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Mali

La tentation rebelle à Kidal

Le calme est revenu dans les rues de Kidal.(Photo : AFP)
Le calme est revenu dans les rues de Kidal.
(Photo : AFP)
Après les événements de la semaine dernière, le calme semble revenir à Kidal où les rebelles ont quitté la ville pour se regrouper dans les montagnes de cette zone située au nord-est du Mali près de la frontière du Niger. Simple accès de fièvre ou embryon d’une nouvelle rébellion touarègue ? Notre envoyé spécial dresse l’état des lieux.

De notre envoyé spécial à Kidal

Lundi, Kidal, ce bourg situé au nord-est du Mali respire mieux. La seule banque présente dans la capitale de l'Adrar des Iforas a ouvert ses portes. Plusieurs centaines de personnes qui ont fui reviennent. Des boutiques sont ouvertes. L'administration, fermée dans un premier temps, qui a ensuite tourné au ralenti, fonctionne à nouveau à plein régime. Des examens scolaires se sont même déroulés ce lundi.

L'armée se fait plus discrète. Mais pour autant, les événements de mardi dernier sont toujours au centre des conversations, et les ex-rebelles touaregs intégrés ou non au sein de l'armée sont redevenus « rebelles ». Leur véritable leader, est Iyad Ag Agaly, une grande figure de l'ex-rébellion touarègue des années 90. C'est un homme plutôt frêle. A l'époque, c'était le premier chef rebelle touareg à avoir déclenché la guerre. C'est aussi le premier à avoir fait la paix en 1992.

Quatre jours avant les événements de mardi dernier, Iyad Ag Galy était à Bamako, dans le bureau du président malien Amadou Toumani Touré. Au centre des discussions, les doléances des anciens combattants touaregs de la région de Kidal. Quasiment tous sont de l'ex-MPA, Mouvement populaire de l'Azawad, principale branche de l'ancienne rébellion touarègue. Trois préoccupations principales : l'autonomie de la région de Kidal pour son développement, les difficultés d'intégration rencontrées par ceux qui sont dans l'armée et le sort de ceux qui ont déserté et qui souhaitent réintégrer les forces armées maliennes. Sur ce dernier point, il pense notamment au lieutenant-colonel Hassan Fagaga, qui a déserté il y a quelques mois. Avec quelques dizaines d'hommes, il avait pris le maquis. Après une médiation, il a quitté les collines pour regagner Kidal, mais pas Bamako.

Les réponses du président malien provoquent le mécontentement

A toutes les doléances posées par Iyad, le numéro un malien apporte des réponses : la région de Kidal a déjà une certaine autonomie grâce à la politique de décentralisation qui a porté le nombre des communes existantes de 19 à 701. L'Etat malien, a poursuivi ATT selon deux témoins de la rencontre, a lancé un programme de développement de plus de dix milliards de FCFA pour la région avec le concours des partenaires financiers. Enfin, concernant les ex-rebelles, le chef de l’Etat annonce que ceux qui ont déserté, peuvent revenir, certains bénéficieront avec l'aide de pays comme la Libye pour le financement de projets de réinsertion. Quant aux déserteurs, (le chef de l'Etat pensait notamment au lieutenant Hassan Fagaga, qui continuait de bénéficier de son salaire malgré sa défection), ils ne seront pas inquiétés.

Iyad quitte le palais présidentiel insatisfait de ne pas avoir obtenu un calendrier d’application des mesures annoncées. Il regagne Kidal deux jours après. Il rend compte à ses hommes. Ils sont mécontents. Dans la nuit du lundi au mardi, ils déclenchent les hostilités. Les rebelles touaregs se subdivisent en deux groupes: le premier groupe prend la direction du premier camp militaire de Kidal qui porte le nom d'un célèbre militaire malien aujourd'hui décédé, le général Abdoulaye Soumaré. Le second groupe prend la direction du deuxième camp de la ville, situé au sud-est. C'est une promenade de santé. Les rebelles avaient des complicités à l'intérieur des deux garnisons. Très rapidement, ils mettent la main sur tout l'armement militaire. Quelques rebelles se dirigent par la suite vers le commissariat de la ville. Sans résistance, les policiers  remettent les clés de la pièce où sont entreposées armes et munitions.

En revanche les rebelles ne pourront pas prendre possession du fort colonial français de la ville où est basé un détachement militaire. Echec aussi lors d'une tentative d’investir les locaux de la gendarmerie locale et du camp de la garde nationale. Des impacts de balles, sont encore visibles sur la façade. Les forces loyalistes ont défendu leurs positions. Les différentes attaques ont fait, selon un dernier bilan, cinq morts. Deux du côté des rebelles, un du côté loyaliste, et deux civils, dont un jeune mort lors de l'incendie de quelques maisons situées à l'intérieur d'un des deux camps.

Repli dans les montagnes du Tagharar

Entre-temps, armés jusqu'aux dents, les rebelles prennent la direction des montagnes du Tagharar situées entre Kidal et la frontière nigérienne, à bord de véhicules « réquisitionnés ». La nouvelle rébellion, regagne alors la base de l'ancienne rébellion du MPA, Mouvement populaire de l'Azawad. C'est autour de ce noyau d'ex-combattants du MPA que se constitue cette nouvelle rébellion.

Douze ans après la dernière rébellion touarègue, une nouvelle rébellion prend forme. Et le soulèvement fait tâche d'huile à Ménaka, localité située à 375 km au sud de Kidal. Là, c'est le commandant de bataillon de l'armée de terre, Bah Moussa, qui prend la tête d'une opération : le pillage du dépôt de munitions et d'armes. Avec ses hommes, il rejoint ensuite les rebelles kidalois.

Depuis lors, quelques dizaines de défections de Touaregs ont été notées au sein de l'armée malienne. Ce sont en majorité d'ex-combattants du MPA. C'est le cas de l'adjoint au chef militaire de Tessalit, localité située plus au nord. Certains font demi-tour. Une trentaine de soldats touaregs intégrés au sein de l'armée régulière qui avaient pris le maquis sont revenus. L'un d’eux, rencontré à Kidal, nous confie : « Je suis parti par peur de représailles, mais j'ai réfléchi, ma place est ici, et non parmi eux dans les collines. On n'a plus besoins de guerre au Mali ».

Afin d'éviter un effet domino au sein de l'armée, des campagnes de sensibilisations se déroulent actuellement dans les casernes. Le haut commandement militaire insiste : pas de chasse aux sorcières contre les Touaregs intégrés dans l'armée, qui sont toujours à leur poste.

En attendant Kadhafi…

Ibrahim Ag Mohamed Assaley, lui, est un ancien officier du MPA. Il dirige aujourd'hui une ONG dans le nord du Mali. Il n'est pas d'accord avec ses anciens camarades: « Je ne suis pas parti avec eux, parce que je ne crois plus à la nécessité de prendre les armes pour faire aboutir des revendications ».  Il a par ailleurs des craintes : « Il faut vite agir, trouver une solution au moment où tous les rebelles sont encore regroupés au même endroit. Il y a risque de voir dans tout le désert des unités mobiles rebelles organiser une guérilla ».

De sources concordantes, l'Etat malien entend privilégier « dans un premier temps » le dialogue. Dans cette même veine des élus et cadres du septentrion malien se sont réunis. Missions de sensibilisation dans le Nord, appels au calme. Ils pourraient également jouer les facilitateurs pour trouver une issue pacifique à la crise. De son côté un ancien ministre malien, originaire de la région de Kidal, aurait pris langue, dimanche, avec les rebelles.

L'Algérie voisine et la Libye devraient également entrer en scène. Le chef de l'Etat malien Amadou Toumani Touré quitte lundi Bamako pour la Libye. Il doit s’entretenir avec le Guide de la révolution libyenne. Il n'est pas exclu que Kadhafi qui reçoit régulièrement en Libye tous les notables de la région de Kidal, mène aussi une médiation.



par Serge  Daniel

Article publié le 29/05/2006Dernière mise à jour le 29/05/2006 à 19:03 TU

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(Conception : RFI)

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