Vatican
Exploiter « Da Vinci Code »
(Photo : AFP)
De notre correspondant à Rome
Depuis la crise postconciliaire des années 1970 et face à la sécularisation progressive des sociétés occidentales, les responsables de l’Eglise catholique sont toujours divisés sur la stratégie à suivre lorsque leur credo ou leur institution fait l’objet d’attaques ou de dénigrement. Les uns crient au scandale et appellent à la mobilisation ; les autres estiment que le pire ennemi est l’indifférence, et qu’il vaut mieux que l’on parle de l’Eglise, même en mal, plutôt que de n’en point parler du tout.
Depuis quelques mois, le scandale suscité par la publication du livre, puis la sortie du film Da Vinci Code, vient de reproduire ces mêmes divisions. Difficile en effet de déceler une stratégie unique au Vatican, même si l’indignation est partagée par les principaux responsables de
« Ce film est un boomerang pour les ennemis de l’Eglise »
Le mois dernier, Mgr Amato qualifiait le livre de Dan Brown de « roman perversement antichrétien », dénonçant les « erreurs », les « calomnies », les « insultes » contenues dans l’ouvrage. Mgr Amato d’ajouter : « face à de tels cas, les chrétiens devraient être plus sensibles au rejet du mensonge et de la diffamation gratuite », citant le boycottage économique « mérité » que les catholiques américains avaient opposé en 1988 à la sortie du film de Martin Scorsese, « L’ultime tentation du Christ ».
Quelques jours plus tard, c’était au tour d’un éminent cardinal de la curie romaine, le nigérian Francis Arinze, d’appeler les chrétiens à « utiliser tous les moyens légaux pour que le droit à la foi d’autrui soit respecté ». La contre croisade semblait ainsi lancée, suscitant ici ou là des réactions mitigées sur l’opportunité d’une telle ligne. Un bémol est venu d’ailleurs directement de la congrégation concernée, la prélature de l’Opus Dei. Son responsable espagnol, Mgr Javier Etcheverria, n’a aucun doute : « ce film est un boomerang pour les ennemis de l’Eglise », affirmait-il vendredi 12 mai. « Les visites sur le site de l’Opus Dei sont maintenant de l’ordre de trois millions par mois et notre stratégie est celle de la transparence ».
Le mot peut surprendre pour cette organisation accusée depuis toujours de cultiver le secret et de noyauter les sphères influentes de la société contemporaine, mais la nouvelle stratégie évoquée la semaine passée par Mgr Etcheverria a fait l’objet d’une longue réflexion au sein de l’Opus. Au point qu’aux quatre coins du monde, des opérations « portes ouvertes » ont, depuis des semaines, été organisées en France, aux Etats-Unis et même à Rome (ce mercredi) afin de briser l’image négative de
Exploiter les techniques de communication
Bref, source de scandale, le Da Vinci Code serait ainsi devenu, au fil des mois, une formidable occasion de communication que la stratégie du boycottage pourrait faire manquer. Le chef de l’épiscopat italien, le cardinal Camillo Ruini, ne disait rien d’autre, lundi 15 mai, lorsqu’il affirmait que l’Eglise doit « utiliser les techniques et les méthodes actuelles de communication » pour « éclairer les consciences » et engager « un profond travail de catéchèse ». « Il faut aider les gens », a-t-il ajouté, « à faire clairement la distinction entre les faits certains sur l’origine et l’histoire du christianisme, et les œuvres d’imagination ou les falsifications ».
Une stratégie qui s’inscrit de surcroît dans un contexte international où la parole sur les religions est devenue plus sensible. L’Eglise catholique semble lasse de devoir, au nom de la liberté d’opinion, encaisser des attaques qui sentent la poudre lorsque c’est l’islam ou le judaïsme qui sont en cause. L’affaire Da Vinci intervient quelques mois après l’affaire des caricatures de Mahomet et offre ainsi l’occasion à l’Eglise de défendre sa vision du sacré, qui ne coïncide pas nécessairement avec la défense de telle ou telle institution ou congrégation.
par Laurent Morino
Article publié le 17/05/2006 Dernière mise à jour le 17/05/2006 à 10:50 TU