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Mexique-Venezuela

Le point de rupture est atteint

Les propos échangés entre Hugo Chavez et Vincente Fox ont provoqué une crise diplomatique entre le Venezuela et le Mexique.(Photo : AFP)
Les propos échangés entre Hugo Chavez et Vincente Fox ont provoqué une crise diplomatique entre le Venezuela et le Mexique.
(Photo : AFP)
La crise diplomatique que vivent depuis le 7 novembre ces deux pays d’Amérique latine s’est accentuée avec le rappel de leurs ambassadeurs et la nomination de chargés d’affaires. Le président mexicain Vicente Fox a averti qu’il était prêt à rompre totalement les relations avec le Venezuela si les attaques verbales du président Chavez continuaient.

De notre correspondant à Mexico

Les accusations mutuelles entre les présidents Vicente Fox et Hugo Chavez ont commencé au Sommet des Amériques à Mar del Plata, en Argentine, lorsque le Mexique, soutenu par 28 autres nations dont les Etats-Unis, a demandé d’inscrire à l’ordre du jour le thème de la ZLEA, la Zone de Libre Echange des Amériques. Ce point qui n’était pas prévu dans l’agenda a provoqué de fortes dissensions entre le gouvernement de Vicente Fox et les pays du Mercosur, principalement le Brésil, l’Argentine et le Venezuela.

Le président mexicain qui s’est fait le défenseur de la ZLEA, s’en est pris en premier lieu à Nestor Kichner, l’amphitryon du Sommet, l’accusant d’agir en fonction de l’opinion publique de son pays au lieu d’avoir le courage de suivre les lois économiques du marché. Sa deuxième cible a été le footballeur Diego Maradona qu’il a accusé de s’immiscer dans les affaires politiques comme si sa condition de sportif ne lui permettait pas d’exercer ses droits civiques. Enfin, en engageant un débat sur les vertus du libéralisme avec Hugo Chavez, le président le plus altermondialiste d’Amérique, furieusement opposé au grand marché que veut imposer Washington de l’Alaska à la Terre de feu, Vicente Fox savait que la polémique allait faire des étincelles. Le gouvernement mexicain qui s’estime aujourd’hui agressé et atteint dans sa dignité par les propos tenus par Hugo Chavez, est néanmoins considéré comme le responsable de cette tension. En effet, Vicente Fox en violant les règlements qui régissent les rencontres internationales, ne reçoit finalement que la monnaie de sa pièce.

Prudence des uns, excès des autres

Nestor Kichner a eu la sagesse de ne pas envenimer le débat, le Brésilien Lula Da Silva, l’Uruguayen Tabaré Vazquez tout comme le Chilien Ricardo Lagos ou même George Bush, ont préféré faire l’autruche, mais l’occasion a paru trop belle à Hugo Chavez. Vicente Fox lui fournissait un bon prétexte pour dénoncer les désastres économiques, sociaux et humains causés en Amérique latine par une décennie de politique libérale imposée par les Etats-Unis. D’autre part, c’était pour lui l’occasion de «dénoncer la manière inacceptable avec laquelle le Mexique se laissait utiliser par Washington comme fer de lance de la ZLEA». Les mots et les injures ont fusé. Hugo Chavez faisant déborder la coupe en traitant Vicente Fox de «roquet de l’empire impérial», intimant à Fox «de ne pas venir se frotter à lui s’il ne voulait pas recevoir des coups». Une affaire qui a dégénéré car les deux présidents ont un délire verbal notoire qui les empêche de mesurer leurs propos.

Si pour le Vénézuélien, ce conflit permet de réaffirmer sa position «de leader révolutionnaire régional» qui ose défier «l’impérialisme et ses laquais», se substituant à Cuba, évincé du sommet, pour le Mexique c’est beaucoup plus grave. En prenant la mouche, Vicente Fox a démontré son manque de maîtrise et le retrait des ambassadeurs (ce qui n’est pas irréversible) toute la faiblesse de sa diplomatie. Par cette attitude, le Mexique perd définitivement son rôle de leadership d’Amérique latine, renforçant par là même celui du Brésil et le Mercosur.

Une diplomatie calquée sur celle des Etats-Unis

Cette rupture avec le Venezuela est également le signe que la diplomatie mexicaine est de plus en plus calquée sur celle des Etats-Unis. La Maison Blanche peut, en effet, se réjouir : elle n’avait jamais trouvé un seul allié dans le monde pour affronter le gouvernement d’Hugo Chavez. En coupant les relations diplomatiques, le Mexique fait du Venezuela un «Etat problématique» comme cherchait, sans succès, à le démontrer George W. Bush. La chancellerie mexicaine ne semble pas mesurer toute l’étendue des dégâts :  c’est la première fois qu’un pays d’Amérique latine rompt totalement ses relations avec le gouvernement d’un président légitimement élu. Cette rupture du consensus latino-américain ne fait que servir Washington qui est ravi de voir se fissurer le sous-continent. Une lourde responsabilité que devra endosser la diplomatie mexicaine qui semble de plus en plus erratique.


par Patrice  Gouy

Article publié le 16/11/2005 Dernière mise à jour le 16/11/2005 à 12:24 TU