Proche-Orient
La diplomatie à la peine
Au 22è jour du conflit au Liban, les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'Onu ne parvenaient toujours pas à s'accorder sur une solution. Paris et Washington, notamment, restent en désaccord sur les priorités. Au contraire des Etats-Unis – soucieux de donner encore un peu de temps à leur allié israélien –, la France conditionne l'envoi d'une force internationale à l'instauration d'un cessez-le-feu puis à un accord politique. Du coup, Paris refuse de participer à une réunion des pays susceptibles de participer à cette future force.
Condoleezza Rice commence à perdre patience. Ces dernières semaines, la secrétaire d’Etat américaine rejetait systématiquement toute proposition onusienne d’un cessez-le-feu immédiat au Liban, de façon à laisser à Israël le temps nécessaire pour venir à bout des positions militaires du Hezbollah. Aujourd’hui, alors que le conflit se prolonge et que le drame de Cana – 54 morts – a troublé durablement l’opinion internationale, la diplomatie américaine infléchit sa position. Condoleezza Rice, dont le pays est le principal allié de l’Etat hébreu, se dit désormais favorable à une cessation rapide des hostilités.
La secrétaire d’Etat souhaite que les efforts diplomatiques aboutissent à un cessez-le-feu «dans quelques jours, pas des semaines», ajoutant : «Il est temps d’en finir avec la violence». Certes, elle a réitéré la position de Washington, selon qui une trêve ne doit pas laisser au Hezbollah la capacité de frapper le territoire israélien. Mais elle manifeste, pour la première fois, une divergence sensible avec Israël sur ce dossier libanais.
«Est-ce qu’on a du temps ?»
Sous la pression internationale, et alors que les Etats-Unis marquent à leur égard une légère distance diplomatique, les dirigeants israéliens sont donc lancés dans une course contre la montre. En Israël, les experts estiment qu’il sera difficile à leur gouvernement de ne pas tenir compte d’une possible décision des Nations unies d’imposer un cessez-le-feu. Yigal Palmor, un porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères, a assuré : « Nous attendons qu'il y ait une résolution au Conseil de sécurité et bien entendu nous la respecterons. Nous agirons en fonction de cette résolution. »
Mercredi matin, le quotidien Haaretz publiait la photo d’une note rédigée la veille au soir, lors d’une réunion, par le Premier ministre Ehud Olmert à l’adresse du chef d’état-major, le général Dan Haloutz : « Est-ce qu’on a du temps, au moins jusqu’à lundi, quand le Conseil de sécurité se réunira ? » Confirmant que le temps pressait, un haut responsable israélien a confié à l'AFP que «la réussite de cette guerre pour Israël se mesure en heures de combat, pas en kilomètres d'incursion militaire à l'intérieur du territoire libanais (…) Il faut que nous marquions le plus de point possibles contre le Hezbollah d'ici lundi.» De fait, des unités israéliennes ont lancé mercredi au sud du Liban une violente offensive, le long de trois axes de pénétration, contre les combattants du Hezbollah, alors que l'aviation israélienne intensifiait ses bombardements.
Différend franco-américain
A New York, au siège des Nations unies, la France a introduit dimanche un projet de résolution visant à résoudre la crise. Le texte appelle à «la cessation immédiate des hostilités», et prévoit notamment de jeter les bases nécessaires à un accord-cadre politique en vue «d’un cessez-le-feu permanent et d’un règlement durable.» Ce n’est qu’ensuite, selon Paris, qu’une force internationale pourra être déployée au Liban. «Il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs», a ironisé un porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, faisant allusion à la position américaine.
Car les Etats-Unis, et avec eux notamment Israël, la Grande-Bretagne et l’Allemagne, ont une position contraire. Ils estiment que la priorité est l’envoi d’une force d’interposition qui prendrait le relais de l’armée israélienne. Faute de quoi, estiment-ils, le Hezbollah profiterait du cessez-le-feu pour reprendre ses positions et intensifier ses tirs de roquettes contre le territoire israélien.
Le différend franco-américain, également source de divergences au sein de l’Union européenne, empêche pour l’instant un consensus au Conseil de sécurité de l'Onu. La France semble déterminée. « La priorité, aujourd’hui, a insisté le porte-parole du Quai d’Orsay, c’est la discussion du projet de résolution français. » La diplomatie française a aussi annoncé le boycott d’une réunion, prévue jeudi à New York, des pays contributeurs à une future force internationale au Liban. Cette réunion, annoncée initialement pour lundi dernier, avait déjà été reportée. Mercredi soir, elle semblait à nouveau très compromise.
Toutefois, certains signes plaident en faveur d’un déblocage progressif. Selon des diplomates aux Nations unies, les membres permanents du Conseil de sécurité ont progressé vers un accord sur le Liban et les perspectives vers l’adoption prochaine d'une résolution se sont éclaircies.
«J'ai bon espoir que demain (jeudi), nous serons en position d'avoir des discussions au Conseil sur un texte qui nous permette d'avancer. Les perspectives d'une adoption prochaine d'une résolution se sont améliorées considérablement », a déclaré à la presse l'ambassadeur de Grande-Bretagne, Emyr Jones Parry.
De leur coté, les ministres égyptien et jordanien des Affaires étrangères, Ahmed Aboul Gheit et Abdel Ilah Khatib, ont annoncé de Beyrouth que le Conseil de sécurité devrait appeler à un cessez-le-feu dans les prochains jours.
par Philippe Quillerier
Article publié le 02/08/2006Dernière mise à jour le 02/08/2006 à TU