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Chronique Médias

La colère des habitants du Maghreb, privés de foot alors que commence la Coupe du monde

Le coup d’envoi de la Coupe du monde a été donné vendredi et le Maghreb est au bord de la crise de nerfs. En Algérie, au Maroc et en Tunisie, on se demande si on aura la chance de suivre les matches à la télévision. C’est une histoire démente. L’exclusivité des droits de la Coupe du monde pour le Maghreb et le Moyen-Orient a été acquise par un milliardaire saoudien, propriétaire du groupe ART, l’Arab Radio and Television. Le patron d’ART réclame 10 millions d’euros pour les droits de retransmission, une somme qu’aucune chaîne du Maghreb n’est en mesure de payer. L’opérateur saoudien propose aussi des résumés, ou, à défaut, l’achat de cartes pour capter ses chaînes.

Sauf que cette fameuse carte coûte 80 euros, un prix astronomique dans un pays comme l’Algérie. On imagine bien la désillusion des amoureux du ballon rond. Déjà, les pirates rivalisent d’ingéniosité pour trouver le moyen d’accéder aux chaînes cryptées. Mais les informaticiens et les petits génies du fer à souder, qui sont devenus malgré eux des acteurs clés dans cette affaire, sont impuissants devant le système de verrouillage très sophistiqué.

En Algérie, l’histoire prend la tournure d’une affaire d’Etat. Le président Abdelaziz Bouteflika a décidé de subventionner les cartes d’accès au bouquet ART, pour « ne pas priver les Algériens de cette grande manifestation sportive ». Elles ont été mises en vente hier vendredi, jour férié en Algérie, dans les bureaux de poste qui ont ouvert exceptionnellement. Le prix de vente est descendu à 22 euros. C’est un bel effort, mais le prix reste faramineux pour les plus démunis. Au Maroc, on est toujours en négociations avec le milliardaire saoudien, et seule la retransmission d’un résumé de vingt minutes de chaque match est déjà acquise. En Tunisie, la chaîne publique Canal-7 a seulement acquis les droits des trois matches que disputera l’équipe nationale au premier tour du Mondial, et diffusera les demi-finales, le match de classement et la finale. Pour suivre les autres rencontres, les téléspectateurs tunisiens ont la possibilité de capter les chaînes européennes, comme les allemandes ZDF et ARD, ou l’italienne RAI Uno, accessibles sans cryptage sur le satellite Astra. Au final, le problème reste le même : la grande fête du football ne sera pas accessible au plus grand nombre.

L’inflation des droits du football touche aussi les chaînes françaises

C’est paradoxal mais tous les spécialistes le savent : pour TF1 et M6, la retransmission de la Coupe du monde est très loin d’être une bonne opération financière. Selon les analystes financiers, la facture pourrait même s’élever entre 29 et 43 millions d’euros selon le parcours des Bleus. Alors, pourquoi les chaînes cassent-elle leurs tirelires pour acquérir ces programmes déficitaires ? En fait, c’est juste une question de standing. Les programmes sportifs sont de simples produits d’images, et un passage obligé pour les télévisions généralistes, qui ne raisonnent pas en termes de rentabilité financière. Les grands événements sportifs sont totalement indispensables au statut d’une grande chaîne. En fait, le plus pénalisant, ce serait de ne pas en diffuser…

Aujourd’hui, lorsqu’il s’agit du football, on marche sur la tête. Le ballon rond, sport populaire par excellence, est devenu un produit de luxe. Ce qui inspirait cette phrase pleine d’amertume, dans le quotidien algérien La Tribune : « Animé en majorité par les pauvres, le football appartient désormais aux riches… »

En partenariat avec Stratégies.


par Delphine   Le Goff

[10/06/2006]