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Mexique

Le prix du pouvoir

Roberto Madrazo n’a pas bonne presse au Mexique. Il représente la corruption et l’autoritarisme de l’ancien régime.  

		(Photo : AFP)
Roberto Madrazo n’a pas bonne presse au Mexique. Il représente la corruption et l’autoritarisme de l’ancien régime.
(Photo : AFP)
Les 5 candidats à la présidence de la république ont clos leurs campagnes devant des milliers de partisans, acheminées bien souvent en autobus depuis les Etats limitrophes. La bataille pour Los Pinos, l’Elysée mexicain, devrait être très serrée.

De notre correspondant à Mexico

Roberto Madrazo, le candidat du Parti révolutionnaire insitutionnel (PRI), le parti de l’ancien régime, a demandé aux « priistes » un vote de confiance. Face au monument à la Révolution, devant des milliers de militants dont de nombreux pétroliers de Pemex (la compagnie des Pétroles mexicains), il a promis un gouvernement « sensible, prudent, efficace, démocratique et social », mais surtout il a martelé que cette élection allait se jouer à 3 et non à 2, comme le pensent Felipe Calderon et Andres Manuel Lopez Obrador, les candidats les mieux placés pour l’emporter.

En effet, Madrazo qui est devenu le candidat de son parti à la suite d’une lutte interne féroce, n’a pas bonne presse au Mexique. Il représente la corruption et l’autoritarisme de l’ancien régime. De ce fait il craint que, dans l’isoloir, les « priistes » ne se livrent à un vote dissocié, donnant leurs voix aux députés et sénateurs du parti mais choisissant le vote utile pour le candidat présidentiel. En effet, le Mexique est l’un des rares grands pays d’Amérique latine à avoir encore un scrutin uninominal à un tour. C’est donc le candidat le mieux placé qui l’emporte, avec un handicap terrible car il ne possède généralement pas de majorité à la chambre pour appliquer son programme.

Un choix de société

L’élection devrait donc se jouer entre Felipe Calderon, le candidat du PAN, la droite au pouvoir, et Andres Manuel Lopez Obrador, du PRD, le Parti de la Révolution démocratique, de centre-gauche. Le premier a choisi de faire une campagne à l’américaine. Ayant à défendre un programme libéral très contesté, peu créateur d’emplois et très inégalitaire, Felipe Calderon a recherché la popularité en dénonçant tous les vices et manies de ses opposants. Il s’est entouré des meilleurs publicistes et stratèges en marketing pour lancer ce que l’on appelle des campagnes négatives, utilisant principalement la télévision et la radio pour attaquer systématiquement les autres candidats avec des slogans à la limite de la diffamation.

Andres Manuel Lopez Obrador, qui a construit son image depuis la mairie de Mexico, a perdu beaucoup de temps à répondre à ces accusations, contraint lui aussi à recourir à la guerre des spots pour se défendre. Néanmoins, il est parvenu à présenter son « projet alternatif de nation » en faisant une campagne au « ras du sol », visitant toutes les villes de plus de 50 000 habitants : 75 000 km parcourus en autobus. Il propose un gouvernement de légalité, d’austérité et de tolérance. Un retour aux valeurs républicaines chères à Benito Juarez, le père de la patrie. Avec son slogan « Pour le bien de tous, en premier les pauvres », il veut assainir la vie politique en refondant les institutions, en luttant contre la corruption et en gouvernant de manière austère.

Coûteux cadenas anti-fraude

Cette campagne électorale a été la plus chère qu’ait connu le Mexique, et aussi la plus longue puisqu’elle a duré 6 mois. Les contribuables mexicains ont déboursé un peu plus d’un milliard d’euros entre l’organisation matériel des élections et l’argent versé par l’Institut fédéral électoral (IFE) aux partis qui ont empoché et dépensé allégrement l’équivalent de 500 millions d’euros, autant que la dernière campagne américaine, alors que le Mexique compte trois fois moins d’habitants que les Etats-Unis. Le président de l’IFE, Carlos Ugalde, a tenté, avec une armée de 17 000 assistants, de réguler ces élections pour qu’elles soient les plus équitables possibles. Il estime que c’est le prix à payer pour la toute jeune démocratie mexicaine: « un blindage financier pour éviter la fraude électorale endémique au Mexique ».

Cet argent public investi dans la campagne a permis aux partis d’utiliser la télévision et la radio. Felipe Calderon, le plus prodigue, a dépensé au cours des deux dernières semaines 3 millions d’euros par jour pour la diffusion de 68 spots TV aux heures de grande écoute, et 298 à la radio avant les informations. Cette médiatisation a clairement démontré aux Mexicains que le critère des électeurs compte de moins en moins, que l’essentiel est la quantité d’argent dont disposent les candidats pour payer leurs spots télévisés, convertissant les deux groupes Televisa et TV-Azteca en de virtuels grands électeurs.

par Patrice  Gouy

Article publié le 01/07/2006Dernière mise à jour le 01/07/2006 à TU

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Gaëtan Mortier

Journaliste

«Il y a peu d'espoir de changement. Le Mexique va continuer son économie ultralibérale qui profite à une poignée de gens.»

[01/07/2006]

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