France-Liban
Dominique de Villepin à Beyrouth
(Photo : AFP)
Près d’une semaine après les premiers raids israéliens sur Beyrouth, le Premier ministre français est arrivé lundi soir dans la capitale libanaise pour rencontrer son homologue, Fouad Siniora. C’est le premier chef de gouvernement à faire le déplacement. Implicitement, les grandes puissances laissent agir la France au titre de ses relations historiques avec le Liban.
«J’ai un pincement au cœur en pensant à ce qui se passe au Liban, qui n’a pas mérité qu’on le traite ainsi.» Cette phrase empreinte d’émotion a été prononcée par Jacques Chirac, à Saint-Pétersbourg où il se trouvait ce week-end pour la réunion du G8 qui s’est transformée de fait en mini-sommet sur le Proche-Orient. Dans ce cadre sérieux, où chaque parole diplomatique compte, ces mots à l’endroit du peuple libanais sont à la mesure des relations qui unissent les deux pays. Six jours après les premières frappes de l’armée israélienne visant l’aéroport de Beyrouth et isolant le pays, la France exprime on ne peut plus clairement «sa solidarité avec le peuple libanais dans l’épreuve», comme l’a déclaré le président français. Lundi matin, celui-ci a dépêché sur place Dominique de Villepin et Philippe Douste-Blazy, pour rencontrer le Premier ministre libanais Fouad Siniora. C’est la première délégation gouvernementale de cette importance à se rendre au Liban depuis le récent conflit.
La France dans le rôle du protecteur
Jacques Chirac perpétue ainsi une tradition liant la France au Liban depuis le 16e siècle, «quand François 1er a signé une alliance avec l’Empire Ottoman qui faisait de la France la protectrice des chrétiens d’Orient », explique l’historien Gérard Khoury*, chercheur associé à l’Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman (IREMAM), à Aix-en-Provence. Pendant plus de trois siècles, les chrétiens maronites placés sous la tutelle de la «fille aînée de l’Eglise», la France envoie de nombreuses missions religieuses et des fonctionnaires dans cette région de l’Empire Ottoman. Cela lui permet d’étendre son influence dans la zone.
En 1920, le mandat français sur le Liban trace les premières frontières de l’Etat actuel. «Si la France a alors perdu son influence religieuse, elle continue à défendre et soutenir les minorités du pays : les maronites, mais aussi les chiites et les druzes», poursuit le chercheur Gérard Khoury. Les relations entre les deux pays resteront placées sous le sceau de cette protection des minorités. C'est ainsi qu'en août 1989, quand le général maronite Michel Aoun demande de l’aide à la « puissance tutélaire », François Mitterrand n’hésite pas à envoyer le porte-avions Foch, deux frégates lance-missiles et un transport de chalands de débarquement pour défendre les chrétiens, influant largement sur le conflit.
En 2004, c’est encore la France qui prend l’initiative de la résolution 1559 du Conseil de sécurité pour tenter de rétablir l’équilibre et la stabilisation des forces religieuses. Un de ses objectifs, le désarmement des milices du Liban, vise clairement le Hezbollah. «Depuis deux ans, la France a essayé de mener une politique de dialogue avec les chiites. Mais le Hezbollah n’a pas choisi entre sa participation au gouvernement, où il a deux membres, et sa liberté d’action directe. Il est entré en fait dans une logique de confrontation et suit l’axe Téhéran-Damas, plutôt que de chercher l’unité du Liban », analyse Gérard Khoury.
Si Paris n’a pas pu empêcher l’affrontement, tous les regards internationaux continuent, aujourd’hui encore, à se tourner vers la diplomatie française. Elle est représentée, depuis lundi, par de Villepin et Douste-Blazy qui ont fait le déplacement à Beyrouth. «Il y a de fait une répartition des rôles internationaux, reconnaît Gérard Khoury, George W. Bush, mais aussi la plupart des autres acteurs présents au G8 et même Israël laissent la France agir ou lui demandent d’e le faire au nom de ses relations historiques avec le Liban». Reste que la mission s’avère très délicate, car si la France a encore l’oreille des musulmans sunnites, par exemple, à travers le Premier ministre Fouad Siniora, les chiites, de leur côté, ne semblent plus reconnaître cette influence historique. Ils préfèrent en chercher une autre, en Syrie et en Iran.
par Sébastien Farcis
Article publié le 17/07/2006Dernière mise à jour le 17/07/2006 à TU