Liban
Israël veut établir une zone tampon
(Photo:AFP)
Au 23è jour de l’opération « Changement de cap » et après plusieurs jours d’un répit relatif, l’aviation israélienne a repris jeudi avant l’aube les bombardements de la banlieue sud de Beyrouth, quartier chiite et bastion du Hezbollah. Au nord du Liban, ses chasseurs ont visé des objectifs dans la région du Akkar, près de la frontière syrienne. Des raids ont également eu lieu sur la plaine orientale de la Bekaa. Au Sud, les régions de Tyr et de Marjayoun ont été les cibles de la marine et de l’artillerie israéliennes.
Le Hezbollah, qui, selon des sources libanaises, oppose toujours une vive résistance à l’offensive israélienne, a tiré une trentaine de roquettes. Elles sont tombées sur le nord du territoire israélien et sur le plateau syrien du Golan, occupé par Israël. Des salves meurtrières : la police israélienne a fait état de 5 morts. Trois personnes ont péri dans la localité de Maalot, près de la frontière avec le Liban. Cinq autres ont été tuées à Saint-Jean-d'Acre, à 25 kilomètres de la frontière.
Une force « composée de vrais soldats, et non de retraités »
Avec l’arrivée récente de renforts, ce sont en tout quelque 10 000 soldats israéliens qui opéraient jeudi au sud du Liban, livrant de violents combats aux miliciens du Hezbollah dans une vingtaine de villages. L’armée israélienne tente de s’emparer de collines stratégiques et de repousser les combattants chiites au nord du fleuve Litani, afin d’établir une « zone de sécurité » de six à huit kilomètres de large où viendrait prendre position la future force internationale.
L’état-major refuse toutefois cette appellation de « zone de sécurité », officiellement utilisée entre 1985 et 2000 lorsque Israël occupait le sud du Liban. Les dirigeants israéliens craignent que leur opinion publique ne voit ressurgir le spectre de l’occupation et du « bourbier libanais ». « Notre objectif, corrige le général Gaï Tzur, chargé d’une partie des opération au Liban, est de mettre en place une présence mobile. Nous n’avons pas l’intention de nous installer sur le terrain dans des positions fixes. »
Une nouvelle occupation du Liban ? Le Premier ministre israélien dément lui aussi. « Nous n'avons aucune intention d'occuper le moindre morceau de territoire, a répondu jeudi Ehud Olmert au journal Le Monde. Nous combattons le Hezbollah, dont le bastion est au sud du Liban. Le jour venu, nous quitterons la région. Nous voulons que la force internationale prenne la relève le plus vite possible. » La veille, Ehud Olmert avait estimé que cette force devrait comprendre 15 000 hommes et être « composée de vrais soldats et non de retraités venant passer quelques mois tranquilles au sud du Liban. »
Pour l’instant, force est de constater que les progrès diplomatiques restent modestes. Le projet de résolution déposé dimanche par la France continue de servir de base de discussion en vue d’un règlement de la crise. Le texte a été légèrement modifié : il comporte quelques éléments nouveaux dont un appel « au strict respect par les deux parties de la Ligne bleue », qui marque la frontière entre Israël et le Liban. Mais il demande toujours une cessation immédiate des hostilités. Le projet devait être à nouveau discuté jeudi soir à New York.
Le monde islamique est « outré »
Une différence d'approche demeure entre la France et les Etats-Unis, Paris conditionnant l'envoi d'une force internationale à un cessez-le-feu et un accord politique, alors que Washington veut une trêve « durable » qui neutralise la menace du Hezbollah. Toutefois, la Maison Blanche a déclaré que les efforts diplomatiques avaient produit suffisamment de « réels progrès » pour espérer une résolution réclamant un cessez-le-feu dans les jours à venir.
Même optimisme mesuré chez le Premier ministre britannique, Tony Blair, dont le pays est membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, sur les chances d'aboutir « dans les prochains jours ». Ce qui laisse un délai aux dirigeants israéliens. Ils affirment qu'il leur faut encore plusieurs jours pour atteindre leur objectif, le ministre de la Justice Haïm Ramon évoquant les alentours du 12 août pour la fin de l'offensive.
Pourtant, un haut responsable du Hezbollah a prévenu que le parti chiite excluait un cessez-le-feu avec Israël tant que ce pays n'aura pas retiré tous ses soldats du territoire libanais. « Nous n'accepterons pas qu'un seul soldat (israélien) reste en territoire libanais (...) et le conflit se transformera en guerre de libération », a déclaré jeudi à la chaîne du Qatar al-Jazeera Hussein Rahhal, un dirigeant du département de l'Information.
Réuni en Malaisie, un sommet restreint de l'Organisation de la conférence islamique (OCI) a quant à lui appelé l'Onu à agir vite en faveur d'un cessez-le-feu « immédiat » et a réclamé l'ouverture d'une enquête sur les « actes criminels » d'Israël. Le monde islamique est « outré », a déclaré le Turc Ekmeleddin Ihsanoglu, secrétaire général de l'OCI, dénonçant « la partialité flagrante dont fait preuve la communauté internationale. » Lors de son discours, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a jugé que la véritable solution était « l'élimination du régime sioniste ».
par Philippe Quillerier
Article publié le 03/08/2006Dernière mise à jour le 03/08/2006 à TU