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Aéronautique

EADS : l’équilibre franco-allemand sauvegardé

Louis Gallois (G) remplace Noël Forgeard à la tête du géant européen de l'aéronautique, EADS. 

		(Photos : AFP)
Louis Gallois (G) remplace Noël Forgeard à la tête du géant européen de l'aéronautique, EADS.
(Photos : AFP)
Le remaniement à la tête du groupe européen d’aéronautique et défense EADS, devrait permettre une sortie de crise honorable. C’est Louis Gallois l’actuel patron de la SNCF (chemins de fer français) qui remplace le coprésident d’EADS Noël Forgeard démissionnaire, et Christian Streiff prend les rênes de sa filiale Airbus à la place de l’Allemand, Gustav Humbert démissionnaire aussi.

La direction bicéphale franco-allemande d’EADS est préservée. Mais il aura fallu une semaine de tractations pour y parvenir. Mis sur la sellette, le coprésident Noël Forgeard s’est résigné à démissionner vendredi pour « mettre un terme à une situation qui pouvait compromettre le règlement des difficultés actuelles d’Airbus et le développement d’EADS » . Forgeard cède ainsi à la pression devenue trop forte après l’annonce le 13 juin du retard de livraison de l’Airbus A380. Une annonce qui avait provoqué le plongeon en Bourse du titre EADS de 26,3 %. Par ailleurs, Noël Forgeard est soupçonné de délit d’initié. A-t-il vendu, comme d’autres cadres dirigeants, ses stocks-options en mars dès qu’il a eu connaissance des problèmes de l’A380? Il s'en défend pied à pied jusque devant l’Assemblée nationale où il est invité à s’expliquer mercredi dernier. Mais toujours est-il que l’Autorité des marchés financiers (AMF) est déjà en état d’alerte : elle enquête sur les évolutions du titre depuis plusieurs semaines. Ceci s’ajoutant à cela, la position de Noël Forgeard n’était plus tenable. 

Quant à Gustav Humbert en quittant dimanche la direction d’Airbus, il endosse de fait sa part de responsabilité dans les retards pris pour les livraisons des premiers A380. Des retards qui surviennent fâcheusement au moment où Boeing, le concurrent de toujours, reconquiert la première place de l'aéronautique civile. Le nouveau président d’Airbus, Christian Streiff ancien numéro deux de Saint-Gobain, qui fait ici ses premières armes dans l’aéronautique, aura donc la redoutable tâche d’accélérer la fabrication du gros porteur européen. Mais son inexpérience du secteur pourrait au contraire « ralentir dans un premier temps le processus de décision » estime un analyste chez Exane-BNP Paribas. 

La nomination du très consensuel Louis Gallois, ancien PDG d’Aérospatiale et de Snecma, montre que l’option politique a cédé le pas à la logique industrielle.  Les grands actionnaires privés d’EADS que sont en tête DaimlerChrysler et Lagardère ont pesé de tout leur poids pour imposer leur choix de sacrifier les deux dirigeants les plus contestés. Et ainsi sauver la direction bicéphale franco-allemande tout en attribuant le commandement d’Airbus à un Français. Cette reprise en main ainsi que les nominations de Louis Gallois et de Christian Streiff ont été jugées industriellement pertinentes tant en France qu’en Allemagne. Le ministre de l’économie et des finances, Thierry Breton s’est félicité de ces mesures ajoutant qu’il pensait qu’elles « renforceraient l’axe franco-allemand ». La sauvegarde du sacro-saint équilibre franco-allemand ainsi maintenu a été également saluée de manière appuyée par le ministre allemand de l’Economie. Une façon de dire sa satisfaction de voir enfin évincer Noël Forgeard qui n’a jamais fait mystère de son aversion pour la structure bicéphale d’EADS.

Le plus gros reste à faire

Le dénouement de la crise ne signifie pas toutefois qu’EADS soit encore au bout du tunnel. Les changements d’hommes lèvent les incertitudes à court terme, estime la Deutsche Bank mais ils ne changent rien aux risques fondamentaux qui pèsent sur Airbus. Un risque incarné d’abord par l’A350 destiné à concurrencer le 787 de Boeing et qui devra être totalement repensé suite aux critiques des clients. Avec à la clé, un coût doublé par rapport aux prévisions, soit 8 milliards d’euros. Compagnies aériennes et analystes attendent avec circonspection qu’Airbus dévoile son nouvel avion qui pourrait désormais s’appeler l’A370. Ensuite, reste le casse-tête de l’A380 dont les premières livraisons devront être décalées de plusieurs mois à cause des ratés de production. Un report qui se traduit par un manque à gagner de 500 millions d’euros par an de 2007 à 2010.

Les turbulences qui ont agité EADS ces dernières semaines peuvent être vues comme une occasion ratée d’en faire une entreprise « normale ». C’est en tout cas un point de vue largement partagé outre-Rhin où on estime que la direction à quatre mains conduit souvent à des rivalités inutiles et fait obstacle à la prise de décision. Les changements intervenus à la tête du groupe seront rapidement l’occasion de faire la preuve du contraire ou à l’inverse de conduire vers de profonds bouleversements.



par Claire  Arsenault

Article publié le 03/07/2006Dernière mise à jour le 03/07/2006 à TU