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Marché de l’Art

Plus de 500 œuvres d’art africain mises aux enchères, à Paris

A quelque jours de l’inauguration du musée du quai Branly dédié aux arts premiers, l’Hôtel Drouot organise samedi et dimanche « la vente Vérité », du nom de deux célèbres marchands père et fils, Pierre et Claude Vérité, aujourd’hui disparus. Cette collection privée exceptionnelle d’œuvres d’art africain a été constituée du temps de l’expansion coloniale française sur le continent africain. Quelque 514 lots, parmi lesquels une majorité de masques, sont mis aux enchères pour un montant global estimé entre 12 et 18 millions d’euros.

Statuette Punu Loumbo. 

		(Photo: Drouot)
Statuette Punu Loumbo.
(Photo: Boris Veignant)

Les collectionneurs d’objets d’art africain du monde entier auront les yeux tournés vers Paris samedi et dimanche à l’occasion de la « vente Vérité » qui va se tenir à l’Hôtel Drouot. Les prix devraient s’envoler pour une brassée de quelque dix-huit millions d’euros, peut-être davantage. et la vente devrait faire date dans l’histoire du marché de l’art africain car, de l’avis de l’expert Pierre Amrouche, il s’agit de la dernière grande collection historique française. « Après, on n’en reverra plus de semblable ni en France ni dans le monde », déclare -t-il.

La collection Vérité -qui porte le nom des deux marchands père et fils, Pierre et Claude Vérité- puise son origine dans l’immédiat après-guerre de 1914-1918. Vers 1920, jeune artiste peintre, Pierre Vérité fait l’acquisition de son premier objet « d’art primitif », appelé à l’époque « art nègre », à la librairie coloniale au Palais-Royal. Son oncle, employé aux Soudan français (actuel Mali), lui envoie dès lors quelques statuettes pour satisfaire sa passion et sa curiosité des objets. Pierre Vérité devient courtier en objets d’art et se constitue sa propre collection avant d’ouvrir une galerie à Paris -fréquentée, entre autre, par Picasso, Carl Einstein, Helena Rubinstein, André Breton, Tristan Tzara, Matisse, Paul Eluard, etc. Il parcourt plus tard l’Afrique en compagnie de son fils Claude.

Un masque Ngil de culture Fang du Gabon est estimé à 1,5 million d’euros

Masque Grebo Krou. 

		(Photo: Drouot)
Masque Grebo Krou.
(Photo: Boris Veignant)

« C’est une collection purement française qui regroupe tous les archétypes du collectionnisme français tant par l’origine des objets venant de nos anciennes colonies que par le goût qu’ils mettent en évidence. Pour l’art africain, l’atlas qu’elle compose épouse l’histoire de la France coloniale, il nous trace le parcours des collectionneurs d’art primitif de la première période des collections ; (…) le Mali, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée et le Gabon », souligne Pierre Amrouche dans le magnifique catalogue qui accompagne la vente. Masques Fang, Divinité Nimba Baga de Guinée, estimée entre 400 000 et 600 000 euros, statues et masques Senoufo, estimés entre 600 000 et 800 000 euros, statuette Punu Loumbo en provenance du Gabon, masque Grebo de Côte d'Ivoire, du Liberia, cimier Tyiwara Bambara du Mali de la région de Ségou feront partie des quelque 514 objets d’art africain qui seront dispersés lors de cette « vente Vérité ». Certaines pièces, d’une qualité exceptionnelle, sont devenues de véritables icônes reproduites dans les ouvrages de référence. « Extrêmement rares, elles seront disputées par une dizaine de grands collectionneurs dans le monde. Il y a longtemps qu’elles ont été repérées », confie Pierre Amrouche.

L’événement a été programmé une semaine à peine avant l’ouverture du musée du quai Branly, dédié aux arts premiers, un choix de date que ne manqueront pas de relever les mauvaises langues qui, il y a dix ans, dénonçaient dans le projet porté par le président Jacques Chirac une entreprise visant à promouvoir l’art africain afin de favoriser les spéculateurs et de faire monter les enchères. Pourtant, « la spéculation n’a rien à voir avec l’ouverture d’un musée », se défend Pierre Amrouche. Pour lui, « une partie de la polémique vient de l’intrusion de la pensée politique dans le projet qui remet en cause des modes de collectes contestables », ajoutant : « mais cent ans après on ne refait pas l’histoire ».

Si l’Hôtel des ventes de Drouot n’est pas un musée, il y ressemblera  jusqu’à vendredi soir 22 heures, à l'occasion de l'exposition des pièces précédant leur dispersion aux quatre coins du monde. Pour le plaisir de l’œil et sans intention d’achat, les amateurs d’art africain peuvent donc encore pour quelques heures apprécier des chefs-d’œuvre promis à retourner dans l’ombre de collections privées. On saura lundi à combien de milliers d’euros se sera envolé le masque Ngil de culture Fang du Gabon dont il est dit qu’il pourrait atteindre 1,5 million d’euros.



par Dominique  Raizon

Article publié le 16/06/2006Dernière mise à jour le 16/06/2006 à TU