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Somalie

Accord sous la médiation de la Ligue arabe

La délégation des tribunaux islamiques (photo) a conclu à Khartoum un premier accord avec le gouvernement intérimaire somalien. 

		(Photo : AFP)
La délégation des tribunaux islamiques (photo) a conclu à Khartoum un premier accord avec le gouvernement intérimaire somalien.
(Photo : AFP)
Le gouvernement intérimaire somalien et l’Union des Tribunaux islamiques ont conclu jeudi à Khartoum un premier «accord de reconnaissance mutuelle et de fin des hostilités» sous les auspices du président en exercice de la Ligue arabe, le Soudanais Omar al-Béchir. Les deux parties sont convenues de cesser leurs « campagnes médiatiques et militaires » et de se rencontrer à nouveau le 25 juillet dans la capitale soudanaise. Il s’agit, selon les médiateurs, du «début de la fin des conflits en Somalie».

Un premier accord entre l’Union des tribunaux islamiques et le gouvernement intérimaire somalien a été conclu jeudi soir à Khartoum. Aux termes de cet accord, les deux parties reconnaissent «la légalité du gouvernement de transition et la présence des tribunaux islamiques» et conviennent de cesser leurs « campagnes médiatiques et militaires ». Selon l’AFP, le texte qui a été paraphé par le chef de la délégation des tribunaux islamiques Ali Mohammad Ibrahim et par le ministre somalien des Affaires étrangères Abdallah al-Cheikh Ismaïl prône aussi «la fin des campagnes médiatiques et militaires». L’accord appelle aussi à la poursuite du dialogue et au jugement des criminels de guerre. C’est en tant que président en exercice de la Ligue Arabe que le président soudanais Omar Hassan al-Bachir a voulu entreprendre cette difficile médiation entre le gouvernement intérimaire somalien, installé à Baidoa, et l’Union des tribunaux islamiques.

L’agence Reuters a affirmé que les médiateurs ont eu des difficultés sérieuses pour réunir les deux délégations jeudi autour d’une même table. Il a fallu réaliser des réunions préalables séparées, sous la houlette du secrétaire général de la Ligue arabe Amr Moussa et du ministre soudanais des Affaires étrangères Lam Akol. En arrivant à Khartoum, la délégation du gouvernement de transition affirmait que les négociations directes avec les islamistes ne pouvaient se réaliser qu’à l’intérieur du territoire national, à une date ultérieure. Les islamistes, de leur côté, ont affirmé qu’ils ne posaient pas de conditions pour négocier avec le gouvernement intérimaire.

Les médiateurs ont déclaré que les deux parties ont été invitées à éviter la guerre civile dans un pays qui n’a pas connu la paix depuis 15 ans. Les rapports se sont tendus depuis que les combattants de l’Union des tribunaux islamiques (UTI) se sont emparés de la capitale Mogadiscio, après avoir vaincu les miliciens des chefs de guerre de l’Alliance pour la restauration de la paix et contre le terrorisme (ARPCT), appuyés par les Etats-Unis. Le gouvernement de Baidoa avait déclaré que l’UTI avait bénéficié du soutien des intégristes musulmans du monde entier et il s’était prononcé pour le déploiement de forces de maintien de la paix étrangères, ce qui a beaucoup irrité les islamistes.

Selon Amr Moussa les deux parties ont fait des concessions sur les armes, la coopération et la reconstruction du pays. Le secrétaire général de la Ligue arabe a admis que la question d’une force de maintien de la paix était une option à discuter et qu’il s’agit que du «début d’un long processus». Il faut néanmoins souligner que la délégation de l’Union des tribunaux islamiques composée de dix éléments était dirigée par Mohamed Ali Ibrahim. Le principal dirigeant des islamistes, le cheick Charif Ahmed, n’a pas fait le voyage de Khartoum, contrairement au président du gouvernement intérimaire, Abdoullahi Youssouf qui, lui, s’est rendu dans la capitale soudanaise, bien qu’il n’ait pas participé aux discussions. 

Premier appel des Etats-Unis aux islamistes somaliens

La gouvernement américain a salué la tenue de la réunion de Khartoum entre le gouvernement de transition et la délégation des Tribunaux islamiques. Jendayi Frazer, secrétaire d’Etat adjointe pour les Affaires africaines a fait une déclaration dans ce sens mercredi à Narobi, en invitant les Tribunaux islamiques à «s’asseoir autour d’une table» tout en exprimant son soutien au gouvernement intérimaire somalien, lequel a été formé au Kenya en 2004 avec le soutien de la communauté internationale et tout particulièrement avec l’appui de Washington. Jendayi Frazer avait rencontré dans la capitale kenyane le président intérimaire somalien Abdullahi Yusuf Ahmed, avant que celui-ci ne se rende à Khartoum.

Mais la diplomate américaine a surtout voulu lancer un appel au gouvernement de transition ainsi qu’aux islamistes somaliens pour qu’ils puissent dialoguer, afin que la Somalie ne devienne pas «un paradis sûr pour les terroristes». Jendayi Frazer a déclaré que trois individus suspects d’appartenir au réseau al-Qaïda se trouveraient en Somalie, notamment un Comorien, un Kenyan et un Soudanais qui sont soupçonnés d’avoir participé aux attentats contre les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie, en 1998, et qui avaient provoqué plus de 200 morts.

C’est la première fois que les Etats-Unis d’adressent directement aux Tribunaux islamiques somaliens, demandant leur collaboration dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, après avoir appuyé (du moins financièrement) les milices des chefs de guerre qui ont été battues le 5 juin lors de la bataille pour le contrôle de la capitale, Mogadiscio. Les autorités américaines pensent, toutefois, que les tribunaux islamiques sont un «groupe hétérogène», mélangeant des modérés et des extrémistes.

Dans le passé, Washington craignait que la Somalie ne devienne un régime de «talibans africains», d’autant plus que les Tribunaux islamiques avaient promis d’appliquer la charia à tout le territoire. Mais les islamistes ont opposé un démenti aux affirmations américaines et, selon la chaîne CNN, ils ont même adressé une lettre au gouvernement des Etats-Unis signalant qu’ils «ne sont pas des ennemis de l’Amérique».

L’administration Bush avait déjà mobilisé ses diplomates en vue d’une solution négociée de la crise somalienne en participant activement à la réunion du « groupe de contact » qui s’est tenue aux Nations unies le 15 juin. Outre les Etats-Unis, la Norvège, la Grande-Bretagne, l’Italie, la Tanzanie et l’Union européenne ont été conviées à cette conférence qui s’est prononcée pour le dialogue entre le gouvernement intérimaire somalien et les Tribunaux islamiques, tandis que l’Union africaine, l’Onu et la Ligue arabe participaient en tant qu’observateurs.

Il est clair que Washington, ainsi que plusieurs gouvernements de la Corne de l’Afrique, craignent l’extension du désordre somalien, et que la montée en puissance des islamistes dans la région ne menace des pays comme l’Ethiopie et le Kenya, alliés des Etats-Unis.

Enfin, cette médiation entre le gouvernement fédéral intérimaire et l’Union des tribunaux islamiques somaliens redore le blason du président soudanais Omar al-Béchir, soumis aux vives critiques de la communauté internationale pour son attitude vis-à-vis du Darfour, plongé dans une profonde crise humanitaire. Tout comme la Somalie.



par Antonio  Garcia

Article publié le 22/06/2006Dernière mise à jour le 22/06/2006 à TU

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Laurent Correau

Journaliste à RFI

«C’est une occasion pour le gouvernement soudanais de se présenter en faiseur de paix, en partenaire de la communauté internationale.»

[22/06/2006]

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