Chine-Afrique
Pékin en quête de partenariats stratégiques
(Photo: AFP)
C’est par l’Egypte que le Premier ministre chinois débutera cette longue tournée africaine, samedi 17 juin. Cette visite coïncide avec le cinquantième anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre le Caire et Pékin. Selon l’AFP, pas moins de dix accords bilatéraux vont être signés au Caire. Les échanges entre les deux Etats sont évaluées à 2,2 milliards de dollars, surtout au bénéfice des Chinois. L’Egypte aimerait devenir un sorte de porte d’entrée des produits chinois en Afrique et dans le bassin méditerranéen et attirer aussi des millions de touristes chinois.
Mais la Chine cherche surtout à garantir son accès aux matières premières et notamment au pétrole dont a tant besoin son économie, en pleine expansion. Et l’Afrique est précisément en mesure de contribuer à satisfaire son insatiable appétit. La consommation totale de pétrole par les Chinois est évaluée à 6,59 millions de barils par jour et doit atteindre presque 7 millions cette année.
Luanda, l’étape pétrolière
En 2005, la Chine a importé plus de 38 millions de tonnes de pétrole africain, l’équivalent de 760 000 barils par jour. Dans ce contexte l’Angola est devenu un partenaire de premier plan des Chinois.
Wen Jiabao sera à Luanda le 20 et le 21 juin, où il sera reçu par le président José Eduardo dos Santos et par le Premier ministre Fernando Dias dos Santos. Un porte-parole du ministère Chinois des Affaires étrangères a souligné que cette visite en Angola «va permettre d’approfondir les relations bilatérales » et que « les deux pays développent une coordination politique». Pékin souligne aussi que la Chine a participé à la construction d’un hôpital à Luanda.
Or, l’Angola est devenu en février 2006 le premier fournisseur de pétrole de la Chine, devant l’Arabie Saoudite, avec plus de 450 000 barils de brut par jour, ce qui correspond à 15 % du total des importations chinoises d’hydrocarbures. Et la Chine vient d’acquérir une participation dans l’exploitation de trois champs pétroliers offshore à travers l’entreprise d’Etat Sinopec, laquelle devra aussi participer à la construction d’une nouvelle raffinerie en Angola.
«La coopération chinoise est naturellement la bienvenue», nous disait récemment à Paris un économiste angolais soulignant que « la Chine est capable de fournir des ingénieurs de travaux publics à 100 dollars par mois, tandis que l’Europe (à cause de l’euro trop cher) n’est plus concurrentielle dans la plupart des pays africains ».
En 2005 les échanges commerciaux sino-angolais ont dépassé les 5 milliards d’euros (près de 7 milliards de dollars), selon des sources officielles à Pékin. L’Angola est ainsi devenu le deuxième partenaire africain de la Chine, après l’Afrique du Sud. Le Premier ministre chinois effectue cette visite en compagnie de plusieurs membres de son cabinet (dont le chef de la diplomatie) et du président de l’Eximbank, la banque des exportations et des importations, qui a déjà ouvert des lignes de crédit pour la construction d’infrastructures en Angola, de plus de 2,3 milliards d’euros garantis par le pétrole. Des accords bilatéraux dans les domaines de la «santé, du commerce, de l’ économie et des affaires juridiques» devront être conclus à Luanda.
Les industriels sud-africains craignent la concurrence chinoise
En revanche, la visite de Wen Jiabao ne semble pas soulever beaucoup d’enthousiasme à Pretoria, même si l’Afrique du Sud exporte plus qu’elle n’importe de Chine. Le commerce entre les deux pays a dépassé largement les 6 milliards d’euros en 2004, mais les sud-africains redoutent la concurrence de l’industrie chinoise qui produit à bas prix des articles qui ont besoin d’une main-d’œuvre nombreuse. Ainsi, les producteurs de textiles sud-africains craignent que les chinois ne s’imposent sur les marchés africains. Les syndicats sud-africains ont même demandé l’application de restrictions à l’importation de produits chinois pour protéger la main-d’œuvre nationale, malgré «l’identité de points de vue» qui se manifeste, depuis des décennies, entre le Parti communiste chinois et l’ANC, au pouvoir en Afrique du Sud depuis la fin du régime de l’apartheid. Il est aussi fort probable que le président Thabo Mbeki manifeste quelques réserves au sujet de l’offensive diplomatique chinoise auprès de certains pays de la SADEC, la Communauté pour le développement économique de l’Afrique australe, comme c’est le cas de la République Démocratique du Congo, également visitée par Wen Jinbao.
Les responsables à Pékin soulignent que «la Chine a fourni depuis un demi-siècle une aide sans aucune condition politique à 53 pays africains en les aidant à réaliser près de 800 projets». Les Chinois affirment aussi que leur politique extérieure est dominée par le «principe de la non-ingérence». Mais plusieurs organisations humanitaires internationales regrettent que Pékin ne pose pas de questions concernant le respect des droits humains par les partenaires africains. En Afrique les militants des droits de l’homme soulignent que la Chine, avec son régime de parti unique, est un « mauvais exemple » pour l’instauration d’institutions démocratiques. Mais ces secteurs soulignent aussi que la montée en puissance des Chinois en l’Afrique pourra aussi stimuler les Européens et les Américains à augmenter leurs investissements sur le continent africain.
par Antonio Garcia
Article publié le 16/06/2006Dernière mise à jour le 16/06/2006 à TU