Chronique de Jean-Baptiste Placca
Sortant de la prison allemande où est détenue, depuis le 9 novembre, Rose Kabuye, sa chef du protocole, le dirigeant rwandais a eu des mots lourds de sens, pour dénoncer ce qui, de son point de vue, devient une fâcheuse habitude de la justice française.
« Si le monde veut continuer à croire que n’importe quel petit juge, en France, peut lancer un mandat d’arrêt contre un ministre au Rwanda, au Sénégal, à Djibouti, au Gabon ou ailleurs, j’estime que le contraire est aussi possible », dit-il. Et de prévenir que des juges de son pays pourraient lancer des mandats d’arrêt contre des personnalités françaises qu’il soupçonne d’avoir trempé dans le génocide rwandais.
Paul Kagamé, en quête de solidarité, a quelque peu banalisé sa cause en y associant tous ceux qui, ces derniers temps, ont pu avoir le sentiment d’être persécutés par des magistrats français.
Rose Kabuye a accepté d’aller voir le magistrat qui la demande, au sujet de l’attentant contre l’avion du président Juvénal Habyarimana, dont la mort a servi d’alibi à ceux qui ont déclenché le génocide, en avril 1994. Il a été suggéré que l’avion a pu être abattu par des radicaux hutus, du camp présidentiel. Certains en ont rendu responsable le FPR de Kagamé. Les preuves matérielles ayant mystérieusement disparu, beaucoup se demandent de quels éléments peut bien disposer le juge pour faire la lumière sur cet attentant que les organisations internationales elles-mêmes ont, curieusement, passé par pertes et profits.
Au-delà de la mésaventure de Rose Kabuye, le fait que les juges français s’intéressent si souvent aux dirigeants africains est loin d’être anodin. On peut, par facilité, estimer que les Africains sont ceux que l’on méprise le plus facilement. Mais on peut aussi se demander si ces juges se mêleraient autant des affaires du continent, si la justice des pays n’oubliait pas de juger tant de crimes, tant de délits graves.
Près de 2 000 morts dans le naufrage du Diola, et aucune suite judiciaire ! Les disparus du Beach, à Brazzaville, les torturés des camps militaires de Maouya Ould Taya, en Mauritanie, les centaines de morts de la présidentielle de 2005, au Togo, les massacres de civils dans les rues de Conakry… Autant de tragédies, dont les auteurs, non seulement ne sont pas punis, mais pavoisent sous les yeux des familles éplorées.
Quand on sait que la Centrafrique a jugé, et plutôt bien, Bokassa, que l’Afrique du Sud a vidé, plutôt proprement, les plaies de l’apartheid, on se demande si les Africains, pour ôter aux « petits juges » les prétextes pour se mêler de leurs affaires, ne devaient pas, tout simplement, rompre avec une certaine culture de l’impunité.
par Jean-Baptiste Placca
[15/11/2008]
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