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Aéronautique

Rien ne va plus chez EADS

Noël Forgeard, le co-président d'EADS, est mis en cause après la vente de stock-options qu'il a réalisée au mois de mars. 

		(Photo : AFP)
Noël Forgeard, le co-président d'EADS, est mis en cause après la vente de stock-options qu'il a réalisée au mois de mars.
(Photo : AFP)
L’annonce d’un nouveau retard dans la fabrication de l’A380, le très gros porteur d’Airbus, arrive comme la mauvaise nouvelle de trop pour le groupe aéronautique européen EADS. La bourse a immédiatement réagi et l’action a chuté de 26,32% en une journée. Les clients sont mécontents, les analystes méfiants et les actionnaires sceptiques. Les perspectives ne sont donc plus florissantes pour ce géant qui, il y a un an, apparaissait pourtant comme le champion mondial du secteur grâce à un carnet de commande mieux rempli que celui de son concurrent américain Boeing. Dans ce contexte, la mise en cause du co-président français du groupe, Noël Forgeard, soupçonné de délit d’initié, ne va rien arranger.

Fleuron d’un jour, pas fleuron toujours ? Dans le secteur aéronautique, rien n’est acquis. Les déboires actuels d’EADS le montrent. Pour le groupe aéronautique européen, dont la majeure partie des profits vient de sa filiale Airbus, le retard pris dans la fabrication de l’A380 va avoir un impact très important. Le groupe estime qu’il va perdre dans cette affaire 500 millions d’euros annuels sur son résultat opérationnel entre 2007 et 2010. La trésorerie d’EADS va aussi en souffrir. Dès 2006, elle devrait être amputée de 300 millions d’euros et d’environ un milliard en 2008.

L’annonce est arrivée alors qu’on ne s’y attendait pas. En mai, lors de la présentation trimestrielle des résultats, les dirigeants d’EADS n’avaient pas laissé entendre que les délais de livraison de leurs gros porteurs pouvaient ne pas être respectés. Cette mauvaise surprise, analysée par certains comme au mieux une grosse erreur de communication qui entame la crédibilité du groupe au pire une dissimulation très préjudiciable, explique certainement la réaction très rapide et marquée des marchés. L’action EADS a immédiatement fait le plongeon.

Critiques et défiance

L’ampleur de la chute du titre (-26,32% en une journée) est à la hauteur de la déception et peut-être de la perte de confiance. Reste à savoir si elle sera durable et ce qu’il adviendra à moyen terme. Et de ce point de vue, le contexte général autour d’EADS n’incite pas à l’optimisme. Les problèmes de fabrication de l’A380 s’ajoutent à des difficultés rencontrées par Airbus sur d’autres produits de sa gamme. Par exemple, l’A350, le prochain long courrier destiné à concurrencer le 787 de Boeing. Plusieurs compagnies aériennes ont demandé à Airbus de procéder à des modifications des plans de l’appareil qui ne leur convient pas tel qu’il est conçu actuellement. Des améliorations devraient être annoncées au mois de juillet pour répondre à cette attente. Et comme si cela ne suffisait pas, l’A340 (quadriréacteur long courrier déjà en circulation) fait lui aussi l’objet de critiques, notamment sur sa trop forte consommation en carburant, qui pourrait pousser les compagnies à lui préférer l’équivalent chez Boeing.

Le récent désengagement partiel du groupe EADS de deux gros actionnaires, Lagardère et Daimler-Chrysler, ne représente pas non plus un signe encourageant dans un tel contexte. Sans compter qu’il pose la question de savoir si c’est la perspective de l’annonce du retard dans le programme de fabrication de l’A380 qui a motivé ce retrait. Arnaud Lagardère dément cette analyse. Dans une interview au Monde, il affirme que la décision a été prise en 2005 et qu’il ne disposait pas d’informations concernant les difficultés rencontrées dans la chaîne d’assemblage du gros porteur d’Airbus jusqu’à ce qu’elles soient officiellement annoncées.

Forgeard sur la sellette

Tout cela participe décidément à dégrader l’image du groupe déjà bien entamée, en France, par la crise à la Sogerma mais aussi l’affaire Clearstream. Le licenciement programmé d’une grande partie du personnel du site de maintenance de la filiale d’EADS à Merignac, destiné à être fermé, a déclenché un tollé et a même provoqué une intervention du gouvernement pour éviter un plan social difficilement acceptable par les salariés alors que le groupe gagne de l’argent. D’autre part, la mise en examen de Jean-Louis Gergorin, ex-vice-président d’EADS chargé de la stratégie, dans l’affaire Clearstream ne représente pas la meilleure publicité pour le groupe. D’autant qu’elle a mis au jour la guerre pour la direction d’EADS, à l’issue de laquelle Noël Forgeard a succédé à Philipe Camus en 2005, qui pourrait bien être à l’origine de la falsification de listings informatiques transmis à la justice par Jean-Louis Gergorin.

Pas facile dans un tel contexte de ne pas s’interroger après la publication d’informations en provenance de l’Autorité des marchés financiers (AMF), selon lesquelles plusieurs dirigeants d’EADS ont vendu au mois de mars, avant les mauvaises nouvelles, un grand nombre de leurs stock-options. Parmi eux, Noël Forgeard a réalisé une opération qui lui aurait rapporté 2,5 millions d’euros. Ses trois enfants auraient, quant à eux, empoché 1,4 million d’euros chacun. François Auque (directeur du département espace), Jussi Itavuori (directeur des ressources humaines), Jean-Paul Gut (directeur du marketing) et Stefan Zoller (responsable de la division défense et sécurité) ont aussi vendu des actions. La question de savoir s’il y a eu délit d’initiés et si ces cadres ont voulu prendre leurs gains avant la chute prévisible du titre est posée. EADS a immédiatement démenti cette hypothèse. Le porte-parole du groupe a affirmé que Noël Forgeard ne disposait d’aucune information concernant le retard dans la fabrication de l’A380 lorsqu’il a vendu. Le hasard fait parfois bien les choses. 



par Valérie  Gas

Article publié le 15/06/2006Dernière mise à jour le 15/06/2006 à TU

Audio

Frédérique Tissandier

Journaliste à RFI

«Rien ne va plus pour Airbus...»

[14/06/2006]

Pierre Condon

Directeur de la rédaction de la revue «Air et Cosmos»

«Les conséquences commerciales sont relativement faibles (…) mais effectivement il y a un impact important au niveau financier.»

[14/06/2006]

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