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Somalie

Perspectives difficiles pour un pays sans Etat

Milicien islamiste à Mogadiscio près d'un « technical » équipé d'une mitrailleuse lourde.(Photo : AFP)
Milicien islamiste à Mogadiscio près d'un « technical » équipé d'une mitrailleuse lourde.
(Photo : AFP)
Après la prise de contrôle de Mogadiscio, les milices des tribunaux islamiques (JIC) se préparent à déclencher une nouvelle bataille contre les chefs de guerre de l’Alliance pour la restauration de la paix et contre le terrorisme (ARPCT), appuyés par les Etats-Unis, qui se sont installés à Jowhar, à une centaine de kilomètres de la capitale, où l’on redoute de violentes confrontations.

« Après Mogadiscio, Jowhar », tel est le prochain objectif des combattants islamistes qui avaient annoncé lundi la prise de la capitale somalienne, Mogadiscio, mettant en fuite les miliciens des « warlords », les chefs de guerre. Plusieurs centaines de miliciens des tribunaux islamiques – soupçonnés par les services de renseignements occidentaux d’être liés à des extrémistes proches du réseau al-Qaïda - se sont dirigés mardi vers Jowhar, à 90 kilomètres de Mogadiscio, principal point d’appui des chefs de guerre soutenus par le gouvernement américain qui se sont enfuis de la capitale lundi.

Selon l’AFP, qui cite des chefs coutumiers, les deux groupes de combattants sont éloignés de trois kilomètres, mais l’imminence de combats entre les miliciens de l’Alliance pour la restauration de la paix et contre le terrorisme (ARPCT) et les combattants des tribunaux islamiques venus de Mogadiscio semblait peu probable mardi soir. Les miliciens de l’Alliance qui défendent Jowhar sont dirigés par le chef de guerre Mohamad Dheere. Ils se sont installés dans l’ancienne base militaire de Kongo. Chaque camp disposerait d’effectifs évalués à 500 hommes, equipés de « technicals » des véhicules pick up où sont installées des mitrailleuses lourdes.

Jowhar est une position qui a une importance stratégique considérable, car cette localité contrôle en grande partie le ravitaillement de la capitale et l’acheminement de matériel militaire destiné aux miliciens de l’Alliance, qui ont perdu dernièrement d’autres positions situées sur la route qui conduit à Mogadiscio. On redoute à Jowhar des combats qui semblent être décisifs pour les deux camps, tandis qu’à Mogadiscio les miliciens des tribunaux islamiques sont déjà contestés par une partie de la population de la ville.

Les tribunaux islamiques contestés à Mogadiscio

Les dirigeants des milices islamiques ont appelé mardi à la reddition les chefs de guerre de la capitale, mais les clans qui contrôlent encore des zones urbaines se sont manifestés. Selon l’agence américaine Associated Press, des milliers de personnes, qui soutiennent le puissant clan Abgal, ont défié les miliciens islamiques dans un stade de Mogadiscio en criant des mots d’ordre tels que : « Nous n’avons pas besoin de déception islamique. Nous ne voulons pas de tribunaux islamiques, nous voulons la paix ». Ce clan est le plus puissant de la capitale et il contrôle la partie nord de Mogadiscio depuis 1991, lors du début de la guerre civile.

Les miliciens islamiques se sont maintenus éloignés des manifestants. Des chefs de guerre de l’Alliance pour la restauration de la paix et contre le terrorisme (ARPCT) qui avaient abandonné la capitale lors de l’arrivée des miliciens islamiques se sont ralliés à ce clan, lequel a promis de créer de nouvelles institutions de justice pour remplacer les tribunaux islamiques. Il faut aussi noter que les islamistes somaliens ne forment pas, du moins pour le moment, un bloc homogène. Roland Marchal, chercheur au CNRS, spécialiste de la Somalie, a déclaré mardi au journal Libération publié à Paris que les responsables des tribunaux islamiques « ne sont pas des administrateurs et ils sont traversés par des divergences religieuses et claniques ». Il semblerait ainsi que la bataille de Mogadiscio soit loin d’être terminée, malgré les 3 mois de combats pour le contrôle de la capitale qui ont provoqué plus de 300 morts et environ 1 500 blessés.

Un gouvernement exilé à plus de 250 km de la capitale

Le cheikh Cherif Ahmed, président des tribunaux islamiques de Mogadiscio, a promis de poursuivre la lutte, jusqu’à la création d’un Etat islamique, une sorte d’émirat. En réalité, la  Somalie dispose actuellement d’un  Gouvernement fédéral de transition qui est installé depuis février à Baidoa, à 250 km à l’ouest de Mogadiscio. Ce gouvernement intérimaire est dirigé par Ali Mohamed Gueddi, lequel s’est déclaré disposé à négocier avec les islamistes, après que ces derniers ont annoncé la chute de Mogadiscio.

Gueddi a annoncé dimanche le limogeage de quatre membres de son cabinet, des chefs de guerre membres de l’ARPCT, qui ont été accusés d’avoir participé aux combats contre les miliciens des tribunaux islamiques. Il est peu probable que, dans la présente situation, ce gouvernement financé par la communauté internationale (dont les Etats-Unis) puisse s’installer à Mogadiscio. La situation risque de demeurer bloquée, ce qui préoccupe aussi les institutions internationales, notamment les Nations unies qui semblent incapables de régler cette crise. Préoccupation aussi de l’Union africaine, dont le président en exercice Denis Sassou Nguesso, chef de l’Etat du Congo, a souhaité que Washington œuvre à la mise en place d’un gouvernement en Somalie, plutôt que d’aider les chefs de guerre.



par Antonio  Garcia

Article publié le 06/06/2006Dernière mise à jour le 06/06/2006 à 18:50 TU