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Chronique de Jean-Baptiste Placca

Fin d’une présidence à vie

Jean-Baptiste Placca 

		(Photo : S.Bonijol/RFI)
Jean-Baptiste Placca
(Photo : S.Bonijol/RFI)

De là où il est, désormais, Lansana Conté peut, en contemplant son œuvre sur la terre de Guinée, comprendre que l’Afrique ne le regrette pas. Certes, la douleur de ceux qui l’ont aimé mérite respect. Mais un dictateur ne devient pas respectable, simplement parce qu’il a rendu l’âme. Le général Conté s’était donné les moyens de rester au pouvoir jusqu’à son dernier souffle. Et le propre de la présidence à vie est que la vie doit s’achever, pour que finisse le calvaire de ceux qui la subissent. Que Allah lui pardonne tout le mal qu’il a fait à son peuple !

Pour les Guinéens, la période qui s’ouvre peut déboucher sur le meilleur, comme sur pire encore. La seule profession de foi des militaires qui se sont emparés du pouvoir à Conakry ne peut suffire à rassurer. D’autant que certains de ces soldats se sont plus souvent illustrés par leur zèle à tirer sur le peuple qu’à le protéger. Et si tous les fléaux qu’ils évoquent pour justifier leur putsch sont réels, alors, on se demande pourquoi un réveil aussi tardif.

Evidemment, ils violent la loi fondamentale. Mais s’est-on jamais soucié du respect de la Constitution en Guinée ? De tout temps, celle-ci a été froissée, gommée, raturée, travestie, au gré des intérêts et de l’humeur du général Conté. Et les institutions qui en résultent inspirent davantage la circonspection qu’un quelconque respect.

Quant à l’Union africaine, elle joue sa crédibilité à venir brandir son bréviaire, pour réclamer, aujourd’hui, le respect d’une telle Constitution. Peut-on, en quelques mois, passer du champ de ruine actuel à une démocratie crédible, simplement parce qu’on aura voté ?

Au sortir de l’apartheid, les Sud-Africains ont dû apprendre à travailler et à vivre ensemble. Blancs, Noirs, Indiens, métis, racistes et autres ont partagé le pouvoir, pour mettre en place des institutions crédibles et créer les conditions d’une transparence totale, avant de passer aux élections.

Les militaires guinéens veulent deux ans. Et pourquoi pas vingt-quatre ans ? Tout agenda est fantaisiste, s’il ne s’appuie sur un rigoureux état des lieux et une évaluation minutieuse des conditions pour aller aux urnes avec la certitude que ceux qui auront gagné seront véritablement les vainqueurs.

Aux hommes politiques guinéens qui exultent à la prise du pouvoir par l’armée – en espérant secrètement que les militaires leur faciliteront l’accession au pouvoir –, on a envie de rappeler que dans les années soixante, au Zaïre et au Togo, des intellectuels estimaient que Mobutu et Eyadema étaient bien trop limités pour tenir. La plupart des apprentis sorciers qui les ont soutenus, en croyant pouvoir ensuite prendre leur place, ont fini par être liquidés, au propre ou au figuré. Les opposants guinéens sont pour la plupart des intellectuels. Ils ne peuvent donc ignorer cela.


par Jean-Baptiste  Placca

[27/12/2008]

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