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France-Venezuela

Chirac-Chavez : entre amis

Le président français Jacques Chirac et son homologue vénézuélien Hugo Chavez, à Paris, le 19 octobre 2005. (Photo: AFP)
Le président français Jacques Chirac et son homologue vénézuélien Hugo Chavez, à Paris, le 19 octobre 2005.
(Photo: AFP)
En dépit d’un contentieux pétrolier toujours pendant, la visite en France du président vénézuelien témoigne de l’amitié et du développement de relations de nature stratégique entre Paris et Caracas.

C’est un président prospère et courtisé que la France a reçu, en grande pompe, pour une «visite de travail» mercredi et jeudi. Mais c’est également un chef d’Etat contesté dont les prises de position, plus proches de celles du Brésilien Lula ou Cubain Castro que de l’Américain Bush, exaspèrent nombre de ses pairs qui dissimulent mal leur volonté de l’isoler sur la scène internationale. Ce n’est certainement pas le cas du Français Jacques Chirac qui rencontrait Hugo Chavez pour la troisième fois cette année et affiche à son égard un soutien exubérant. Les deux hommes partagent sensiblement la même vision multipolaire des relations internationale et la même sensibilité sur la question des rapports Nord-Sud. L’un au Nord, l’autre au Sud, plaident pour un développement volontariste qui engage l’ensemble des Etats, sans attendre les hypothétiques retombées d’une industrialisation incertaine, pour des contributions obligatoires et une mondialisation maîtrisée.

Le Venezuela de M. Chavez est donc, à ce titre, un formidable compagnon pour la diplomatie française. Il témoigne un souci d’indépendance nationale et régionale qui plaît à Paris. Et il pèse d’un poids suffisamment important dans les registres économique et symbolique justifier cette collaboration que, de part et d’autre, on souhaiterait encore plus étroite. Sur le plan régional, le Venezuela est, avec le Brésil et l’Argentine, l’un des grands incontournables du sous-continent. Et cette tendance s’est récemment renforcée avec l’adhésion de ce pays au Mercosur, le marché commun latino-américain qui regroupe l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay.

Total condamné à une amende

Sur le plan économique encore, Caracas est un géant pétrolier, cinquième producteur mondial et membre de l’OPEP. Il fournit notamment la moitié de son quota de production aux Etats-Unis, dont il assure 15% de l’approvisionnement. La France n’a pas de pétrole, mais dispose d’une puissante industrie de prospection, d’extraction, de raffinage et de distribution incarnée par la compagnie Total, active au Venezuela aux côtés des russe, norvégienne, américaine et brésilienne. Or, entre Total et Caracas, les relations se sont quelque peu détériorées au cours de ces derniers mois lorsque les autorités vénézueliennes ont accusé le groupe français d’extraire deux fois plus que son quota autorisé. En réaction, Total a été condamné à une amende et au versement d’un important dédommagement.

Jeudi à Paris, au second jour de sa visite, lors de la traditionnelle rencontre avec les patrons français, les deux partenaires semblaient disposer à retrouver la voie de la collaboration. Philippe Armand, responsable de la compagnie pétrolière française, avait adopté le discours de circonstance pour déclarer les bonnes dispositions de Total à accompagner le président Chavez dans son entreprise pour mettre l’énergie au service du peuple. «Il est clair que nous accompagnerons ces programmes de tout un ensemble de projets sociétaux», renchérissait M. Armand, tandis que M. Chavez répondait qu’il souhaitait que son pays puisse être «un fournisseur d’énergie sûr pour la France» et qu’il comptait sur Total.

Livrer du pétrole aux victimes de Katrina

Le Venezuela est riche. Mais son gouvernement veut faire un usage politique de sa richesse. D’abord en fournissant à des prix préférentiels les nations amies pauvres de la région et des Caraïbes. Caressant peut-être, d’autre part, le rêve d’initier un mouvement, il a annoncé au début du mois le transfert en Europe des placements américains de son pays, prélude à un projet d’ouverture d’une banque régionale de développement sud-américaine. Les sommes en question sont estimées à 25 à 30 milliards de dollars. Il veille à ce que l’on distingue bien son hostilité envers l’administration américaine (qu’il soupçonne de vouloir le liquider) et les sentiments qu’il cultive à l’égard des Américains lorsqu’il accueille le pasteur démocrate Jesse Jackson (en août dernier) ou qu’il propose de livrer pétrole et aide financière aux victimes de l’ouragan Katrina.

Enfin le Venezuela de Chavez veut devenir une puissance nucléaire civile afin de doter son pays d’une technologie de substitution au pétrole, dont les réserves se tariront tôt ou tard. Au mois de mai, le président vénézuelien a annoncé son intention de développer un programme atomique pacifique en négociant un accord avec d’autres pays comme le Brésil et l’Iran, rajoutant ainsi à l’inquiétude de la Maison Blanche. Lundi, le gouvernement argentin, qui travaille avec le Brésil sur cette technologie, a indiqué que le Venezuela était intéressé par l’achat d’un réacteur.

Après Salamanque, où il a assisté au sommet ibéro-américain et Rome, où il a participé au sommet de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, Hugo Chavez devait quitter Paris à destination de Moscou, dernière étape de sa tournée dans la région.


par Georges  Abou

Article publié le 20/10/2005 Dernière mise à jour le 20/10/2005 à 18:21 TU