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Monténégro

Indépendance ou maintien dans la fédération ?

Un café où Milosevic cohabite avec le drapeau monténégrin.(Photo : Laurent Geslin)
Un café où Milosevic cohabite avec le drapeau monténégrin.
(Photo : Laurent Geslin)
« Voulez-vous que le Monténégro soit un Etat indépendant avec une totale légitimité internationale et légale ? ». Dans quelques jour, le 21 mai, les Monténégrins sont invités à répondre par « oui » ou par « non » à cette question. À quelques jours du référendum qui doit décider de son destin, le Monténégro paraît plus divisé que jamais. Les militants « unionistes » – partisans du maintien du lien avec la Serbie – brûlent en public le drapeau national et évoquent le risque de guerre civile si l’indépendance devait l’emporter.

De notre correspondant dans les Balkans

L’enjeu est majeur. Le Monténégro est la seule république ex-yougoslave qui soit restée liée à la Serbie. Longtemps inféodés au régime serbe de Milosevic, les dirigeants monténégrins rêvent cependant d’indépendance depuis la fin des années 1990. En 2003, l’Union européenne a imposé le maintien, provisoire, d’une « Union d’États » entre les républiques de Serbie et du Monténégro.

« Cette Union est un non-sens », explique Dragoljub, un petit entrepreneur de Podgorica, la capitale monténégrine. « Elle est censée représenter un seul sujet de droit international, mais les deux républiques ont chacune leur propre système fiscal et douanier, leur banque nationale, et même leur monnaie, puisqu’au Monténégro, seul a cours l’euro, et non pas le dinar serbe ». Dragoljub votera pour l’indépendance, « afin de sortir de cette situation absurde, qui dessert les deux pays ». « La Serbie et le Monténégro seront toujours très proches, mais nous aurons même de biens meilleures relations, quand le Monténégro sera indépendant », assure-t-il.

Entre raison et passion

Le plus souvent, les sentiments l’emportent pourtant sur les arguments rationnels. Ainsi, à Cetinje, l’ancienne capitale du Monténégro indépendant, le souvenir du vieux royaume, aboli en 1918, vit toujours. « Pourquoi les Monténégrins, qui ont une histoire pluri centenaire, ne pourraient-ils pas former de nouveau leur propre État », demande Peja, un retraité de l’usine Obod, qui a fait faillite dans les années 1990, entraînant toute l’économie de la ville dans sa chute.

Par contre, pour les « unionistes », l’indépendance est tout simplement impossible, comme l’explique Ivan Bulic, le maire d’Andrijevica, une petite commune du nord du pays. « Nos enfants vont étudier en Serbie, des milliers de Monténégrins touchent des retraites serbes, nous avons nos parents, nos cousins de l’autre côté de la frontière : les gens qui vont voter pour l’indépendance sont-ils conscients des conséquences d’une séparation ? »

« Personne n’aime Djukanovic, mais… »

L’usure du pouvoir de Milo Djukanovic, qui règne en maître absolu sur le Monténégro depuis 1989 – en qualité de Premier ministre, puis de président de la République, et à nouveau comme Premier ministre depuis 2002, pourrait affaiblir le camp indépendantiste. L’opposition pro-serbe dénonce violemment le régime « corrompu et mafieux » de Podgorica, mais le camp souverainiste devrait surmonter ce handicap. « À Cetinje, personne n’aime Djukanovic, mais le 21 mai, il s’agit de l’avenir du Monténégro. Pas une voix ne manquera à l’indépendance », assure Peja.

Pour reconnaître les résultats du référendum, l’Europe a fixé une règle draconienne, exigeant que 55% des électeurs se prononcent pour l’indépendance. Toutes les voix compteront. Le gouvernement monténégrin a affrété plusieurs dizaines d’avions pour permettre aux Monténégrins de la diaspora de revenir gratuitement voter au pays. En réponse, un ministre du gouvernement serbe offre des billets de train également gratuits aux Monténégrins de Serbie…

Pas de « plan B », selon l’UE

Le vote des minorités nationales devrait peser lourd dans le résultat final. En effet, la population du Monténégro compte 2% de Croates, 7% d’Albanais, et plus de 15% de Slaves musulmans. Tous sont a priori favorables à l’indépendance, par défiance envers Belgrade et hostilité au nationalisme serbe. Milo Djukanovic et les partisans de l’indépendance valorisent également le caractère multiethnique de la société monténégrine, au grand dam des courants « unionistes » pro-serbes. Pour Ivan Bulic, « seuls les musulmans peuvent faire gagner l’indépendance, alors que le Monténégro est un pays orthodoxe ».

Cependant, si le résultat final était compris entre 50 et 55% pour l’indépendance, ce qui est une hypothèse assez réaliste, le Monténégro risque d’entrer dans une phase incertaine et dangereuse. Comment expliquer aux partisans de l’indépendance que leur vote majoritaire n’est pas suffisant ? L’Europe assure qu’il n’existe pas de « plan B » : l’indépendance ne sera pas reconnue à moins de 55%. Le gouvernement de Podgorica explique, pour sa part, que tous les fonctionnaires monténégrins quitteront Belgrade et les institutions communes dès le 22 mai, quel que soit le résultat, ce qui devrait, en toute hypothèse, signer l’arrêt de mort de l’Union de Serbie et Monténégro.


par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 18/05/2006 Dernière mise à jour le 18/05/2006 à 09:15 TU

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Amaël Katarouzza

Spécialiste du Monténégro, auteur de « L'ex-Yougoslavie, dix ans après Dayton »

«Si l’Etat de Serbie-Monténégro disparaît c’est la question de l’avenir de la région qui se pose y compris avec la question de Kosovo.»

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