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Ethiopie – Somalie

L’armée éthiopienne en territoire somalien

Le chef des islamistes somaliens Cheikh Hassan Dahir Aweys a appelé vendredi à la guerre sainte accusant l'Ethiopie d'avoir envahi la Somalie. 

		(Carte : H.Maurel/RFI)
Le chef des islamistes somaliens Cheikh Hassan Dahir Aweys a appelé vendredi à la guerre sainte accusant l'Ethiopie d'avoir envahi la Somalie.
(Carte : H.Maurel/RFI)
En dépit des démentis officiels, selon des témoignages recueillis par l’AFP des soldats éthiopiens sont à Wajid, en territoire somalien, non loin de Baïdoa, où siège le gouvernement de transition. Il règne une vive tension entre les deux pays depuis les succès enregistrés par les tribunaux islamiques sur les chefs de guerre somaliens. Addis Abeba a lancé une sévère mise en garde aux islamistes somaliens contre toute tentative de s’attaquer au gouvernement de transition.

Environ deux cent cinquante soldats éthiopiens sont arrivés dans la localité de Wajid à bord d'une trentaine de véhicules dans la nuit de vendredi à samedi, selon les témoignages recueillis par l'AFP. Des habitants de Wajid et des travailleurs humanitaires ont par ailleurs affirmé à l'agence Reuters que des soldats éthiopiens ont débarqué aujourd'hui sur la base aérienne de Wajid, localité située le long de l'axe routier qui relie l'Ethiopie à Baïdoa, siège du gouvernement somalien de transition.

D'autres habitants faisaient état jeudi et vendredi de la présence de soldats éthiopiens à Baïdoa même. Il n'y pour le moment aucune confirmation officielle de la part du gouvernement éthiopien. En revanche, le porte-parole du gouvernement somalien de transition dément vigoureusement. Mohamed Nur Dinari parle de propagande des islamistes somaliens qui ont conquis Mogadiscio. Ils chercheraient, selon lui, un prétexte pour attaquer Baïdoa, jusqu’alors hors de contrôle des tribunaux islamiques.

Mardi dernier, des miliciens islamistes avaient fait une incursion à une quarantaine de kilomètres de Baïdoa. L'Ethiopie s'en était alarmé. Le ton monte : un haut fonctionnaire éthiopien déclare qu’«il y a une frontière que les islamistes somaliens ne doivent pas franchir. S'ils le font, ils seront écrasés». Cette frontière, c'est la sécurité de Baïdoa. Le chef des islamistes somaliens Cheikh Hassan Dahir Aweys, a appelé vendredi à la guerre sainte accusant l'Ethiopie d'avoir envahi la Somalie. Pour sa part, le gouvernement de transition accusait mercredi les islamistes de préparer une offensive contre Baïdoa.

Ethiopie – Somalie : des relations tumultueuses

Depuis l'indépendance de la Somalie en 1960, les relations ont toujours été tumultueuses entre les deux voisins de la Corne de l'Afrique et les bruits de botte à la frontière entre les deux pays ravivent le souvenir des guerres qui les ont opposés. En 1964, puis en 1977, c'est la Somalie qui ouvre les hostilités pour tenter, sans succès, d'annexer la province éthiopienne de l'Ogaden dont la population est membre de l'ethnie somali. L'actuel chef des tribunaux islamistes, Cheikh Aweys, lui-même originaire de la région, avait participé à l'époque à cette invasion manquée.

Dans les années 90, alors que la Somalie sombre dans l'anarchie, c'est au tour de l'Ethiopie de franchir une frontière de plus en plus poreuse. Notamment en 1993, pour soutenir l'actuel président somalien de transition, Abdullahi Youssouf, qui était à l'époque un simple chef de guerre en lutte (déjà) contre des forces islamistes. La dimension religieuse alimente également l'animosité entre une Ethiopie à majorité chrétienne et une Somalie presque exclusivement musulmane. L'Union des tribunaux islamiques en appelle aujourd'hui à la «guerre sainte» contre l'Ethiopie. Le gouvernement d'Addis Abeba, de son côté, qualifie les nouveaux hommes forts somaliens de «terroristes islamistes».

Depuis la prise de Mogadiscio le mois dernier, l'Union des tribunaux islamiques ne cesse d'étendre son influence en Somalie. Après avoir mis en déroute les seigneurs de guerre soutenus par les Etats-Unis, les milices islamistes menacent aujourd'hui le gouvernement intérimaire. Leur incursion à une cinquantaine de kilomètres de Baïdoa sonne comme un avertissement pour les fragiles institutions de transition. Et le conflit risque désormais de tourner au face à face entre l'Union des tribunaux islamiques et l'Ethiopie. Depuis des semaines, l'Ethiopie massait des troupes le long de la frontière somalienne. Le grand perdant de cette escalade, c'est le gouvernement de transition. En cas d'intervention éthiopienne, ses institutions timidement soutenues par la communauté internationale risquent de perdre le peu de crédibilité qui leur restait.

par Sylvain  Biville, Sonia  Rolley

Article publié le 22/07/2006Dernière mise à jour le 22/07/2006 à TU