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Algérie

Le foot, une affaire d’Etat

Par une décision du président Bouteflika, l'Etat algérien a décidé de fournir des cartes d’accès à la chaîne par satellite ART pour que les Algériens puissent suivre la Coupe du monde de football à la télévision. 

		(Photo : AFP)
Par une décision du président Bouteflika, l'Etat algérien a décidé de fournir des cartes d’accès à la chaîne par satellite ART pour que les Algériens puissent suivre la Coupe du monde de football à la télévision.
(Photo : AFP)
Stress populaire à l’idée de rater le Mondial 2006 télévisé, alerte au sommet de l’Etat : la télévision publique (ENTV) n’a pas pu répondre aux attentes de millions de téléspectateurs épris de foot. L’affaire a atterri sur le bureau du président Bouteflika. Soixante-douze heures avant le début de la Coupe du monde de football, l’Agence nationale d’édition et de publicité (ANEP) a acheté en urgence, pour 4,5 millions d’euros, 300 000 cartes d’abonnement mensuel à ART, le bouquet de télévision du milliardaire saoudien, Cheikh Salah Kamel, détenteur des droits de retransmission pour le Maghreb et le Moyen-Orient.

De notre correspondant à Alger

Instruite par le président Bouteflika, l’ANEP a mis les précieux sésames sur le marché 48 heures avant le début de la compétition mondiale. Cela n’étant pas sa vocation, elle s’est associée avec La Poste pour les écouler à travers son réseau national de bureaux, au prix de 2 100 dinars l’unité (20 euros). Le jour où cette solution a été rendue publique, Le Quotidien d’Oran notait que «l’Etat jubile presque de ce statut de tuteur absolu face à un peuple qui, en fin de compte, lui demande humblement une demi-journée de pétrole pour voir des matchs à la télé».

En fait, tout indique que les pouvoirs publics ont mis du temps à appréhender tous les aspects du problème. Au pays, où le foot est le sport-roi, la question s’est muée en affaire d’Etat. Face à la défaillance de la télévision publique (ENTV), le dossier s’est retrouvé entre les mains du chef du gouvernement et des ministres des Sports et de la Communication, avant d’aboutir chez le président de la République pour une décision finale. C’est qu’il y avait le feu en la demeure.

Un sourd mécontentement s’était emparé de la population qui avait appris, officiellement et tardivement, que la télévision d’Etat ne retransmettrait pas tous les matchs de la Coupe du monde 2006. A quelques jours du coup d’envoi, les chaînes étrangères allègrement piratées, notamment celle du bouquet satellite TPS, se sont brusquement cryptées. Elles devraient le rester au moins jusqu’à la fin du Mondial allemand, ont averti les rubriques médias de la presse. Ecrans noirs. Point de Zizou, ni de Ronaldo, ni de Riberi … La frustration totale. Du coup, les centaines de milliers de détenteurs de démodulateurs numériques ne savaient plus à quel saint se vouer.

Si à l’ENTV, on pensait que les paraboles et les codes d’accès piratés masqueraient l’imprévision de son staff directorial, c’était raté. Ses responsables ont évité de critiquer le patron saoudien du groupe ART – une connaissance du président Bouteflika -, mais ils s’en sont vivement pris à la Fédération internationale du football association (FIFA) qualifiée, entre autre, de mercantiliste. Des mots, comparés au psychodrame dans lequel étaient plongés des millions de férus du foot.

Piratage et programmes gratuits

L’issue pouvait être cette carte d’accès à ART. Mais elle n’est pas à la portée de toutes les bourses. Cela explique d’ailleurs qu’il n’y a pas eu foule dans les bureaux de poste pour l’acheter. Quarante-huit heures avant le début du Mondial, pas plus de 50 000 cartes ont été vendues, selon les premières estimations. Pourtant, vendredi soir, rares étaient les Algériens qui n’avaient pas vu les deux premiers matchs de ce Mondial. Tous ceux qui n’ont pas acquis le sésame d’ART ont en effet trouvé la solution en orientant leur parabole sur le satellite Astra. Là, les programmes allemands (ARD, ZDF et RTL) leur ont gracieusement offert ce qu’ils espéraient tant. 

Cerise sur le gâteau, des hackers ont réussi à décrypter le code d’une chaîne européenne numérique sur TPS et les chaînes de télévision françaises, TF1 et M6, sont reçues en clair grâce aux démodulateurs analogiques. Cela a marqué la fin de ce psychodrame ou de ce «dessin animé collectif», comme l’a qualifié le chroniqueur Kamel Daoud. Et si le cryptage reprend le dessus, les hackers se remettront au travail.

Dans cette histoire, il reste que sous l’Algérie «du monopole cathodique, des entreprises publiques ont joué aux distributeurs d’une télévision privée étrangère. Cette Coupe du monde aura montré tous les paradoxes», constate l’éditorialiste du Quotidien d’Oran. Il en déduit que «le seul aspect positif de cette solution à 2 100 dinars est que le gouvernement n’a plus désormais d’arguments pour défendre un monopole sur la télévision, qui ne s’applique en réalité qu’aux Algériens !».

Il y a juste une semaine, le nouveau ministre de la Communication Hachemi Djiar confirmait cette évidence. La levée du monopole de la télévision n’est pas prévue à son programme d’action.  Son argument : «La démocratie et l’Etat républicain ne sont pas encore à l’abri…Tant que l’Etat, convalescent, n’a pas suffisamment de garanties, il n’ouvrira pas le secteur à l’investissement privé». 



par Belkacem  Kolli

Article publié le 10/06/2006Dernière mise à jour le 10/06/2006 à TU

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(Conception : Nicolas Catonné)

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