Chronique armée-défense
Dans ce livre d'un officier supérieur français, il est démontré que l'enjeu de « l'éthique » du soldat au combat n'est « rien moins que le jugement de l'opinion publique, et par conséquent la légitimité des opérations elles-mêmes ».
Lointain cousin de Ségolène, le lieutenant-colonel Benoît Royal dirige le service d'information et de relations publiques de l'armée de terre. Il commandait le 11e régiment d'artillerie de marine lorsque s'était produit « l'affaire Mahé », en Côte d'Ivoire, en mai 2005 : un supposé « coupeur de route », ramené dans un véhicule militaire, avait été étouffé sur le trajet, ou au mieux, « laissé mourir » par les militaires français qui le convoyaient. Des sanctions étaient tombées, dont la suspension du commandant de la force Licorne, le général Henri Poncet.
Royal, alors chef de corps d'unité de tradition coloniale, spécialisée dans les interventions outre-mer, avait été frappé par les réactions plutôt variées et disparates des officiers de son régiment, et avait entrepris de rédiger à l'intention de ses cadres une petite brochure, devenue un livre qui est sorti récemment, aux éditions Economica, sous le titre « L'Ethique du soldat français » avec en sous-titre : « La conviction d'humanité ». Et il en faut, sans doute, pour affronter un certain nombre de dilemmes - ceux que peut rencontrer un militaire qui, outre le risque d'être lui-même blessé ou de mourir, et d'avoir à donner la mort, porte seul lorsqu'il est chef, la responsabilité de l'acte de mort collectif, coordonné.
Et, relève notre colonel, « lorsqu'ils sont déployés en mission sur un théâtre de guerre ou au sein d'une crise grave, les militaires pénètrent dans un monde qui n'a plus rien à voir avec les réalités de la vie quotidienne, - là où les interrogations sur la responsabilité de l'emploi de la force se transforment bien souvent en véritables cas de conscience, dont les éléments de réponse ne figurent pas tous dans les manuels de tactique ou les règlements ».
Sans brosser à priori un portrait du soldat idéal, le colonel Royal cherche - par ce livre - à faire comprendre aux civils la gravité des situations rencontrées et la place qu'occupe justement la société civile ; et vers le monde militaire, de débattre et éduquer les esprits pour ancrer cette « éthique », de sorte que - le moment venu, au milieu de situations inhumaines, inextricables - des réponses adaptées aient une chance de surgir, dans l'urgence.
Quelle attitude avoir avec ceux avec qui ont vient de discuter, à qui on a serré les mains, mais qui quelques instants après, ont monté une embuscade contre vos hommes ? Comment réagir quand un adversaire utilise les femmes et les enfants comme bouclier humain et se sert de vos propres convictions pour vous attaquer et vous tuer ? Lorsqu'on arrête pour la 10e fois un criminel sans foi ni loi, terrorisant la population, qui a déjà été libéré x fois sans être inquiété. Face à une femme-sniper qui explique qu'avec sa lunette thermique, elle peut viser une personne enceinte et ôter deux vies avec une seule balle ?
Sans donner de recettes, en illustrant son propos - et surtout ses interrogations - par une vingtaine de témoignages souvent inédits, Benoît Royal explique comment l'orgueil et le désir de gloire peuvent conduire à la faute, comment cela mène à l'aveuglement, ou comment la vengeance entretient la haine avec la conviction qu'en temps de crise, dans un environnement déstructuré, la perte de repères que subissent les militaires peut conduire au pire !
par Philippe Leymarie
[21/12/2008]
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