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Mexique

Le Mexique rejoindra-t-il la gauche latino-américaine ?

Les électeurs auront à choisir entre la continuité, avec Felipe Calderon, et le projet alternatif du candidat de centre-gauche Andres Manuel Lopez Obrador (à gauche sur la photo). 

		(Photos : AFP)
Les électeurs auront à choisir entre la continuité, avec Felipe Calderon, et le projet alternatif du candidat de centre-gauche Andres Manuel Lopez Obrador (à gauche sur la photo).
(Photos : AFP)
Le Mexique se rend aux urnes le 2 juillet pour élire le président de la république, plusieurs gouverneurs d’Etats et renouveler une partie des deux chambres. Le résultat devrait être extrêmement serré. Si le candidat de gauche l’emportait, le poids du Mexique pourrait accélérer le mouvement antilibéral qui se dessine depuis quelques années en Amérique latine.

De notre correspondant à Mexico

Les élections de ce dimanche sont certainement les plus importantes de l’histoire moderne du Mexique car, pour la première fois, les électeurs auront à choisir entre la continuité que propose Felipe Calderon, le candidat du PAN, la droite au pouvoir, et le « projet alternatif de nation » que défend Andres Manuel Lopez Obrador, du PRD (centre gauche). Deux projets de société complètement différents. Il y a tout juste 6 ans, les Mexicains avaient cru qu’en chassant le parti historique dominant PRI du pouvoir, le gouvernement de coalition serait capable de mettre en place la transition démocratique tant attendue.

Curieusement, Vicente Fox n’a rien changé. Il s’est rapidement débarrassé des personnalités de gauche qui l’avaient soutenu pour suivre à la lettre le modèle économique mis en place par les libéraux depuis 1980. Faute de savoir négocier avec l’opposition, il n’a pu réaliser les grandes réformes structurelles que réclamait le pays. D’autre part, il n’a rien fait pour lutter contre la corruption : ses amis ont au contraire bénéficié des largesses du pouvoir. Six ans après, le Mexique se retrouve donc devant le même dilemme : continuer avec la droite libérale ou rompre avec le passé. Le « projet alternatif de nation » proposé par Lopez Obrador vise à changer les priorités économiques, à augmenter le rôle de l’Etat et à établir un nouveau pacte social. Deux projets de société distincts même si, sur le plan économique, ils ne pourront s’éloigner du modèle qu’impose la globalisation.

Washington indifférent

Les Etats-Unis, un moment effrayés par la popularité de Lopez Obrador, ont fait savoir qu’ils travailleraient avec le président élu, même si idéologiquement ils préfèrent Felipe Calderon. Les grands journaux comme le Financial Times ou le New York Times ont été rassurés par les nombreuses visites effectuées par Rogelio Ramirez de la O, le futur ministre de l’économie de Lopez Obrador. En effet, la politique suivie par la droite n’est pas sans poser de problème. Si elle fait la part belle au libre commerce, elle n’est pas créatrice d’emplois ce qui se traduit par l’émigration de 400 000 sans papiers chaque année, à un moment où ce thème divise la société américaine. En décidant de développer le marché intérieur, de s’attaquer aux inégalités sociales, à l’affairisme, à la corruption des cols blancs et en réduisant drastiquement le train de vie des hauts fonctionnaires, Lopez Obrador est perçu comme un président de gauche modéré qui ne fait plus peur.

Quelle gauche pour le Mexique et l’Amérique latine ?

Le sous-commandant Marcos, l’homme à la pipe et au passe-montagne, a lancé au 1er janvier 2006, « l’autre campagne », pour sensibiliser les exclus et les appeler à boycotter les élections. Pour les Zapatistes, Andres Manuel Lopez Obrador, n’est pas un homme de gauche et ne vaut pas mieux que les autres candidats. Cette appréciation a, paradoxalement, permis à Lopez Obrador de se recentrer et d’éviter d’être catalogué par la droite de gauchiste violent. Malgré un passé de lutteur social, de militant engagé, il s’est converti en social-démocrate « bon teint ». En ce sens, il se rapproche davantage de la gauche moderne du Chili et, par bien des aspects, de celle de Lula da Silva au Brésil.

Malgré les efforts médiatiques de Felipe Calderon pour le dépeindre comme un populiste, Andres Manuel Lopez Obrador, s’il est aussi charismatique que le président du Venezuela, ne ressemble en rien à Hugo Chavez qu’il n’a jamais rencontré. Son élection, s’il devait l’emporter, permettrait de consolider le bloc latino-américain qui se dessine autour du Mercosur, avec le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay.  Le poids du Mexique devrait alors peser davantage dans les relations bilatérales avec les Etats-Unis, en particulier sur le thème de la migration. La droite au pouvoir se comporte actuellement comme un allié docile que les Etats-Unis veulent utiliser pour contrer la montée d’une union latino-américaine qui s’oppose à la Zone de libre échange des Amériques (ZLEA). Lopez Obrador, s’il était élu, chercherait un nouvel équilibre. Il pourrait par exemple, retirer la candidature du Mexique au poste de membre permanent du Conseil de sécurité car il estime qu’il ne peut y avoir une totale indépendance lorsque l’on partage 3 500 km avec le pays le plus puissant du monde. Par contre, ce retrait renforcerait la cohésion de l’Amérique latine en laissant le champ libre au Brésil ce qui éviterait aussi la lutte fratricide que se livrent ces deux pays pour le leadership latino-américain.

par Patrice  Gouy

Article publié le 28/06/2006Dernière mise à jour le 28/06/2006 à TU