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Vol 93 : premier long métrage sur le 11-Septembre

Il a fallu 4 ans et demi pour que les événements du 11 septembre 2001, apanage des journaux télévisés et du cinéma documentaire, fassent l'objet d'un film de fiction. 

		(Photo : Mars Distribution)
Il a fallu 4 ans et demi pour que les événements du 11 septembre 2001, apanage des journaux télévisés et du cinéma documentaire, fassent l'objet d'un film de fiction.
(Photo : Mars Distribution)
Le film du Britannique Paul Greengrass retrace l’odyssée d’un des quatre avions détournés le 11 septembre 2001 en vue de les faire s’écraser à New York et Washington et qui a raté sa cible, le Capitole à Washington. Dédié « à la mémoire de tous ceux qui ont perdu la vie le 11 septembre 2001 », Vol 93 sort mercredi sur les écrans français. Il avait été présenté à Cannes pour le festival dans la série hors-compétition, un mois après sa sortie aux Etats-Unis où les craintes de polémique ont, en fait, laissé majoritairement place à un hommage de la critique au réalisateur. Pour écrire ce drame historique, le réalisateur s’est appuyé sur une énumération minutieuse des faits connus et les témoignages de familles de victimes.

Il était une fois, le 11 septembre 2001, un Boeing 757 de la compagnie United Air Lines qui devait se crasher sur la Maison Blanche, et qui échoua au beau milieu d’un champs en Pennsylvanie. Vol 93 est la première fiction qui raconte les 90 minutes (en réalité l’avion n’est resté que 35 minutes en l’air) qui se sont écoulées entre le décollage et le crash de l’avion. A la manière d’une docu-fiction méticuleusement reconstituée, le réalisateur livre les 90 minutes d’horreur vécues par les victimes. Il s’est appuyé sur les témoignages des familles avec lesquelles les victimes ont partagé leur angoisse par portable interposé, ainsi que sur ceux des agents et des techniciens impuissants dans les tours de contrôle. « Nous étions nombreux à exprimer notre scepticisme face à un projet qui ne ferait qu’exploiter la mémoire de ceux qui nous sont chers », a reconnu un des proches des disparus lors de la tragédie « mais Paul Greengrass et son équipe ont montré l’importance qu’ils attachaient au respect de la vérité, et ont ainsi gagné le respect des familles des victimes ».

Des quatre avions kamikazes, le Boeing 757 du vol 93 est le seul avion à avoir raté sa cible. « La science-fiction est devenue réalité », déclarait le secrétaire général de l’Otan, Georges Robertson à la suite des attentats, en faisant allusion à des films hollywoodiens mettant en scène des avions-suicide. Cette fois, à travers ce film, la réalité et la fiction tentent de se rejoindre : le film de Paul Greengrass, United 93 (titre original), retrace sur le mode de l’action en temps réel les manœuvres d’un groupe de passagers pour détourner de sa trajectoire l’avion pris d’assaut par un commando terroriste. Pour rendre la tension palpable, le réalisateur a alterné les scènes à l’intérieur de l’avion et celle dans les tours de contrôle de Newark, Boston, et dans les QG de l’armée de l’air américaine ou de la Federal Aviation Authority (FAA, direction de l’aviation civile), le tout en évitant, de l’avis de Tim Bevan, un des producteurs, les « scènes à la John Wayne ». L’objet du film consiste davantage à souligner l’horreur du crime et la facilité avec laquelle il a été commis sans que les autorités puissent le contrer. Par là-même, Paul Greengrass pointe les dysfonctionnements du gouvernement américain et accuse la lenteur des procédures militaires.

« Il était important pour nous de laisser de côté les stéréotypes d’héroïsme et de cruauté »

Peut-on « fictionnaliser » des événements aussi tragiques, et « quelqu’un aura-t-il envie de le voir ? », se demandait l’hebdomadaire Newsweek à la veille de sa sortie sur les écrans, tandis que le New York Times restait sceptique sur la nécessité de passer la bande annonce dans les salles. Paul Greengrass avait alors répondu « Si nous devons avoir un débat lié aux problèmes relatifs au terrorisme et au fanatisme d’une partie du monde musulman, il me semble indispensable de retourner aux racines du drame ». La critique s’est alors interrogée sur le sens d’un tel film : film métaphore de la folie humaine ? Film d’horreur politique ? Film sur les failles d’un système ? « Il était important pour nous de laisser de côté les stéréotypes d’héroïsme et de cruauté », insiste Tim Bevan. Ne se revendiquant ni historien, ni journaliste, Paul Greengrass a revendiqué un film d’hommage, dédié « à la mémoire de tous ceux qui ont perdu la vie le 11 septembre 2001 » et, pour ce faire, a fait appel aux vertus cathartiques de l’écriture pour soulager la mémoire collective.

Ni héroïsme, ni patriotisme, ni cruauté et des terroristes à visage humain : c’est ce parti-pris qui a convaincu le comédien de confession musulmane Khalid Abdalla de surmonter ses réticences initiales et d’incarner le chef du groupe terroriste, Ziad Jarrah. Ce dernier espère que son interprétation contribuera à mettre en lumière « l’insulte effroyable qu’ont commise ces 19 jeunes gens [qui ont détourné les 4 avions] en prétendant représenter des milliards de musulmans dans le monde entier ». Paul Greengrass n’émet aucun jugement et pointe plus globalement l’absurdité des destins croisés des terroristes et des passagers. Les premiers prient le Seigneur de les aider à réaliser avec succès le sacrifice humain qu’ils lui dédient. Les seconds prient le Seigneur de les sauver de l’horreur. Au final le Seigneur n’entend personne : les prières se soldent par un attentat déjoué pour les premiers et une mort inéluctable pour les autres.

Vol 93 est le premier film de grande diffusion inspiré par les événements hormis les deux téléfilms Flight 93 (6 millions d’audience) et The Fighting that Fought back. Universal s’est défendu d’être guidé par l’intérêt commercial en allouant 10% des bénéfices de Vol 93 au fond national du mémorial pour le vol 93 Flight 93 national memorial fund.



par Dominique  Raizon

Article publié le 12/07/2006Dernière mise à jour le 12/07/2006 à TU

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«Vol 93» de Paul Greengrass

««Vol 93» n’a rien du film catastrophe et encore moins du plaidoyer patriotique.»

[12/07/2006]

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