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France

Les SDF parisiens priés de décamper

Juillet 2006 : des sans-abri campent sur les berges du Canal Saint-Martin, dans le dixième arrondissement de Paris, sous les tentes fournies par l’association Médecin du monde. 

		(Photo : AFP)
Juillet 2006 : des sans-abri campent sur les berges du Canal Saint-Martin, dans le dixième arrondissement de Paris, sous les tentes fournies par l’association Médecin du monde.
(Photo : AFP)
L’hiver dernier, l’organisation non-gouvernementale Médecins du monde (MDM) avait fourni quelque 400 tentes aux sans-domicile fixe (SDF) parisiens. Le but était double : protéger du froid une population précarisée et réveiller les pouvoirs publics. L’été venu, «les tentes ont rendu visible une misère qui ne se voyait pas», souligne MDM, et les riverains ont commencé à se plaindre de la formation de petits campements sauvages au cœur de la capitale et sur les berges de la Seine. Le maire a demandé que les tentes soient démantelées. La ministre déléguée à la Cohésion sociale et à la Parité, Catherine Vautrin, a nommé un médiateur pour trouver une solution sur le long terme. Dans l’immédiat, 230 places d’hébergement viennent d’être ouvertes ou vont l’être incessamment.

L’initiative de Médecins du monde, l’hiver dernier, de fournir des tentes pour protéger du froid une population précarisée, a été largement approuvée par une population d’abord compatissante. Sous la neige et la pluie, les tentes grises ne se voyaient pas trop. Mais l’été arrivant, les riverains ont commencé à se plaindre des rassemblements de tentes qui prenaient des airs de campements près des jardins, sous le métro aérien et sur les bords de Seine. Les pressions se sont multipliées sur les forces de police et la mairie pour que les occupants décampent ou que les tentes soient démantelées. Aujourd’hui, la polémique qui continue d’enfler met le doigt sur l’absence d’une politique durable capable d’assurer la réinsertion sociale des sans-logis. 

«J’ai fait appel aux forces humanitaires pour de l’action humanitaire», s’est justifié Bertrand Delanoë lorsqu’il a pris la décision, à la mi-juillet, de demander à des associations caritatives «d’inciter les sans-domicile fixe à quitter leur logis précaire pour d’autres hébergements». Il se trouve que, la même semaine, le maire inaugurait les festivités de la 5e édition de Paris Plage. Deux visages de la ville s’opposaient avec, d’un côté, la détresse affichée de marginaux, de travailleurs pauvres ou de demandeurs d’asile déboutés se partageant des bouts de bitume sous des abris de toile et, de l’autre, un tableau exotique sur fond de palmiers, de transats et de brumisateurs sur les berges transformées en plages polynésiennes éphémères. Le maire socialiste a tout de suite fait valoir que l’opération Paris-plage n’était pas un simple événement de prestige pour la ville et que son projet était populaire, qu’il souhaitait offrir des loisirs à tous ceux qui étaient dans l’impossibilité de partir en vacances, loin de la capitale.

Pourtant, Bertrand Delanoë a aussitôt été accusé de vouloir «nettoyer» le décor. Il s’en est immédiatement défendu : «Je ne cherche pas à chasser les SDF. Je cherche à les épauler.». «On ne peut pas laisser les gens aller à la dérive, faire des excès de boisson, se livrer à des violences. On ne peut pas laisser non plus des gens sous des tentes par 38°C, a-t-il ajouté. Bagarres aux couteaux dans le XVe arrondissement, phénomènes d’alcoolisme et nuisances nocturnes posent un problème d’harmonie dans la société et des gênes pour les riverains. Personne ne doit être menacé dans sa sécurité, dans son hygiène, dans son droit à la dignité, que ce soient les SDF ou que ce soient les riverains. Je n’oppose pas les thématiques», a-t-il martelé.

Sortir de la logique saisonnière

«Ces tentes ont été de petits refuges, c’est tout», insiste le docteur Arnaud de la Seiglière, bénévole de MDM. «Dans les tentes, ajoute le médecin, nous savons où ils sont, qui ils sont, nous les suivons de près. S’ils sont délogés, ils redeviennent invisibles». Or, les associations qui travaillent au contact des sans-abris soulignent leur vulnérabilité à la chaleur comme au froid. «Habituellement les SDF dorment peu la nuit. L’absence de sommeil réparateur est un grand facteur de fragilité. La journée, il leur est très difficile d’échapper au soleil et à la chaleur qui règnent dehors, les salles climatisées comme les centres commerciaux leur étant refusés, ce qui entraîne une déshydratation accrue, voire une surconsommation d’alcool. Tous ces facteurs favorisent une aggravation générale des pathologies parfois existantes, notamment respiratoires ou cardiaques», explique Sandrine Moissinac.

Le 21 juillet dernier, Catherine Vautrin a nommé Agnès de Fleurieu, présidente de l’Observatoire national de la pauvreté, comme médiatrice pour «faire un recensement complet des places d’hébergement disponibles, rencontrer l’ensemble des partenaires associatifs, les administrations publiques et la mairie de Paris, afin de recueillir leurs propositions et d’établir une médiation avec MDM sur le devenir des tentes». La ministre a annoncé des «capacités d’hébergement d’urgence sur Paris et en région Ile-de-France». Mais MDM s’insurge : «Il faut sortir le traitement de la question des SDF d’une logique saisonnière et arrêter de tout le temps parler d’urgence», insiste Sandrine Moissinac, membre de l’ONG, qui revendique la nécessité de «trouver une politique durable».

S’attaquer à un problème de fond

MDM insiste sur le fait que l’initiative de l’ONG ne s’est jamais inscrite que dans le court-terme, mais qu’il appartient à l’Etat de réfléchir au «problème dans sa globalité et de s’interroger aussi plus largement sur la crise du logement». La fédération UDF de Paris souhaite que l’on trouve des «solutions pérennes» : «Nous avons proposé au conseil de Paris que la ville créé une Maison d’accueil des sans-domicile fixe dans chaque arrondissement afin de compléter le dispositif des centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS)». «Il est de la responsabilité des pouvoirs publics locaux, régionaux et nationaux de trouver ensemble des solutions pour régler une crise qui perdure depuis des années», a déclaré Marielle de Sarnez, présidente de cette fédération.

«Cela fait un moment que nous tirons la sonnette d’alarme sur ces campements qui sont a priori sympathiques mais qui ne sont pas viables», convient Danièle Hueges de l’association Cœur des Haltes. L’association Emmaüs partage ce point de vue et évoque des «campements qui risquent de devenir ingérables s’ils se multiplient et qui sont destructeurs pour les SDF». Toutes les autorités s’accordent à reconnaître l’urgence à s’attaquer à un problème de fond. «Depuis la rue jusqu’à l’emploi et le logement stable, il y a toute série d’étapes qu’il convient d’envisager globalement», observe le Dr Chambaud de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale. Le 9 août prochain, un rapport contenant des «propositions précises» de consultations tous azimuts devrait être remis à Catherine Vautrin.



par Dominique  Raizon

Article publié le 05/08/2006Dernière mise à jour le 05/08/2006 à TU

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