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Cambodge

Des Khmers rouges seront jugés

Près de deux millions de Cambodgiens sont morts entre 1975 et 1979, pendant le génocide mené par les Khmers rouges. 

		(Photo : AFP)
Près de deux millions de Cambodgiens sont morts entre 1975 et 1979, pendant le génocide mené par les Khmers rouges.
(Photo : AFP)
Vingt-sept ans après la chute de Pol Pot, le procès de plusieurs responsables du génocide perpétré par les Khmers rouges devient du domaine du possible. A Phnom Penh, au cours d’une cérémonie symbolique, des magistrats cambodgiens et étrangers, qui vont entamer la procédure visant à juger une dizaine de génocidaires encore vivants, ont prêté serment. Ce parcours judiciaire devrait durer plusieurs années. Son déclenchement était attendu depuis longtemps, plus par la communauté internationale que par les Cambodgiens.

Les historiens estiment à 2 millions le nombre de Cambodgiens tués sous le régime des Khmers rouges.Le Cambodge vient donc de lancer le processus visant à juger une dizaine de dignitaires ayant activement participé à ces années de terreur. A Phnom Penh, la capitale, les magistrats qui vont entamer la procédure pour juger ces génocidaires encore vivants ont prêté serment. La cérémonie s’est déroulée dans la Pagode d’argent du palais royal. Dix-sept juges cambodgiens et dix juges étrangers ont juré de « juger les crimes commis sous le régime du Kampuchea démocratique avec dignité, honnêteté, transparence, indépendance et dans le respect de la Constitution et de l’ensemble des lois ». Le Kampuchéa démocratique est le nom que les Khmers rouges avaient donné au Cambodge.

Le tribunal réunira trente juges au total, trois n’étaient pas encore arrivés au Cambodge le jour de cette mise en place du tribunal. Les magistrats cambodgiens sont majoritaires, le jugement qui sera rendu sur le passé de leur pays ne devrait pas leur échapper. L’instruction démarrera réellement mi-juillet. Les travaux des magistrats chargés de faire la lumière sur le génocide cambodgien ne se transformeront pas en procès avant le milieu de l’année prochaine. L’ensemble du processus devrait s’étaler sur trois ans.

Les Nations unies ont voulu ce procès. Elles parrainent donc la procédure et la financent par le biais de donateurs. Le coût de ce nouveau tribunal pénal international consacré exclusivement au Cambodge est estimé à 56,3 millions de dollars. Le Cambodge participe au financement de manière symbolique. Les autorités ont expliqué que le pays n’avait pas les moyens de s’offrir une procédure de ce type. Le tribunal va s’installer dans un complexe militaire, Kambol, à une quinzaine de kilomètres de Phnom Penh, la capitale.

Le Cambodge a mis du temps avant d’envisager de juger les responsables encore vivants des massacres perpétrés de 1975 à 1979. Les citadins, les intellectuels, furent les principales cibles de cette répression organisée par les Khmers rouges. Au début, la population les a considérés comme des libérateurs car les Khmers rouges avaient gagné la guerre civile. Très vite, le chef de guerre Saloth Sar, qui prit alors le nom de Pol Pot, a installé une dictature sanglante, alimentée par une vive tension aux frontières en raison du conflit avec le Vietnam voisin.

Entre avril 1975 et janvier 1979, les Khmers rouges, au nom de leur idéologie communiste et nationaliste, ont fait régner la terreur. La « chasse aux traîtres » justifiait les tortures et des milliers de Cambodgiens, adultes et enfants, furent exécutés. Plus tard, des milliers de squelettes ont été exhumés de centaines de charniers. Le régime de Pol Pot est cité comme l’une des incarnations de la cruauté contemporaine.

Grand génocide, petite liste

Une partie de ceux qui ont organisé ce système sanguinaire est encore en vie. Certains des survivants vivent au Cambodge en toute discrétion. D’autres sont passés à travers les changements politiques et sont toujours au pouvoir. Une dizaine de ces génocidaires, moins chanceux ou moins protégés que d’autres, devraient comparaître devant ce tribunal international.

Deux d’entre eux sont mêmes en prison comme Ta Mok, surnommé « le Boucher » en raison des massacres et des purges effectués sous sa responsabilité. Pendant le régime khmer rouge, il dirigeait la zone sud-ouest du pays. Ta Mok a 80 ans aujourd’hui. En 1997, il avait participé à la capture de Pol Pot et à sa mise en résidence surveillée. Ta Mok fut le dernier chef Khmer rouge. En mars 1999, il fut arrêté et trois ans plus tard, inculpé de crime contre l’humanité.

L’autre ancien Khmer rouge en détention susceptible d’être jugé est Kang Kek Ieu. Surnommé « Dutch », il dirigeait la prison Tuol Sleng, à Phnom Penh. Au moins 15 000 personnes ont été  torturées et exécutées sous la responsabilité de cet homme aujourd’hui âgé de 64 ans. Lui aussi fut arrêté en 1999. Aujourd’hui, pour se défendre, il affirme n’avoir tué personne de ses mains. Il n’était qu’un subalterne. Contrairement au « Boucher » qui est très âgé et a des problèmes de santé, « Dutch » se porte bien.

D’autres anciens hauts responsables du régime khmer rouge vivent librement au Cambodge et pourraient comparaître devant le tribunal. Nuon Chea, 79 ans, était le bras droit de Pol Pot. Nuon Chea était également le secrétaire général adjoint du Parti communiste au pouvoir. Fin 1998, il s’est rallié au gouvernement de Hun Sen.

Ieng Sary, beau-frère de Pol Pot, était le ministre des Affaires étrangères du Kampuchea démocratique. Reconnu coupable de génocide en 1979, il a bénéficié d’une grâce en 1996 pour s’être rallié  au gouvernement entraînant avec lui 4 000 rebelles. Il a 77 ans et lui aussi est malade.

Khieu Sampan passera certainement devant ce tribunal. Il fut chef d’Etat du Kampuchea démocratique et incarnait le régime khmer rouge à l’étranger. Comme Ieng Sary, il s’est rallié au gouvernement. Khieu Sampan a 75 ans et n’est pas malade.

La classe dirigeante cambodgienne a la réputation d’avoir une attitude ambiguë sur ce passé khmer rouge. Le Premier ministre lui-même affirmait, en 1999, que son pays n’avait pas besoin d’un procès de ce genre, le risque étant de plonger le pays dans une nouvelle guerre civile. Même la population est partagée sur ce grand déballage. Certains Cambodgiens ont suivi Pol Pot parce qu’ils n’avaient pas le choix et sans forcément savoir que le régime était sanguinaire. 

Pendant la répression, Hun Sen, l’actuel chef du gouvernement cambodgien, était officier khmer rouge et réputé pro-vietnamien. Depuis 1985, il est sans interruption le Premier ministre du Cambodge. On peut imaginer qu’il ne souhaitait guère la tenue de ce procès qui va ressusciter une époque difficile. Le Cambodge a de plus la réputation d’être un pays très corrompu. Les travaux juridiques qui démarrent pourraient bien donner lieu à des tractations souterraines, au nom de la réconciliation nationale.      



par Colette  Thomas

Article publié le 03/07/2006Dernière mise à jour le 03/07/2006 à TU

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