Somalie
Johar est tombée aux mains des islamistes
(Cartographie: Marc Verney/RFI)
Les milices des tribunaux islamiques ont déclenché une offensive éclair et se sont emparées mercredi de la ville de Johar, située à 90 kilomètres au nord de la capitale, Mogadiscio, laquelle était tombée le lundi 5 juin. La coalition des chefs de guerre de l’Alliance pour la restauration de la paix et contre le terrorisme (ARPCT), soutenue par les Etats-Unis, a subi une défaite qui semble être décisive. La ville de Johar, qui compte 20 000 habitants, capitale de la région du Moyen-Shabelle, est tombée «sans résistance», selon des témoins cités par les agences de presse. Les milices islamiques avaient pris la ville en tenaille par le nord et le sud, utilisant l’artillerie et provoquant la fuite vers l’est des chefs de guerre qui avaient pourtant déclaré que cette position ne pourrait jamais tomber aux mains des «fondamentalistes qui veulent instaurer un Etat islamique».
Les miliciens islamiques, cités par l’AFP, ont affirmé avoir livré une «bataille intense» qui leur a permis de prendre le contrôle de l’aéroport de Johar, pénétrant ensuite avec leurs véhicules à l’intérieur de la ville, après le départ des chefs de guerre, dont deux anciens membres du gouvernement de transition. Un troisième warlord (chef de guerre) a remis ses armes aux islamistes.
La ville de Johar constitue une position stratégique de grande importance pour le contrôle du sud de la Somalie et tout particulièrement l’accès à la capitale. Mais trois chefs de guerre de l’Alliance détiennent encore une zone d’influence dans le nord de Mogadiscio, où les dirigeants claniques traditionnels rejettent l’autorité des tribunaux islamiques.
La prise de Johar soulève des questions au sujet des intentions des tribunaux islamiques concernant l’instauration de la Charia dans tout le pays et leur attitude vis-à-vis du gouvernement intérimaire installé à Baïdoa. Le gouvernement fédéral de transition avait salué la victoire des islamistes à Mogadiscio, mais on ne sait pas si ce cabinet va pouvoir s’installer dans la capitale du pays. Des divergences on surgi ces derniers jours entre les milices islamistes et le cabinet intérimaire au sujet du déploiement d’une force multinationale de maintien de la paix. Le Parlement de transition à Baïdoa a approuvé mercredi une loi dans ce sens.
Les gouvernement des pays voisins de la Somalie, réunis mardi à Nairobi, viennent de décréter des sanctions à l’encontre des chefs de guerre, dont les comptes vont être gelés. Ils seront aussi interdits d’accès aux territoires des sept Etats membres de l’IGAD, l’Autorité intergouvernementale pour le développement. Cette association regroupe l’Ouganda, le Soudan, Djibouti, l’Ethiopie le Kenya et l’Erythrée, tout comme le gouvernement de transition somalien, installé à Baïdoa en 2004 avec le soutien de l’IGAD et des Nations unies. L’IGAD a demandé à l’Ouganda et au Soudan de mobiliser des forces de maintient de la paix, une décision qui sera vraisemblablement rejetée par les tribunaux islamiques.
Les Etats-Unis s'interrogent sur les tribunaux islamiques
Suite aux défaites successives des chefs de guerre de l’ARPCT, qui ont été décrites comme des revers pour la CIA, les médias américains s’interrogent au sujet des intentions des milices des tribunaux islamiques qui sont maintenant décrites comme étant plus modérées que lors de la capture de Mogadiscio. Le Washington Post souligne mercredi que, selon des diplomates et des analystes, ces milices «cherchent à renforcer leur pouvoir et en même temps à convaincre les dirigeants occidentaux qu’elles ne veulent pas imposer un gouvernement extrémiste de style talibans».
Le même quotidien américain ajoute que «l’Union des tribunaux islamiques veut se présenter comme étant une force modérée capable de stabiliser un pays exsangue qui a souffert pendant 15 ans sans gouvernement central». Le Washington Post souligne aussi que «plusieurs diplomates admettent que les tribunaux islamiques sont populaires mais nul ne sait vraiment s’ils sont contrôlés par des modérés ou par des extrémistes comme Aweys». Hassan Dahir Aweys est soupçonné par les Etats-Unis d’être lié à Ben Laden et de donner refuge à des membres d’al-Qaïda en fuite. Washington soupçonne aussi des responsables des attentats meutriers de 1998 contre les ambassades américaines de Nairobi (Kenya) et de Dar-es-Salaam (Tanzanie) de s’être cachés en Somalie.
Néanmoins, le gouvernement américain veut reprendre des initiatives diplomatiques au sujet de la Somalie. Washington a convoqué pour jeudi une réunion à New York du « groupe de contact »t pour la Somalie. Les Etats-Unis ont invité la Grande-Bretagne, la Norvège, la Suède, la Tanzanie et l’Union européenne à participer à cette première conférence, tandis que l’Union africaine et les Nations unies devront siéger comme observateurs, selon les premières informations en provenance du siège de l’ONU.
La Somalie, pays de 10 millions d’habitants, vit dans le chaos depuis la chute du dictateur Siad Barre en 1991. Les organisations humanitaires, notamment l'organisation Médecins sans frontières, soulignent que la population de ce pays, notamment les enfants, souffrent de graves problèmes de malnutrition, tout particulièrement dans les zones méridionales.
par Antonio Garcia
Article publié le 14/06/2006Dernière mise à jour le 14/06/2006 à TU