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Eglise catholique

Benoît XVI prie en allemand à Auschwitz

Au terme de sa visite en Pologne, le pape Benoït XVI s'est rendu sur le site de l'ancien camp d'extermination nazi d'Auschwitz-Birkenau. Auparavant, il avait marché dans les traces de son prédecesseur Jean-Paul II suscitant au fil des heures un engouement de plus en plus fort de la part des Polonais.
Le pape Benoît XVI au camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau, le 28 mai 2006.(Photo: AFP)
Le pape Benoît XVI au camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau, le 28 mai 2006.
(Photo: AFP)

De notre correspondante en Pologne

Le premier voyage de Benoît XVI en Pologne en tant que souverain pontife a été un succès, malgré des appréhensions et des débuts timorés. Joseph Ratzinger a su relever deux défis. Tout d’abord dépasser la barrière de la langue et faire oublier, ou du moins faire accepter, sa nationalité allemande dans un pays où les blessures de la dernière guerre ne sont pas encore cicatrisées. En second lieu, il a dû à chaque pas affronter l’ombre de son prédécesseur, vénéré déjà à l’égal d’un saint en Pologne.

Les titres des quotidiens paraissant durant sa visite témoignent de ce succès : « Il a su rompre la glace », peut-on lire à la première page de Dziennik, le journal fondé récemment par le groupe de médias allemand Axel Srpinger. « Il a trouvé le chemin de nos cœurs », titrait en une Rzeczpospolita, comparable au français Le Monde. « C’est désormais notre pape », pouvait-on lire dans Gazeta Wyborcza, le quotidien fondé par l’ancien héros de Solidarnosc, Adam Michnik.

Sur les traces de Jean-Paul II

On n’aura jamais fêté autant un Allemand en Pologne. Joseph Ratzinger a ému les Polonais en faisant des efforts évidents à lire de longs passages de ses discours dans la langue de Jean-Paul II et en évitant soigneusement la langue de Goethe. Il a aussi clairement présenté sa visite comme un pèlerinage sur les traces de Karol Wojtyla. Le terrible cardinal Ratzinger, comparé en Pologne avant son pontificat à un char d’assaut, à cause de son conservatisme et de son intransigeance sur les questions de foi, a su montrer un visage plus doux et plus modeste.

L’émotion des Polonais allait crescendo. La première journée de sa visite a été un peu décevante passée à de rencontres (avec le chef d’Etat polonais et les hiérarques de l’église) où le public n’était pas convié.  La mauvaise météo a un peu gâché vendredi matin la grande messe à Varsovie, sur la place Pilsudskiego. Sur la même place, 27 ans plus tôt, Jean-Paul II s’adressait pour la première fois à ses compatriotes en tant que souverain pontife. En prononçant les paroles : « n’ayez pas peur » et « que l’esprit saint descende du ciel et change le visage de cette terre », il a sans doute contribué à la vigueur de l’opposition démocratique au régime communiste.

Appelé à trancher la querelle entre traditionalistes et progressistes

Vendredi 26 mai, 270 000 personnes sont venues voir Benoît XVI au lieu du million prévu. Mais ils ont été nombreux à attendre toute la nuit dans la pluie et le froid. Et quand le pape a quitté la place, ils criaient : « reste avec nous ». Vendredi soir, à Czestochowa, devant le sanctuaire de la Vierge noire, ils étaient déjà 400 000. Mais l’accueil le plus chaleureux attendait Benoît XVI à Cracovie, la ville à jamais liée à Jean-Paul II. Joseph Ratzinger a su reprendre à son compte les habitudes instaurées par Karol Wojtyla : tard dans la soirée, il a béni la foule depuis la fenêtre de la Franciszkanska 3, où il été hébergé. A l’instar de Jean-Paul II, il a aussi rencontré lors d’une veillée informelle les jeunes, dont 600 000 sont venus samedi soir à Blonie. Le lendemain, au même endroit, un million de fidèles se pressaient pour entendre la messe.*

Reste à savoir si la visite de Benoît XVI guérira l’église polonaise déchirée après la mort de Jean-Paul II. L’aile ultra-catholique, xénophobe et anti-européenne de l’église a repris du poil de la bête et se ressemble autour de radio Maryja. En revanche, plusieurs personnalités connues représentant l’aile progressiste de l’église ont été accusées récemment d’avoir été des agents de la police politique communiste, comme le prêtre Michal Czajkowski. Benoît XVI a évoqué ce problème dès le premier jour de sa visite, en appelant au respect du passé mais il a aussi mis en garde contre des accusations sans fondements. Le quotidien Gazeta Wyborcza a publié un sondage étonnant : 30% des Polonais attendent qu’il règle le problème de radio Maryja. On lui fait plus confiance sur ce point qu’au défunt Jean-Paul II.

Prière en allemand à Auschwitz-Birkenau

La visite de Benoît XVI s’est terminée sur une autre image très forte : un pape allemand traverse seul à pied la tristement célèbre porte avec l’inscription « Arbeit macht Frei » à l’entrée de l’ancien camp d’Auschwitz et qui prononce une prière en allemand devant le mémorial aux victimes de camp d’extermination de Birkenau.

Joseph Ratzinger y a rencontré le président polonais Lech Kaczynski, 32 anciens prisonniers du camp représentants diverses nationalités, ainsi que les leaders des principales religions monothéistes. Après un office œcuménique à Birkenau, Benoît XVI a fait un discours poignant sur l’amour, le pardon et le doute. Commentaire de Marek Edelman, le dernier chef de l’insurrection du ghetto de Varsovie en 1943 : « Le pape a rendu un très bel hommage aux cendres des assassinés, mais il n’a rien dit sur le monde d’aujourd’hui, il n’a pas parlé du futur. Il a posé la question que tout chrétien doit se poser : Où était Dieu ces jours-là ? Pourquoi a-t-il gardé le silence ?  Cependant, je poserais une autre question : où était l’homme alors ? Pourquoi les hommes étaient si indifférents au crime qui se déroulait sous leurs yeux ? Aujourd’hui cela est-il différent ? L’humanité a-t-elle tiré des leçons de cette époque où dieu gardait le silence ?  Cela ne veut pas dire que je critique le pape. Moi-même, je me demande ce que l’on pourrait dire à Auschwitz pour rendre l’humanité plus lucide. »


par Maya  Szymanowska

Article publié le 29/05/2006 Dernière mise à jour le 29/05/2006 à 09:01 TU

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Bernard Lecomte

Auteur de biographies sur Jean Paul II et sur Benoît XVI

«Benoît XVI assume l'héritage de Jean Paul II.»

[25/05/2006]

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