Venezuela
Chavez se déclare vainqueur
(Photo : Manu Pochez/RFI)
De notre correspondant à Caracas
Il est quatre heures du matin au palais présidentiel de Miraflores, les autorités électorales annoncent qu’Hugo Chavez conserve le pouvoir. Les militaires et les proches du président s’embrassent et se tapent dans la main comme des adolescents. Quelques instants plus tard, une véritable marée rouge envahit Miraflores. Le chef de l’État sort alors au balcon devant une foule euphorique qui, sur un air de salsa, hurle la chanson de la campagne électorale : « Uh ! Ah ! Chavez no se va ! Ouh ! Ah ! Chavez ne s’en va pas ! ». Ils sont quelques centaines à avoir patienté jusqu’à l’annonce des premières estimations.
Dans la foule, Marcos fait résonner sa trompette : « Je crois que tout cela reflète une victoire authentique du peuple, de la révolution et du commandant Hugo Chavez Frias. Ce référendum est un exemple de démocratie pour le monde entier. Il faut que le monde sache qu’il s’agit d’une révolution populaire et démocratique et que personne ne nous enlèvera ce cadre institutionnel ». Une pluie tropicale vient un peu gâcher la cérémonie mais qu’importe, les chavistes ont gagné, et ils débordent dans les rues du centre ville sous des trombes d’eaux. La fête peut enfin commencer, surtout que le chef de l’État vient d’accorder un jour de congé à tous les employés du public. A peine de quoi se reposer de cette journée interminable.
Certains électeurs se sont réveillés ou ont parfois été réveillés dès trois heures du matin, plus de vingt-quatre heures auparavant. Le commando de campagne de Chavez, avait en effet appelé ses militants à sonner le clairon dès l’aube et les leaders politiques des deux camps avaient poussé les Vénézuéliens à voter très tôt. La consigne a été largement suivie (le Conseil national électoral (CNE) a évoqué une abstention de moins de 27%), d’immenses files d’électeurs se sont agglutinées devant les bureaux de vote, certaines dépassant le kilomètre.
(Photo : Manu Pochez/RFI)
Les Vénézuéliens ont parfois attendu plus de dix heures avant de pouvoir voter. La tension est montée, et après un début de journée qui avait surpris tous les observateurs par sa tranquilité, la violence a resurgi dans certains quartiers de la capitale. Le chef des pompiers, Rodolfo Briceno, a confirmé le décès de Maria Elizabeth Martinez, une jeune femme de 28 ans. Dans l’est de Caracas, un groupe d’hommes armés a tiré sur une file d’électeurs devant un bureau de vote. Treize personnes ont été blessées lors de la fusillade. Une autre jeune femme de 20 ans a été tuée accidentellement par un soldat qui surveillait un bureau de vote.
L’opposition dénonce une « fraude massive »
Puis, au fil de la journée, l’opposition a fait remarquer des problèmes techniques et un manque d’organisation et soupçonné le pouvoir de tout faire pour ralentir le processus. Le CNE a d’ailleurs été contraint de repousser la fermeture des bureaux de vote jusqu’à minuit. Cette élection était en effet la plus importante jamais organisée dans le pays par le nombre d’électeurs tout d’abord, près de 14 millions, puis par le laps de temps dont ont bénéficié les autorités électorales pour l’organiser, à peine deux mois.
Reste que le CNE a attribué la victoire à Hugo Chavez, sur une base de 94,4% des suffrages. Deux des cinq membres que comprend l’organisation ont émis des doutes sur la vérification des votes et refusent de valider le scrutin. Certains leaders d’opposition sont également montés au créneau pour dénoncer une fraude massive. Henry Ramos Allup, porte-parole de la Coordinadora Democratica (CD) qui rassemble les partis politiques d’opposition, a promis « de rassembler les éléments pour prouver au Venezuela et au monde la gigantesque fraude effectuée contre la volonté populaire ». Il ajoute que, selon lui, le « oui » l’aurait emporté avec près de 59% des voix contre 40,6% pour le « non ».
(Photo : Manu Pochez/RFI)
Les adversaires de Chavez attendent maintenant l’avis des observateurs internationaux, ceux de l’Organisation des États américains (OEA) et du Centre Carter en particulier, pour se prononcer. La CD a déclaré à plusieurs reprises qu’elles n’accepterait les résultats du référendum que dans la mesure où les observateurs donneraient leur aval. Si ce n’est pas le cas, le Venezuela obtiendrait une fois de plus le rôle principal dans un de ces feuilletons électoraux et judiciaires dont il a secret. Et le gouvernement vénézuélien, qui estime que le CNE est la seule autorité compétente, engagerait un bras de fer avec la communauté internationale.
Bref, Hugo Chavez semble déjà s’être ouvert la voie jusqu’en décembre 2006, date de la fin de son mandat, et donné les moyens d’envisager sereinement les prochaines élections régionales et municipales qui devraient avoir lieu en novembre prochain.par Yann Le Gleau
Article publié le 16/08/2004 Dernière mise à jour le 17/08/2004 à 09:33 TU