Israël - Liban
Premiers combats terrestres
(Photo : AFP)
De notre correspondant à Beyrouth
Pendant des heures, les combattants du Hezbollah et l’armée israélienne se sont affrontés sur un front long de deux kilomètres, côté libanais de la frontière. Selon des informations rapportées par des agences de presse internationales, les combats ont fait deux morts et plusieurs blessés dans les rangs de l’armée israélienne. Ce développement marque un tournant dans la guerre qui se déroule au Liban depuis le 12 juillet, jour de la capture par le Hezbollah de deux soldats israéliens. C’est en effet le premier contact frontal sérieux entre les deux belligérants qui s’affrontaient seulement à coups de raids, de pilonnages et de duels d’artillerie réciproques depuis le début de la guerre.
Les accrochages terrestres se sont accompagnés d’une intensification des raids menés par l’aviation israélienne qui a poursuivi sa guerre contre les camions et les poids lourds stationnés ou circulant sur les routes du pays. Pour la première fois depuis le déclenchement de la crise, le quartier chrétien d’Achrafié, à Beyrouth, a été la cible de raids aériens. Les missiles ont détruit trois camions utilisés pour le forage de puits, garés dans un terrain vague. Les fortes explosions ont provoqué un vent de panique dans ce paisible quartier réputé pour sa vie nocturne animée. « Je pensais qu’on était à l’abri à Achrafié. Je ne comprends pas les raisons de cette attaque, le Hezbollah n’a jamais mis les pieds ici », commente Hanane d’une voix tremblotante.
Un demi million de déplacés
L’armée israélienne a préparé ses tentatives d’incursion par une intensification des raids et des bombardements du Sud Liban et dans la plaine de la Bekaa, considérée comme la base arrière du Hezbollah. Et comme depuis le premier jour de l’offensive, ce sont les civils qui ont payé le plus lourd tribut. Une cinquantaine de personnes ont été tuées, dont des femmes et des enfants, portant à plus de 320 le nombre de civils morts depuis le 12 juillet. Le nombre de blessés dépasse les 600, selon le ministère libanais de la Santé.
Pendant ce temps, le problème de la gestion du flux des déplacés et l’approvisionnement de la population s’amplifie jour après jour. Selon le représentant de l’Unicef à Beyrouth, le nombre de personnes contraintes de quitter leur domicile pour fuir les combats s’élève à un demi million. La plupart viennent des villes et villages du Sud Liban, pilonnés sans relâche par l’armée israélienne. Rien qu’à Beyrouth, il y a désormais quelque deux cents mille déplacés, dont quarante mille vivent dans des conditions précaires. Les soixante-dix écoles publiques de la capitale et de nombreux établissements privés, ainsi que les stades sportifs ont été ouverts pour accueillir les familles qui ont dû quitter précipitamment leur maison.
Toutes les voies d’approvisionnement sont coupées
Certaines familles dorment à la belle étoile dans un jardin public du centre de Beyrouth. Un réseau d’accueil et d’assistance a été mis en place entre les ministères concernés et des ONG locales et étrangères. Des matelas, des produits de première nécessité et des rations alimentaires, du lait pour nourrissons sont distribués par des bénévoles. Les deux premiers jours de l’offensive, les habitants des quartiers chrétiens étaient réticents à ouvrir leurs bras à ces familles rurales qui, souvent, sympathisent avec le Hezbollah. Mais devant l’ampleur des souffrances et après un appel lancé par le chef de l’Eglise maronite, le Patriarche Nasrallah Sfeir, les obstacles sont tombés. Une solidarité humanitaire a vu le jour même si, sur le plan politique, le fossé est parfois profond entre les chiites d’une part, les chrétiens et les sunnites de l’autre.
Mais pour les responsables des principales associations humanitaires, le plus dur reste à venir. Le blocus aérien et maritime imposé par l’armée israélienne et le bombardement systématique des camions et des poids lourds, ont coupé pratiquement toutes les voies d’approvisionnement du pays. Les agrumes, acheminés d’habitude du Sud Liban, ont disparu des étales des épiciers. Les légumes, qui viennent de la plaine de la Bekaa, se font rares. Il reste dans les réservoirs suffisamment d’essence et de mazout pour douze jours seulement. Le lait pour enfant commence à manquer, ainsi que des produits pharmaceutiques. C’est sans doute l’ampleur du désastre qui se profile à l’horizon qui a incité Jacques Chirac à annoncer l’ouverture d’un corridor humanitaire pour l’acheminement de produits de première nécessité et des générateurs pour assurer le fonctionnement des hôpitaux. Mais les Libanais ont surtout besoin d’un cessez-le-feu immédiat.
par Paul Khalifeh
Article publié le 19/07/2006Dernière mise à jour le 19/07/2006 à TU