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Liban

La diplomatie entre urgence et priorité

La secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice, lors d'une conférence de presse le 21 juillet à Washington : «un cessez-le-feu équivaudrait à une fausse promesse». 

		(Photo : AFP)
La secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice, lors d'une conférence de presse le 21 juillet à Washington : «un cessez-le-feu équivaudrait à une fausse promesse».
(Photo : AFP)
Il est militairement urgent d’arrêter le conflit, mais politiquement prioritaire de neutraliser le Hezbollah. C’est entre ces deux contradictions que navigue la diplomatie internationale qui, in fine et en dépit des précautions qu’elle prend pour l’exprimer, donne à Israël les moyens et le temps dont il a besoin pour remplir l’objectif commun prioritaire : porter un coup décisif au parti chiite et ses combattants, quel qu’en soit le prix à payer pour les Libanais.

Se hâter lentement. C’est un paradoxe apparent de ce dernier chapitre du conflit israélo-arabe : depuis quelques jours, les diplomates s’agitent en tous les sens pour clamer qu’il faut cesser le feu, exprimer leur compassion à l’égard des victimes, appeler à une aide massive et à l’établissement de corridors de sécurité pour exfiltrer les étrangers. La presse témoigne d’une grande activité humanitaire et de la mise en place d’un important pont aérien et maritime pour mener les opérations à bien. Une impressionnante flottille de bâtiments de marines nationales croise en Méditerranée et pourtant, à en croire les informations qui remontent du terrain, malgré les appels répétés à la trêve venant de l’ONU et des capitales européennes notamment, au 11e jour de l’offensive israélienne au Liban (démarrée le 12 juillet) le cessez-le-feu ne semble pas du tout à l’ordre du jour. Israël rappelle des réservistes ; ses blindés manœuvrent en territoire libanais, à la lisière de la frontière. Tant et si bien qu’après la période du blocus aéro-naval de la première partie du conflit, ces derniers jours, la situation évoquerait désormais plutôt la perspective d’une évolution militaire vers des opérations terrestres (d’infanterie et d’artillerie).

Israël peut toujours, en effet, compter sur le soutien de Washington pour poursuivre son opération visant à porter un coup décisif, sinon fatal, à la milice chiite dont les roquettes s’abattent régulièrement sur le territoire de l’Etat hébreu. La secrétaire d’Etat Condoleezza Rice vient de rappeler la disponibilité de son pays à contribuer à l’aide humanitaire en faveur du Liban, tout en manifestant l’opposition de son administration à l’établissement d’un cessez-le-feu qui se réduirait, a-t-elle dit, à une «fausse promesse» qui exposerait à un «retour ici dans six mois», sans traitement en profondeur des causes de la crise. Dans son discours hebdomadaire, samedi, le président Bush a clairement désigné le Hezbollah et les pays qui le soutiennent (l’Iran et la Syrie) comme l’origine du problème et rejeté la responsabilité de la crise sur le parti chiite et ses combattants. George Bush a rappelé que Mme Rice était attendue en début de semaine prochaine pour une tournée régionale qui la conduira notamment à Jérusalem. La secrétaire d’Etat doit également se rendre à Rome où elle participera mercredi à la conférence internationale réunie en urgence pour la circonstance. Outre les Etats-Unis, le Liban, Israël, la France, la Russie, la Grande-Bretagne, l’Egypte, l’Arabie saoudite, l’Union européenne, la Banque mondiale et l’Onu participeront à la conférence.

Le préalable de la résolution 1559

En attendant, de retour de Beyrouth, le ministre français des Affaires étrangères s’est entretenu samedi au Caire avec son homologue Ahmed Aboul Gheit. Pour Philippe Douste-Blazy, il y a un risque de «destruction» du Liban qui nécessite la recherche de «toutes les conditions d’un cessez-le-feu»… dans le cadre du respect de la fameuse résolution 1559 des Nations unies qui demande le «désarmement des milices» libanaises et qui constitue précisément le nœud du problème et le levier sur lequel s’appuie la communauté internationale pour différer toute exigence formelle et préalable de cessez-le-feu.

Finalement, il semble bien que cette agitation diplomatique s’inscrive avant tout dans un contexte militaire où les acteurs internationaux sont tacitement convenus qu’il faut laisser du temps à l’armée israélienne pour écarter le Hezbollah du théâtre des opérations, militairement pour les Israéliens, politiquement pour les capitales occidentales. Comme l’a réaffirmé Condolezza Rice, il ne se passera rien de décisif au cours de ces prochains jours en dépit des nombreux contacts qui ne manqueront pas de se poursuivre et de se nouer à l’occasion des rendez-vous de l’agenda diplomatique.

Les acteurs de la scène internationale avancent donc en ordre apparemment dispersé, mais tous plus ou moins derrière Washington. Comme une feuille de route de circonstance, la conduite à tenir a pratiquement été fixée voici une huitaine de jours par le G8, à Saint-Pétersbourg, dans une déclaration formulée de façon à ce que chacun puisse s’y retrouver et, finalement, de nature à neutraliser tout le monde. La nuance russe, opposée à l’action israélienne et en faveur d’un dialogue avec la Hezbollah et le Hamas palestinien, a pu se faire entendre. Mais Moscou, principalement soucieuse de restaurer l’image de son président sur la scène internationale, ne souhaite pas ou n’est pas en mesure d’entraver l’unanimité occidentale sur cette question. Et n’en fait pas en tout état de cause une question de principe indépassable.

Les capitales arabes discrètes

Les appels réguliers de Jacques Chirac à l’arrêt des hostilités, les proclamations de la France sur sa place particulière auprès du Liban ne sont pas non plus de nature à infléchir le cours des événements car au fond, comme à Washington, on estime à Paris aussi que le Hezbollah est un problème central dans la problématique régionale. Le président français porte au dossier humanitaire de cette affaire tout l’intérêt qu’il mérite, compte tenu des dégâts occasionnés à des populations civiles captives des forces militaires en présence. Mais, au-delà de la compassion, la diplomatie française n’a guère d’autres propositions que de soutenir les appels lancés par une Organisation des Nations unies politiquement impotente et de demander à ses partenaires européens de «mandater» au Proche-Orient le représentant de l’Union pour la politique extérieure Javier Solana, afin de «réunir les conditions d'un cessez-le-feu».

Enfin, et ce n’est pas le moindre des paradoxes, les dirigeants arabes font preuve d’une remarquable discrétion, tandis que les infrastructures d’un pays-frère sont minutieusement bombardées. Du côté des capitales arabes, en effet, la réserve manifestée dans cette affaire est là aussi éloquente. A quelques manifestations de rue prés, les déclarations officielles sont plutôt timides et révèlent davantage l’embarras qu’une solidarité combative. Un comportement qui, là encore, montre l’espoir commun de voir la région enfin débarrassée de ce parti libanais dont la popularité s’accroît dangereusement dans l’opinion à mesure qu’il développe sa capacité à résister aux soldats israéliens ; mais un parti d’autant plus encombrant qu’il est soutenu par les pays considérés comme les plus menaçants pour la stabilité des régimes en place.



par Georges  Abou

Article publié le 22/07/2006Dernière mise à jour le 22/07/2006 à TU

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(©AFP/Bourgoing/RFI)