Liban-Israël
Résistance acharnée du Hezbollah
(Photo : AFP)
De notre correspondant à Beyrouth
Des combats d’une violence inouïe se déroulent depuis lundi matin aux abords du village frontalier de Maroun el-Ras, occupé dimanche par les forces israéliennes. Ces affrontements coïncident avec le début de la tournée au Moyen-Orient de la secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice. En accentuant sa pression sur le terrain, Israël tente visiblement de consolider ses maigres acquis militaires en prévision d’un nouveau round diplomatique.
Selon des sources de la sécurité libanaise, deux colonnes blindées israéliennes appuyées par des unités de parachutistes progressent sur deux axes à partir de Maroun el-Ras en direction du grand bourg de Bint-Jbeil. Cette localité à majorité chiite est située à sept kilomètres de la frontière. Elle est considérée comme un des plus importants bastions du Hezbollah au Liban sud. Si Bint-Jbeil tombe, c’est tout le secteur central du Sud qui sera sous le contrôle direct ou indirect de l’armée israélienne. Mais dès le début de leur progression, les tanks israéliens se sont heurtés à des combattants du Hezbollah, embusqués dans la région.
Les hommes de Hassan Nasrallah ont attaqué les unités israéliennes aux armes automatiques, aux roquettes antichars et aux obus de mortiers. Des sources de sécurité libanaises ont indiqué que dans certains points, les belligérants n’étaient séparés que de quelques dizaines de mètres. Jusqu’en milieu d’après-midi, les affrontements se poursuivaient avec autant de violence. Dans un communiqué militaire, le Hezbollah a annoncé avoir détruit cinq tanks israéliens de type Merkava, infligé de lourdes pertes aux assaillants et abattu un hélicoptère non loin de la frontière. L’armée israélienne a déploré deux morts et 17 blessés et reconnu que six autres militaires ont été blessés dans le crash d’un hélicoptère dans la région frontalière.
Depuis leur entrée en territoire libanais, les troupes israéliennes ne se sont pas encore heurtées à l’armée libanaise qui n’est pas présente dans les villages situés à la frontière. Mais les troupes régulières disposent d’une base à Bint-Jbeil, et le ministre de la Défense, Elias Murr, avait annoncé que l’armée fera face à toute tentative israélienne d’envahir le Liban.
Visite surprise de Rice à Beyrouth
Alors que le canon tonne au Liban sud, Condoleezza Rice est arrivée à Beyrouth pour une visite surprise. Après des entretiens avec le Premier ministre Fouad Siniora, la secrétaire d’Etat devait se rendre chez le président de la Chambre, Nabih Berry, seul canal de négociation agréé par le Hezbollah. Avant l’arrivée de Madame Rice, le président George Bush avait fixé les objectifs de sa tournée dans la région. Il s’agit de «faire clairement comprendre qu'une solution de la crise exige d'affronter le groupe terroriste [le Hezbollah] qui a lancé les attaques et les pays qui le soutiennent», a-t-il précisé dans son allocution radiophonique hebdomadaire, dimanche. Si tel est le message que Condoleezza Rice veut transmettre aux responsables libanais, il y a peu de chance qu’il soit entendu. En effet, même si certains hommes politiques locaux souhaitent voir le Hezbollah affaibli et désarmé, aucun n’est disposé à le dire ouvertement et encore moins à accepter les conditions posées par Israël pour mettre fin à son offensive.
Si les alliés et les amis que les Etats-Unis comptent au sein du gouvernement libanais cédaient à ses pressions, le risque d’éclatement est grand pour un cabinet où siègent aussi des ministres du Hezbollah et de l’autre formation chiite «Amal» (dirigée par Nabih Berry), ainsi que des proches du président de la République Emile Lahoud. Aussi, pour le gouvernement, la priorité est d’obtenir un cessez-le-feu, quitte à discuter ensuite de toutes les questions, y compris du déploiement de l’armée régulière au Liban sud. Cette position gouvernementale éclaire l’initiative du chef de la diplomatie saoudienne. Reçu dimanche par George Bush, le prince Saoud el-Fayçal a en effet proposé, dans l’ordre : un cessez-le-feu, le déploiement d’une force internationale au Liban sud et le soutien de la communauté internationale à un dialogue inter-libanais concernant le désarmement du Hezbollah.
Pour l’instant, les positions diplomatiques restent inconciliables. Certes, Israël semble avoir revu ses ambitions à la baisse. Entre «briser le Hezbollah» et accepter le déploiement d’une force internationale, la différence est notable. Le ministre israélien de la Défense Amir Peretz, qui voulait en découdre avec le parti islamiste, a laissé entendre que cette force serait dirigée par l'Otan. Mais il n’a pas évoqué de calendrier pour son déploiement. Pour l’instant, Washington et Tel-Aviv ne veulent pas d’un cessez-le-feu, préférant «négocier» sous la pression militaire.
Devant la poursuite de l’escalade militaire et le blocage diplomatique, les risques de voir le conflit se transformer en guerre régionale demeurent. Face aux Etats-Unis qui affirment ouvertement que l’un de leurs objectifs est d’isoler la Syrie et l’Iran, Damas menace d’entrer en guerre. «Si Israël procède à une invasion terrestre du Liban et s'approche de nous, la Syrie ne restera pas sans rien faire. Elle entrera dans le conflit. Nos forces sont en état d’alerte et elles agiront pour garantir la sécurité du territoire national», affirme le ministre syrien de l’Information, Mohsen Bilal.
par Paul Khalifeh
Article publié le 24/07/2006Dernière mise à jour le 24/07/2006 à TU