Afrique du Sud
L'arrivée du pétrole vert
(Photo : AFP)
De notre correspondante en Afrique du Sud
La construction de la première usine de bioéthanol en Afrique a commencé à Bothaville, à 225 km au sud-ouest de Johannesburg. Elle sera terminée fin 2007. A partir de la fermentation de 1 200 tonnes de maïs jaune, elle produira jusqu’à 473 000 litres d’alcool éthylique par jour. Ethanol Africa prévoit de construire d’ici à 2010, sept autres usines dans le pays, soit un investissement de quelque 500 millions d’euros. Le bioéthanol, produit à partir de matières végétales, est un additif peu polluant qui permet d’augmenter le taux d’octane de l’essence sans plomb. Le E10 (10% de bioéthanol mélangé à 90% d’essence ou de diesel) diminue de 30% les gaz d’échappement des voitures. Suite au protocole de Kyoto sur la réduction des gaz à effet de serre, de plus en plus de pays utilisent le bioéthanol. L’Union européenne s’est ainsi fixé comme objectif de remplacer 20% des carburants classiques par des biocarburants d’ici à 2020.
Le site de Bothaville dans la province de l’Etat libre (Free State) a été choisi parce qu’il se situe au centre du « triangle » de production de maïs en Afrique du Sud. Les petits producteurs noirs fourniront 30% des besoins de l’usine, qui s’étendra sur 30 hectares. Avec la création prévue de pas moins de 10 000 emplois directs et indirects, l’investissement apparaît comme une aubaine dans la province du Free State, sinistrée par la fermeture de nombreuses mines d’or.
Ethanol Africa sûre de son coup
C’est un groupe d’hommes d’affaires sud-africains et exploitants de maïs qui sont à l’origine de ce projet ambitieux. L’Afrique du Sud dispose de 2 à 3 tonnes de surplus de maïs par an. «Certains disent que le bioéthanol n’est pas rentable si le prix du pétrole est inférieur à 90 dollars le baril. Mais c’est faux ! Selon nos calculs, même en dessous de 50 dollars, on peut encore faire un profit. Le prix du pétrole devrait de toute façon rester élevé dans les années à venir», confie Johan Hoffman, le PDG de Ethanol Africa. La société est tellement sûre de son coup qu’elle a anticipé la décision du gouvernement sud-africain, qui doit se réunir en octobre pour discuter de la possibilité de rendre obligatoire l’utilisation de 10% de bioéthanol dans les carburants d’ici à deux ans. «La décision sera certainement prise. En attendant, nous exporterons vers les pays occidentaux, explique le PDG de la société. La demande est énorme sur le marché mondial : la production actuelle ne suffit même pas à couvrir les besoins du seul Japon !».
Les huit usines devraient produire 1,24 milliard de litres, de quoi satisfaire 80% des besoins en bioéthanol de l’Afrique du Sud. Des besoins en augmentation : le parc automobile (6 millions de voitures) devrait augmenter de moitié en dix ans. Or, l’Afrique du Sud est le pays le plus polluant du continent. Forte consommatrice de charbon, elle produit 2% des émissions mondiales de dioxyde de carbone. C’est le troisième plus gros émetteur au monde par tête d’habitant !
Ethanol Africa envisage aussi d’investir dans les pays voisins d’Afrique australe (Angola, Zambie, Tanzanie et Mozambique) pour produire du biocarburant à partir de maïs, de canne à sucre ou de sorgho. Le rendement énergétique est beaucoup plus intéressant pour la canne (1 à 7) que pour le maïs (1 à 1,6). Dans le cas du maïs, la bagasse (résidu de la canne) est utilisée comme matériel de combustion, au lieu du charbon, très polluant. Mais les investissements sont moins coûteux pour le maïs et sa culture est plus adaptée à l’Afrique du Sud. «Le bioéthanol est l’un des secteurs économiques les plus prometteurs en Afrique, se réjouit Johan Hoffman. C’est le seul continent qui dispose de vastes surplus de terres cultivables».par Valérie Hirsch
Article publié le 06/08/2006Dernière mise à jour le 06/08/2006 à TU