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Serbie

L’Europe sanctionne Belgrade à cause de Mladic

Ratko Mladic échappe toujours au Tribunal pénal international de la Haye.(Photo : AFP)
Ratko Mladic échappe toujours au Tribunal pénal international de la Haye.
(Photo : AFP)
Une fois encore, la Serbie n’a pas respecté l’ultimatum qui lui avait été adressée pour arrêter et transférer au TPI de La Haye Ratko Mladic avant le 30 avril. En conséquence, la Commission européenne a décidé mercredi matin de suspendre ses discussions avec la Serbie. Le vice-Premier ministre Miroljub Labus a présenté sa démission.

De notre correspondant dans les Balkans

Le second round des discussions d’association et de stabilisation de la Serbie avec l’Union européenne, qui devait commencer le 11 mai, est suspendu, car Ratko Mladic, l’ancien chef de guerre des Serbes de Bosnie, est toujours en cavale.

Carla Del Ponte, procureur au Tribunal pénal international de la Haye(Photo : AFP)
Carla Del Ponte, procureur au Tribunal pénal international de la Haye
(Photo : AFP)

Ces dernières semaines, les autorités de Belgrade ont réussi à arrêter plusieurs membres des cercles rapprochés de protection du fugitif. Un rapport remis en avril aux autorités de Serbie-Monténégro contient les noms de 130 personnes qui auraient aidé Mladic dans sa cavale ces dernières années. Ratko Mladic demeure pourtant toujours introuvable. Furieuse, Carla Del Ponte, la procureure générale du TPI, a déclaré mercredi qu’il y a dix jours encore, Ratko Mladic était parfaitement localisé et qu’il se trouvait même à Belgrade il y a deux semaines.

Menace de sanctions américaines

La décision européenne de suspendre les discussions avec la Serbie n’est pas la seule sanction en vue pour le pays. L’ambassadeur américain à Belgrade a annoncé que le Congrès, qui doit examiner à la fin du mois l’aide financière à la Serbie et Monténégro, pourrait décider de geler celle-ci.

Le Premier ministre Vojislav Kostunica, qui s’est adressé à la nation immédiatement après l’annonce de la suspension des discussions européennes, a pourtant déclaré que le gouvernement avait fait « tout ce qu’il pouvait » pour arrêter Mladic. Il a notamment estimé que c’était la première fois dans l’histoire de la Serbie que le pays était victime de sanctions « à cause d’un seul officier ». En soulignant que « les officiers serbes ont toujours fait passer au-dessus de toute autre considération les intérêts de la nation et de l’État », Vojislav Kostunica a lancé un appel à la reddition de Mladic, mais dans des termes encore une fois bien alambiqués.

Il a assuré que le fugitif ne bénéficiait désormais plus d’aucune aide, et qu’il se cachait seul. Selon lui, l’arrestation de Ratko Mladic devrait donc finir par se produire, et ne serait qu’une « question technique ».

Le Premier ministre démissionne

Cette déclaration a été vivement contestée par les courants réformateurs et pro-européen de l’opposition serbe, qui estiment que le gouvernement doit assumer la responsabilité de son échec. Le Parti libéral démocratique, qui regroupe des proches de l’ancien Premier ministre assassiné Zoran Djindjic, estime que Kostunica a fait le choix politique de ne pas arrêter Mladic, et de la sorte « prend en otages les citoyens de Serbie, tout comme ils ont longtemps été pris en otage par le régime de Milosevic ». Ce parti réclame la démission de Vojislav Kostunica.

Mercredi après-midi, c'est le vice-Premier ministre Miroljub Labus, issu du parti libéral G17+, qui a présenté sa démission, en appelant les autres ministres issus de son parti à la suivre. Le G17+ devrait cependant continuer à apporter un soutien parlementaire au gouvernement de Vojislav Kostunica, pour éviter sa chute immédiate et la convocation d'élections législatives anticipées.

La décision européenne ne pourra que renforcer la défiance envers le Tribunal de La Haye, déjà largement dominante dans l’opinion serbe. Elle pourrait même alimenter l’hostilité à l’intégration européenne, que ne revendique guère que l’extrême droite nationaliste, qui caracole déjà à 38% des intentions de vote dans les sondages, et qui pourrait encore progresser.

Au moment où le Montenegro doit voter sur son indépendance

La décision européenne fragilise considérablement la position de la Serbie, alors que des échéances cruciales attendent le pays, avec les négociations sur le statut final du Kosovo, et le référendum d’autodétermination monténégrin, fixé au 21 mai.

La décision européenne ne fait d’ailleurs pas que des malheureux. La ministre de l’Intégration européenne du Monténégro Gordana Djurovic a déclaré que les négociations européennes n’étaient suspendues « que jusqu’au 21 mai » pour le Monténégro. En effet, si les citoyens de la petite République se prononcent pour l’indépendance, l’Union de Serbie et Monténégro cessera d’exister et le Monténégro engagera des discussions directes avec Bruxelles. La décision de suspendre les discussions à cause de la mauvaise coopération de la Serbie avec le TPI a donc toute chance de favoriser le camp des « souverainistes » monténégrins, qui estiment que leur pays se rapprochera plus vite de l’Europe s’il se sépare de la Serbie.

par Jean-Arnault  Dérens

Article publié le 03/05/2006 Dernière mise à jour le 03/05/2006 à 17:07 TU