible. En effet, Port-Louis revient à la charge pour contester la souveraineté britannique sur les îles Chagos. En face, Londres temporise. Et Washington se préoccupe bien davantage de ses bombardiers basés à Diego Garcia. Simplement le GRC et son leader Olivier Bancoult refusent d'être sacrifiés une seconde fois sur l'autel des relations internationales. C'est pour cela que depuis le 5 novembre dernier, ils ont décidé d'occuper les abords de la représentation britannique de Port-Louis. Ils ont le sentiment qu'on leur a volé leur terre et leur histoire. Ils ont le sentiment de n'avoir aujourd'hui plus rien à perdre. Certains sont prêts à se lancer dans une grève de la faim illimitée.
«Nul ne peut être arbitrairement (à) exilé.» (Article 9 de la Déclaration universelle des droits de l'homme)
par Olivier Péguy
Article publié le 14/11/2001