Liban
Washington veut un «nouveau Moyen-Orient»
(Photo : Raphaël Reynes / RFI)
De notre correspondant à Beyrouth
L’objectif annoncé de la guerre contre le Liban était d’obtenir la libération des deux soldats israéliens capturés par le Hezbollah, le 12 juillet. Mais, visiblement, les Etats-Unis voient beaucoup plus grand. Nous assistons actuellement à «la naissance du nouveau Moyen-Orient», comme l’a dit la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice, vendredi. Et tant que ce but n’est pas atteint, Washington continuera à assurer une couverture à l’Etat hébreu. C’est ce qui explique le refus de l’administration américaine d’accepter un cessez-le-feu au stade actuel des opérations, comme le souhaitent la France, la Russie et le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan.
Les divergences au sein de la communauté internationale commencent à apparaître sur la conduite à adopter pour tenter de résoudre cette grave crise. «Nous pensons que la spirale de la violence ne peut mener à rien de durable. Seul le dialogue politique peut aboutir à des solutions durables», a averti le ministre français des Affaires étrangères Philippe Douste-Blazy, en tournée au Moyen-Orient. «Si on ne fait pas ça, c'est la destruction de l'Etat libanais», a-t-il estimé à la suite d'une rencontre au Caire avec son homologue égyptien Ahmed Aboul Gheit.
Washington, lui, concentre ses critiques sur le Hezbollah et ses deux alliés régionaux, la Syrie et l'Iran, et s'oppose à un cessez-le-feu qui ne serait pas accompagné du désarmement du parti islamiste. Le président George W. Bush a estimé que la Syrie et l'Iran «menacent le Moyen-Orient» : les actions de ces deux pays, avec qui les Etats-Unis refusent d'avoir des contacts directs, «gênent à résoudre la crise actuelle et à apporter une paix durable dans cette région troublée», a assuré M. Bush.
En revanche, pour Kofi Annan, la Syrie et l'Iran devraient être inclues dans la recherche d'une solution. «Que nous les apprécions ou non, nous devons impliquer ces deux gouvernements», a-t-il dit, mettant en garde contre une invasion israélienne du Liban qui constituerait une «escalade dangereuse».
Tête de pont israélienne
(Photo : AFP)
Les mises en garde du secrétaire général de l’Onu n’ont pas empêché Israël d’envisager la réoccupation d’une partie du Liban sud. Cinq mille nouveaux réservistes ont été mobilisés et des milliers de soldats ont été massés le long de la frontière. Des unités israéliennes ont même pénétré en territoire libanais en plusieurs points, notamment dans le village frontalier de Maroun el-Ras, où l’armée israélienne avait eu plus de dix morts et une quinzaine de blessés lors d’affrontements avec des combattants du Hezbollah ces trois derniers jours. Toute la journée de samedi, de violents accrochages se sont déroulés dans ce secteur et après avoir annoncé que ses forces avaient pénétré dans le village, l’armée israélienne a reconnu faire face à une très forte résistance. «Les hommes du Hezbollah tirent des roquettes anti-chars sur nos blindés», a déclaré un porte-parole de l’armée repris par les agences de presse.
L’enjeu de la bataille de Maroun el-Ras est crucial. L’armée israélienne cherche à prendre position sur une colline de 1 000 mètres d’altitude surplombant une partie de la Galilée et du Liban sud. Mais le Hezbollah semble s’être bien préparé à cette bataille et des sources israéliennes affirment que le parti a creusé des tunnels de 30 mètres de profondeur dans les collines. Une fois occupé, Maroun el-Ras pourra servir de tête de pont pour d’autres incursions en profondeur.
L’armée israélienne avait préparé cette attaque terrestre par une intensification des raids au Liban sud. Plus de 180 cibles ont été visé ces dernières 24 heures, selon des sources de sécurité libanaises. L’aviation a mené plus de 30 raids sur le village de Khiyam, qui abritait la tristement célèbre prison israélienne du même nom du temps de l’occupation. Par ailleurs, un chef de famille a été tué et ses deux enfants blessés dans un bombardement qui a visé le village druze de Kfardiss, dans le sud-est du Liban. Près du port de Tyr, à 83 Km au sud de Beyrouth, un homme et son épouse ont été tués et leurs quatre enfants blessés. Depuis le début de l’offensive, quelque 350 civils ont été tués et 1 300 blessés.
Médias et télécommunication visés
Fait nouveau ce samedi, l’aviation israélienne a pris pour cible les secteurs des médias audiovisuels et des télécommunications. A la mi-journée, des appareils ont mené trois raids sur les hauteurs de la région chrétienne du Kesrouan et sur le mont Terbol, près de la ville de Tripoli au Nord, détruisant les installations de plusieurs chaînes de télévision et de radios chrétiennes, notamment la LBC, Télé-Lumiere (qui appartient a l’Eglise), la Voix de la Charité et Radio du Liban libre. Les antennes de transmission détruites servaient également pour les téléphones portables. Les bombardements ont complètement détruit les installations et provoqué d'énormes incendies. Quelques heures plus tard, les chasseurs-bombardiers ont frappé les relais de transmission sur le mont Eito, au Liban nord.
Pendant ce temps, les évacuations d'étrangers vers Chypre se poursuivaient. Samedi, environ 1 500 personnes évacuées par la France sont arrivées au port de Larnaca et des navires de guerre américains supplémentaires sont arrivés en Méditerranée, pour accroître à 4 000 personnes par jour la capacité des Etats-Unis à évacuer ses ressortissants.
par Paul Khalifeh
Article publié le 22/07/2006Dernière mise à jour le 22/07/2006 à TU