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Banlieue: climat électrique

Un car de police brûle à Montfermeil.(Photo : AFP)
Un car de police brûle à Montfermeil.
(Photo : AFP)
Tensions accrues liées à des contrôles répétés ou feux mal éteints susceptibles de repartir à la moindre étincelle ? Montfermeil et Clichy-sous-Bois -où avait éclaté la crise des banlieues de l’automne dernier- sont, depuis deux jours, le théâtre de violences urbaines localisées, se résumant à quelque dix-sept voitures brûlées, seize personnes interpellées et une dizaine de policiers blessés. Toutefois, les faits restent localisés et le gouvernement assure veiller au grain afin d’éviter que les banlieues ne s’embrasent une seconde fois comme au dernier trimestre 2005.

D’où est parti le détonateur qui a mis le feu aux poudres à Montfermeil et à Clichy-sous-Bois, deux communes voisines de Paris qui, depuis lundi, partagent un climat électrique ? Plus qu’une seule cause à l’origine des incidents, il semblerait que ce soit un faisceau de tensions. Les versions des faits et les déclarations diffèrent, selon qu’il s’agit de celles de la population qui évoque une saturation de violences policières répétées, ou de celles des forces de l’ordre qui stigmatisent « une pagaille et des incidents prémédités », selon les déclarations du ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy. Toujours est-il que dans la nuit de lundi à mardi puis dans celle de mardi et mercredi, des dizaines de personnes s’en sont pris aux forces de l’ordre à coups de jets de pierres dans les deux villes où avait éclaté la crise des banlieues de l’automne dernier. En deux jours, l’escalade des ripostes -entre forces de l’ordre et fauteurs de troubles- à coup de bombes lacrymogènes contre jets de cailloux et de flash-balls contre battes de base-ball se résume, en chiffres, à quelque dix-sept voitures brûlées, seize personnes interpellées et une dizaine de policiers blessés. Ceci étant, les faits restent localisés et le gouvernement assure veiller au grain afin d’éviter que les banlieues ne s’embrasent une seconde fois comme au dernier trimestre 2005.

« Ils [les policiers] sont venus chez un pote faire une perquisition (…) un policier lui a baissé le pantalon devant tout le monde (…) et c’est parti en patate. Ils ont sorti le flash-ball et un autre une bombe lacrymogène, et il y avait la mère [du mineur interpellé] à côté et ils l’ont gazée », a déclaré Samir, 20 ans, dans un témoignage rapporté par le quotidien Libération. Peu après les faits, ils étaient, d’après les chiffres de la police, une centaine de jeunes encagoulés à manier les parpaings et les engins incendiaires, pour s’attaquer aux voitures de police.La population locale place les exactions sous le signe d’une réaction de colère spontanée des habitants à la suite d’une perquisition musclée ayant eu lieu, lundi après-midi, au domicile d’un mineur placé en garde à vue pour vol avec effraction, et du placement en garde à vue pour rébellion d’une mère de famille humiliée. A la suite des premiers échanges entre la police et les assaillants, le maire, Xavier Lemoine, a dénoncé des « actes d’intimidation » et le fait que « le quartier soit pris en otage par un certain nombre de personnes ».

« Le maire de Montfermeil a récolté les fruits de décisions intempestives »

Les heurts sont intervenus, en outre, dans un contexte local de fortes tensions entre les jeunes de Montfermeil et le maire Xavier Lemoine, membre du parti UMP (droite), ce dernier ayant pris un arrêté interdisant tout rassemblement de plus de trois personnes dans le centre-ville des jeunes âgés de 15 à 18 ans. A la suite de cet arrêté, la mairie a subi des dégâts, la porte d'entrée vitrée a été saccagée, et deux cocktails molotov ont été lancés contre les fenêtres. L’Unsa-police, un  des deux grands syndicats de gardiens de la paix, a estimé que « le maire de Montfermeil a récolté les fruits de décisions intempestives ». Mais le maire de Montfermeil, quant à lui,  préfère attribuer l’origine des échauffourées à l’interpellation ponctuelle d’un jeune soupçonné d’avoir agressé un chauffeur de bus il y a quinze jours.

Parmi les jeunes fauteurs de troubles interpellés, figure le nom d’Altun Muhittin, qui doit comparaître le 31 août devant le tribunal correctionnel de Bobigny pour « participation avec armes [pavés] à un attroupement, et pour dégradation volontaire d’un véhicule de police en réunion ». Or, Altun Muhittin est le seul rescapé du tragique accident survenu le 27 octobre dernier . Voulant échapper à une poursuite policière il faisait partie des jeunes qui s’étaient réfugiés dans un transformateur à Clichy-sous-Bois -où Zyed Bena et Bouna Traoré décédèrent, électrocutés. Son arrestation, lundi, dans le cadre des dernières échauffourées intervient alors que, souligne son avocat, « Muhittin a été interpellé en bas de chez lui. Nous ne pouvons qu’être stupéfaits que son interpellation ait lieu la veille d’un acte judiciaire essentiel. Nous sommes convaincus de son innocence ». Il ajoute que, selon lui, « la situation [est] gravissime, [et participe d’] une véritable stratégie de tension ».

« Des engagements de l’Etat qui ne viennent jamais »

Face à la mobilisation d’une centaine de fauteurs de troubles cagoulés, le ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, interprète les faits comme « une pagaille » organisée avec « préméditation » contre laquelle il déclare vouloir lutter avec détermination. Plus de contrôles, plus de fermeté : Nicolas Sarkozy bénéficie de l’appui du syndicat des commissaires et hauts fonctionnaires de la police nationale (SCHFPN-majoritaire) qui dénonce l’existence d’un « noyau dur de délinquants encouragés par une réponse pénale désespérément faible (…) malgré les exhortations et les consignes de fermeté répétées du garde des sceaux ».

« Nicolas Sarkozy a délibérément pris le parti d’une stratégie de tension et d’affrontement au service de l’image de fermeté qu’il entend incarner à l’horizon 2007 », a déclaré Julien Dray, porte-parole du PS. Du point de vue de l’opposition, la réponse aux tensions ne réside pas tant dans des mesures coercitives que dans une prise en charge sociale globale que ne fait pas le gouvernement. François Hollande, premier secrétaire du PS, dénonce « un échec de la politique sécuritaire » du ministre et fustige des effets de manche et des opérations spectaculaires se résumant à « une gesticulation de la part du ministre de l’Intérieur ». Julien Dray va plus loin, considérant quant à lui qu’il s’agit d’une théâtralisation de l’insécurité dans les banlieues -à quelques enjambées de l'élection présidentielle- pour justifier la mise en place de réponses pénales drastiques.

Rangées aux côtés du Parti socialiste, qui regrette que « quelques mois après la crise des banlieues, on a le sentiment pénible que rien n’est réglé (…) que le ministre de l’Intérieur vient sur les lieux, annonce des engagements de l’Etat qui ne viennent jamais », selon les déclarations de François Hollande, les associations de quartiers font chorus : elles rappellent que le gouvernement avait annoncé une enveloppe de quelque 100 millions d’euros de subventions pour aider à lutter contre les discriminations raciales et soulignent que ce n’est pas suffisant.



par Dominique  Raizon

Article publié le 31/05/2006Dernière mise à jour le 31/05/2006 à 19:02 TU

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(Conception: RFI)

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Mohamed Hamidi

Rédacteur en chef du blog www.bondyblog.fr

«Le titre aujourd'hui du journal télévisé de 13h était «Seine-Saint-Denis : émeutes», comme si on y était, comme si on avait envie qu'on y soit. Pour l'instant c'est pas du tout le cas.»

[31/05/2006]