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Proche-Orient

Israël : la guerre plus que jamais

La secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, a fait escale à Beyrouth avant de se rendre à Jérusalem. 

		(Photo : AFP)
La secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, a fait escale à Beyrouth avant de se rendre à Jérusalem.
(Photo : AFP)

Avant Jérusalem où elle devait rencontrer le Premier ministre israélien, Ehud Olmert, et Ramallah où l’attend le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, Condoleezza Rice a fait une escale surprise à Beyrouth où elle s’est entretenue avec le Premier ministre Fouad Siniora et le ministre des Affaires étrangères, Faouzi Salloukh, avant de rencontrer le président chiite du parlement libanais, Nabih Berri. Pendant ce temps, Israël poursuit son offensive au Liban sud où le Hezbollah résistait toujours lundi après-midi. A Washington, le porte-parole de la Maison Blanche,Tony Snow, répète que l'administration Bush est favorable à un cessez-le-feu mais pas à des négociations avec le Hezbollah.


Le premier entretien de la secrétaire d’Etat américaine avec les responsables libanais a duré plus de deux heures mais rien n’a filtré du contenu des conversations. Juste avant d’arriver à Beyrouth Madame Rice avait déclaré : «nous pensons qu’un cessez-le-feu est urgent». Une déclaration qu’elle a aussitôt nuancée en ajoutant qu’il «était important d’avoir les conditions pour que le cessez-le-feu soit viable».

On imagine l’embarras des Libanais quant aux conditions auxquelles songent les Etats-Unis comme préalable à un cessez-le-feu si par exemple, il s’agit de démanteler les capacités militaires du Hezbollah, comme l’exige la résolution 1559 du Conseil de sécurité des Nations unies. Autrement dit, retour à la case précédente où rien de décisif ne peut être entrepris aussi rapidement que l’exigerait le drame humanitaire qui se déroule au Liban. Mais cette tragédie civile, commence elle aussi à susciter la réprobation dans les hautes sphères onusiennes.  

Actuellement quelque 600 000 déplacés libanais (sur une population d’à peine 4 millions d’habitants) tentent de se protéger comme ils peuvent des attaques israéliennes. Le secrétaire général adjoint de l’ONU pour les affaires humanitaires, Jan Egeland, s'en est ému dimanche. Découvrant les quartiers sud de Beyrouth, il s’est dit étonné et horrifié par les dégâts «je ne savais pas qu’ils bombardaient les pâtés de maisons, les uns après les autres, dans plusieurs zones résidentielles». Le Norvégien a accusé Israël de «violation du droit humanitaire. Il s’agit d’un usage excessif de la force dans une zone avec autant de citoyens», a-t-il déclaré.

M. Egeland a également dénoncé la poursuite des tirs de roquettes par le Hezbollah contre des villes israéliennes. Lundi, il a réitéré sa condamnation des bombardements des populations civiles par Israël. Le représentant de l’ONU a affirmé qu’un cessez-le-feu immédiat était nécessaire pour apporter l’aide humanitaire aux centaines de milliers de civils dans le besoin. «Nous nous préparons à envoyer plus de 100 camions chargés d’aide humanitaire dans les prochaines semaines et nous espérons également travailler à travers la mise en place de couloirs aériens» a-t-il ajouté.

Des blessures d’une gravité inhabituelle

Les populations ne peuvent attendre les «prochaines semaines». Le comité international de la Croix-Rouge ou le Haut comité des urgences du ministère libanais des Affaires sociales ont reçu quelques stocks de médicaments et de ravitaillement en même temps que des ONG débarquaient de Chypre. Mais le pilonnage incessant de l’armée israélienne rend l’accès aux populations isolées à peu près impossible. Ainsi, les secours que le Haut commissariat des nations unies (HCR) destine aux Libanais déplacés sont bloqués en Syrie faute de couloir humanitaire pour les acheminer. Cela fait deux jours qu’une équipe de la Croix-Rouge tente de rejoindre Bint-Jbeil au Liban sud, épicentre des combats contre le Hezbollah. Sans succès. Israël a pourtant promis vendredi la mise en place de couloirs humanitaires mais rien ne s’est encore concrétisé à part ceux concédés pour le rapatriement par voie maritime de ressortissants étrangers.

Les Libanais comptent aujourd’hui sur le «coup de gueule» de Jan Egeland pour obtenir rapidement que des convois humanitaires puissent secourir les populations isolées du Sud. M. Egeland doit se rendre mardi en Israël pour négocier. Mais l’ouverture de ces corridors ne sera certainement pas chose aisée quand on voit comment Israël maintient par exemple le blocus maritime du Liban. Ses navires contrôlent en effet une zone qui s’étend jusqu’à 70 miles en mer. Or, rien dans le droit international n’autorise Israël à maintenir cet état de fait. Cependant, toutes les nations, qui tentent de rapatrier leurs ressortissants par la mer, s’y plient en négociant des passages avec l’Etat hébreu.  

Par ailleurs, des ONG dénoncent l’emploi par les forces israéliennes d’armes prohibées contre les populations civiles. Un responsable de la mission de Médecins du monde en Palestine, Régis Garrigues, a constaté la gravité inhabituelle des blessures infligées lors des dernières attaques israéliennes à Gaza. Sur 180 victimes rapporte-t-il, 35 présentaient des amputations, des membres inférieurs surtout. Toutes les parties découvertes du corps de certains blessés sont brûlées. D'autres présentent des membres très délabrés comme s’ils avaient été déchiquetés par des mines.

Tout cela ressemble à des effets de bombes à fragmentation tirées par des drones avec des sous-munitions à retardement, des armes sophistiquées. De son côté, Handicap International, une ONG française, alerte aussi la communauté internationale sur la possible utilisation de ce type d’arme ces derniers jours, en particulier dans la banlieue sud de Beyrouth. Les sous-munitions sont des mini-bombes regroupées par dizaines ou centaines dans des conteneurs. Dispersées au moment de leur largage, elles bafouent les règles du droit international qui, rappelle Handicap international, impose aux belligérants de faire la distinction entre cibles militaires et zones civiles.

Une force internationale encore dans le flou

En plus de maintenir son étau sur le Liban, Israël entreprend une campagne mondiale pour justifier son offensive militaire au Liban. Le délai implicite que lui ont laissé les Américains et les Européens pour tenter de neutraliser le Hezbollah, arriverait à échéance. Le pression s’accentue en vue d’un cessez-le-feu et l’appel de Condoleezza Rice, même assorti d’un bémol, va dans ce sens. En tout cas l’idée d’une force internationale au Liban progresse. Si le ministre de la Défense israélien, Amir Peretz, évoque une force qui serait plutôt dirigée par l’Otan, le vice-Premier ministre Shimon Peres a déclaré que «peut lui importait qui dirigerait cette mission, l’armée libanaise, les Nations unies ou l’Otan, il faut juste qu’elle soit efficace, du moment que la frontière est débarrassée des lance-roquettes du Hezbollah».

Compte tenu de la méfiance d’Israël et des Etats-Unis envers l’ONU, leur préférence risque bien d’aller vers l’Alliance atlantique où le poids de Washington est décisif. Un choix qui laisse Shimon Peres sceptique car rappelle-t-il, «c’est une alliance qui a besoin de décisions unanimes pour agir et le ‘non’ d’un seul pays membre suffirait à empêcher l’intervention. Et j’imagine que plus d’un pays de l’Otan ne voudra pas venir ici», a-t-il ajouté, sans préciser lesquels.   

A Bruxelles, au siège de l’Otan, on se contente de dire qu’aucune demande n'a été faite pour jouer un rôle quelconque au Liban. Du côté de l’Europe, le haut représentant pour la politique extérieure, Javier Solana, explique que «nous sommes en train de définir entre plusieurs pays le concept pour la force, nous sommes au début de la discussion». Rien de concret donc. Mais les contours de cette force gagneront peut-être en netteté lors de la conférence internationale sur le Liban qui doit se tenir mercredi à Rome.

par Claire  Arsenault

Article publié le 24/07/2006 Dernière mise à jour le 24/07/2006 à 16:30 TU

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