Madagascar
La «Grande Ile» s'entiche d'Internet
Madagascar veut miser sur les nouvelles technologies de l'information et de la communication, à l'instar de l'Inde ou de l'Ile Maurice. Témoin de cette volonté, le salon E-Bit, qui vient de se tenir dans la capitale. Vitrine de la modernité, dans un des pays les plus pauvres au monde.
De notre correspondant à Antananarivo
Pendant cinq jours, du 10 au 14 octobre, le Salon des nouvelles technologies était LE lieu branché de la capitale malgache. Lumière noire et boule à facettes, sono qui déverse les dernières nouveautés musicales. Et des hôtesses, jeunes et jolies, pour renseigner les milliers de visiteurs dans cet univers high-tech, entre les présentoirs de logiciels, les écrans d'ordinateurs, les imprimantes, les scanners, les onduleurs intégrés, sans parler des jeux vidéo, des packages de téléphonie mobile, et de tous les gadgets derniers cris. La fréquentation de ce salon annuel est en progression continue. Six mille visiteurs en 1997, pour la première édition, plus de 25 000 cette année.
La mode est aux réseaux, à l'informatique, aux téléphones portables. Même les hommes politiques surfent sur l'air du temps. Ainsi Pascal Rakotomavo, gouverneur de la province d'Antananarivo, déclarait sans ambages, lors de l'inauguration du salon : «Notre rêve, c'est d'avoir une technopole dans cette province.» Et l'organisateur du salon, Alain Razafindrabe, de surrenchir : «Regardez l'affluence des jeunes, ils sont tous intéressés par ces nouvelles technologies ! Et vu l'importance de Madagascar dans la zone géographique, la création d'une technopole est tout à fait possible.»
«Fracture numérique»
Il faut reconnaître aussi que des entreprises privées investissent dans le secteur. C'est le cas de la société IP3C Factory, spécialisée dans la compression numérique d'images vidéo pour diffusion sur les réseaux, une start-up, implantée à Antananarivo, et qui est leader dans l'Océan Indien. Dans son personnel, une majorité de jeunes Malgaches, parfaitement rompus à ces nouvelles technologies. «Madagascar dispose actuellement d'environ 900 spécialistes informaticiens, ingénieurs, diplômés de l'Ecole nationale d'Informatique, explique Josuah Razafimandimby, directeur de cet établissement de formation installé à Fianarantsoa, à 400 km au sud d'Antananarivo. Sur ces 900, 200 sont partis travailler en France, au Canada, et même dans la Silicon Valley aux Etats-Unis. C'est dire qu'il y a des potentialités humaines ici, qui pourraient servir au développement de la société de l'information.»
Mais voilà, l'idée même de société de l'information reste encore l'apanage d'une minorité, urbaine, occidentalisée. Or, à Madagascar, près de 80% de la population habite hors des villes. Plus de la moitié des Malgaches est analphabète. Seulement 5% des habitants ont accès au téléphone. Ces quelques chiffres relativisent, pour le moins, le prétendu engouement collectif pour les nouvelles technologies. Ici, plus qu'ailleurs, la «fracture numérique» est profonde. Andry Razafindrazaka, consultant pour le PNUD (Programme des Nations unies pour le développement), estime que de toutes les manières, il est illusoire de prétendre associer l'ensemble de la population aux nouvelles technologies : «ce sont les jeunes qu'il faut former, pas les paysans de 50 ans dans leur rizière».
Le fossé existant n'inquiète visiblement ni les responsables politiques, ni les acteurs économiques. Au contraire, beaucoup estiment que le développement des nouvelles technologies, grâce aux jeunes, permettra de réduire la pauvreté. Dans de grands discours, on parle de mondialisation et d'intensification des échanges avec l'extérieur. D'où la nécessité d'investir dans les réseaux informatiques. Autre argument avancé, plus concret : les opportunités en terme d'emplois, grâce au secteur des nouvelles technologies. Enfin, argument plus spécifique à Madagascar : l'intérêt de ces réseaux sur tout le territoire, pour désenclaver les nombreuses régions isolées.
L'analyse est séduisante. Encore faut-il se donner sérieusement les moyens de ces ambitions. Et sur ce point, les avis sont unanimes : il manque une réelle volonté politique, qui aille au-delà des déclarations d'intention. Les opérateurs privés réclament par exemple un abaissement des taxes sur le matériel informatique. La TVA est de l'ordre de 30% à Madagascar, contre 5% seulement à l'Ile Maurice. Les acteurs économiques souhaitent également une diminution du coût des connexions à Internet. Toutes ces mesures permettront alors de dégager un peu la route qui mènera Madagascar sur les autoroutes de l'information. Le concept de «technopole» malgache y gagnera alors en crédibilité.
Pendant cinq jours, du 10 au 14 octobre, le Salon des nouvelles technologies était LE lieu branché de la capitale malgache. Lumière noire et boule à facettes, sono qui déverse les dernières nouveautés musicales. Et des hôtesses, jeunes et jolies, pour renseigner les milliers de visiteurs dans cet univers high-tech, entre les présentoirs de logiciels, les écrans d'ordinateurs, les imprimantes, les scanners, les onduleurs intégrés, sans parler des jeux vidéo, des packages de téléphonie mobile, et de tous les gadgets derniers cris. La fréquentation de ce salon annuel est en progression continue. Six mille visiteurs en 1997, pour la première édition, plus de 25 000 cette année.
La mode est aux réseaux, à l'informatique, aux téléphones portables. Même les hommes politiques surfent sur l'air du temps. Ainsi Pascal Rakotomavo, gouverneur de la province d'Antananarivo, déclarait sans ambages, lors de l'inauguration du salon : «Notre rêve, c'est d'avoir une technopole dans cette province.» Et l'organisateur du salon, Alain Razafindrabe, de surrenchir : «Regardez l'affluence des jeunes, ils sont tous intéressés par ces nouvelles technologies ! Et vu l'importance de Madagascar dans la zone géographique, la création d'une technopole est tout à fait possible.»
«Fracture numérique»
Il faut reconnaître aussi que des entreprises privées investissent dans le secteur. C'est le cas de la société IP3C Factory, spécialisée dans la compression numérique d'images vidéo pour diffusion sur les réseaux, une start-up, implantée à Antananarivo, et qui est leader dans l'Océan Indien. Dans son personnel, une majorité de jeunes Malgaches, parfaitement rompus à ces nouvelles technologies. «Madagascar dispose actuellement d'environ 900 spécialistes informaticiens, ingénieurs, diplômés de l'Ecole nationale d'Informatique, explique Josuah Razafimandimby, directeur de cet établissement de formation installé à Fianarantsoa, à 400 km au sud d'Antananarivo. Sur ces 900, 200 sont partis travailler en France, au Canada, et même dans la Silicon Valley aux Etats-Unis. C'est dire qu'il y a des potentialités humaines ici, qui pourraient servir au développement de la société de l'information.»
Mais voilà, l'idée même de société de l'information reste encore l'apanage d'une minorité, urbaine, occidentalisée. Or, à Madagascar, près de 80% de la population habite hors des villes. Plus de la moitié des Malgaches est analphabète. Seulement 5% des habitants ont accès au téléphone. Ces quelques chiffres relativisent, pour le moins, le prétendu engouement collectif pour les nouvelles technologies. Ici, plus qu'ailleurs, la «fracture numérique» est profonde. Andry Razafindrazaka, consultant pour le PNUD (Programme des Nations unies pour le développement), estime que de toutes les manières, il est illusoire de prétendre associer l'ensemble de la population aux nouvelles technologies : «ce sont les jeunes qu'il faut former, pas les paysans de 50 ans dans leur rizière».
Le fossé existant n'inquiète visiblement ni les responsables politiques, ni les acteurs économiques. Au contraire, beaucoup estiment que le développement des nouvelles technologies, grâce aux jeunes, permettra de réduire la pauvreté. Dans de grands discours, on parle de mondialisation et d'intensification des échanges avec l'extérieur. D'où la nécessité d'investir dans les réseaux informatiques. Autre argument avancé, plus concret : les opportunités en terme d'emplois, grâce au secteur des nouvelles technologies. Enfin, argument plus spécifique à Madagascar : l'intérêt de ces réseaux sur tout le territoire, pour désenclaver les nombreuses régions isolées.
L'analyse est séduisante. Encore faut-il se donner sérieusement les moyens de ces ambitions. Et sur ce point, les avis sont unanimes : il manque une réelle volonté politique, qui aille au-delà des déclarations d'intention. Les opérateurs privés réclament par exemple un abaissement des taxes sur le matériel informatique. La TVA est de l'ordre de 30% à Madagascar, contre 5% seulement à l'Ile Maurice. Les acteurs économiques souhaitent également une diminution du coût des connexions à Internet. Toutes ces mesures permettront alors de dégager un peu la route qui mènera Madagascar sur les autoroutes de l'information. Le concept de «technopole» malgache y gagnera alors en crédibilité.
par Olivier Péguy
Article publié le 21/10/2001