Somalie
Les islamistes affirment avoir conquis Mogadiscio
(photo : AFP)
«Paix, sécurité et liberté», telles sont les promesses formulées par l’Alliance des tribunaux islamiques (JIC) qui affirme avoir remporté la bataille de Mogadiscio, après quatre mois de combats contre l’Alliance pour la restauration de la paix et contre le terrorisme (ARPCT), qui est appuyée par Washington et qui réunit les principaux mouvements armés du pays, dirigés par plusieurs chefs de guerre. Pour leur part, les tribunaux islamiques qui ont surgi il y a deux ans environ, se sont inspirés des talibans afghans. Les services de renseignements occidentaux soupçonnent le JIC d’avoir le soutien d’extrémistes musulmans, proches du réseau al-Qaïda. Sheikh Sharif Sheik Ahmed, le principal dirigeant des tribunaux islamiques a affirmé à travers la radio que «la JIC prendra soin de la sécurité du peuple et des libertés individuelles et supprimera tout type d’hostilités liées aux combats entre clans».
Les combattants des tribunaux isalmiques avaient aussi pris le contrôle, dimanche, de la ville de Balad, située à 30 km au nord de la capitale, après des combats de courte durée qui avaient provoqué une trentaine de victimes. Des centaines de miliciens de l’ARPCT, qui ont été envoyés en renfort avec des dizaines de mitrailleuses installées sur des « pick up », n’ont pas réussi à contenir l’avancée des combattants de l’Alliance des tribunaux islamiques et ont dû battre en retraite. Balad est une localité qui possède une grande importance stratégique car elle contrôle la route qui conduit à Jowhar et aux zones agricoles qui approvisionnent Mogadiscio. Les tribunaux islamiques avaient auparavant pris le contrôle de trois autres localités situées également dans la banlieue de la capitale.
Un revers pour la stratégie américaine
La publication spécialisée britannique Africa Confidential affirme dans son dernier numéro que « la CIA, dans sa lutte contre les islamistes, s’est engluée dans la guerre de clans à Mogadiscio ». Cette revue croit savoir que le personnel de la CIA a certainement contribué à organiser l’Alliance et que «plusieurs milliers de dollars ont été acheminés» vers la Somalie. La même publication affirme, aussi, que «al-Qaïda s’est servi de la Somalie comme point de transit pour quatre attentats en Afrique de l’Est : les attentats à la bombe contre les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie en 1998 ; les attentats de 2002 à Mombasa contre un avion de ligne israélien et un hôtel» (...) «Les militants d’al-Qaïda entrent et sortent facilement de Somalie. Ils disposent d’armes sophistiquées y compris des missiles sol-air mais on ne voit aucun signe de soutien local à grande échelle».
Des informations plus récentes, en provenance de Mogadiscio, citées notamment par l’AFP, signalent que des chefs de guerre ont commencé à rendre leurs armes aux islamistes, tandis que le Premier ministre du gouvernement de transition, Ali Mohamad Gedi, annonçait, dimanche, le limogeage de quatre membres de son cabinet – Mohamed Qanyare, responsable de la Sécurité ;, Muse Sudi Yalahow, Commerce ; Omar Mohamed Mohamoud, Affaires religieuses ; et Bootan Issé Alim, ministre du Désarmement des milices. Tous ces ex-ministres sont des chefs de guerre et des membres de l’ARPCT qui a été créée le 18 février dernier, ce qui avait déclenché immédiatement des combats contre l’Alliance des tribunaux islamiques (JIC). Le gouvernement de Washington s’est senti obligé de composer avec des chefs de guerre bien peu recommandables, une sorte d’alliance contre nature qui inclurait des éléments ayant des affinités avec les anciens miliciens qui avaient massacré une vingtaine de soldats américains en octobre 1993 à Mogadiscio, lors de l’opération « Restore Hope » destinée à garantir l’acheminement de l’aide alimentaire destinée à la population somalienne.
Mogadiscio risque, ainsi, de ressembler à Kaboul en 1999, lors de la prise de contrôle de la capitale afghane par les talibans. Les Tribunaux islamiques somaliens affirment vouloir faire respecter la paix et la sécurité et ils ont déjà commencé à appliquer la charia, la loi islamique, en décapitant des criminels voire des miliciens ennemis. La Somalie menace ainsi de devenir une sorte de tête de pont de l’islamisme radical anti-américain en Afrique, ce qui n’était pas du tout dans les projets de Washington qui peut à juste titre craindre un effet de contagion vers d’autres pays de cette zone du continent africain.
par Antonio Garcia
Article publié le 05/06/2006Dernière mise à jour le 05/06/2006 à 17:34 TU