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Proche-Orient

Le Liban veut déployer 15 000 soldats au Sud

Le Premier ministre libanais, Fouad Siniora: «Nous n'acceptons plus que le Liban soit un champ de bataille pour les combats des autres» 

		(Photo : AFP)
Le Premier ministre libanais, Fouad Siniora: «Nous n'acceptons plus que le Liban soit un champ de bataille pour les combats des autres»
(Photo : AFP)

Le Liban a décidé de déployer son armée au Sud, répondant ainsi à une des principales exigences de la communauté internationale. Il espère ainsi ouvrir la voie à l’amendement du projet de résolution franco-américain qu’il juge contraire à ses intérêts.   


De notre correspondant à Beyrouth

Alors que les combats entre le Hezbollah et Israël font rage pour la 27e journée consécutive, le Liban a fait un geste important envers la communauté internationale dans le but de montrer sa détermination à étendre sa souveraineté sur l’ensemble du territoire.

Dans une mesure inattendue, le gouvernement a décidé d’envoyer l’armée au sud du Liban alors qu’il avait fait la sourde oreille à tous les appels allant dans ce sens ces six dernières années.

A l’issue d’une réunion extraordinaire, le Conseil des ministres a annoncé qu’il était disposé à envoyer quinze mille hommes à la frontière, parallèlement au cessez-le-feu et au retrait de l’armée israélienne des zones qu’elle a occupé depuis le début de la guerre, le 12 juillet dernier. Plus tôt, l’armée libanaise avait rappelé des réservistes en prévision à ce déploiement.

Cette décision spectaculaire vise à soutenir le gigantesque effort diplomatique dans lequel est engagé le Liban pour tenter d’obtenir la modification du projet de résolution franco-américain. Beyrouth souhaite le retrait des forces israéliennes des régions occupées et le retour du million de déplacés dans leurs villes et villages, deux points qui ne figurent pas dans le texte distribué aux membres du Conseil de sécurité.

La décision d’envoyer l’armée au Sud a été prise à l’unanimité des membres du gouvernement où siègent, entre autres, deux ministres du Hezbollah et trois autres proches de son allié, le président du Parlement Nabih Berry.

Convaincre les Etats-Unis d'assouplir le texte de la résolution

Selon des sources politiques bien informées, cette mesure s’inscrit dans le cadre d’une vaste manœuvre destinée à faciliter les efforts diplomatiques visant à convaincre les Etats-Unis d’accepter un assouplissement du projet de résolution en gestation. S’il est voté dans sa forme actuelle,  le texte risque de placer le Liban en porte-à-faux avec la communauté internationale. Il prévoit en effet une cessation des hostilités mais pas de retrait israélien des territoires libanais. Le texte donne à Israël le droit de riposter s’il est attaqué et prive le Liban de ce même droit. Et, enfin, il occulte complètement le retour des déplacés chez eux.

Pour Nabih Berry, le projet de résolution sert les intérêts de l’Etat hébreu qui «n’en demandait pas tant». Il risque aussi de provoquer des dissensions internes et de saper la stabilité nationale. Fouad Siniora a exprimé les mêmes réserves mais en des termes moins sévères.

L’entourage du président du Parlement a affirmé que la décision de déployer l’armée au sud du Liban a été prise en coordination avec la France qui s’est engagée à œuvrer afin d’amender le projet de résolution pour y introduire certaines idées libanaises. Effectivement, l’ambassadeur français au Conseil de sécurité, Jean-Marc de la Sablière, a annoncé le report de l’examen du texte afin de permettre de plus amples concertations.     

Le ministre de l’Information, qui a annoncé la décision du gouvernement, a ajouté que l'armée est disposée à demander l'aide d'une force de maintien de la paix soutenue par l'Onu. Toutefois, Ghazi Aridi n'a pas précisé explicitement si le Hezbollah devait se retirer des secteurs frontaliers mais il a dit que l'armée serait «seule» dans le Sud.

Le premier ministre libanais essuie quelques larmes

Quelques heures plus tôt, le gouvernement libanais avait reçu le soutien des pays arabes dont les ministres des Affaires étrangères ont tenu une réunion extraordinaire, à Beyrouth. Ce réveil de la diplomatie arabe, bien que tardif, donne un coup de pouce au Liban qui se trouve bien seul face à la détermination de la plupart des membres du Conseil de sécurité à voter le projet. Les ministres arabes sont arrivés à bord d’un avion militaire égyptien après avoir, bien entendu, obtenu l’autorisation d’atterrir des Israéliens qui imposent un blocus au pays.

Dans son discours inaugural, Fouad Siniora a déclaré qu’il n’était pas du tout «satisfait» du projet franco-américain. Il a réitéré son appel à un cessez-le-feu rapide et réclamé le départ immédiat des forces israéliennes du sud. Très ému, le Premier ministre n’a pas pu retenir un sanglot en s’adressant à ses hôtes. «Nous n'acceptons plus que le Liban soit un champ de bataille pour les combats des autres», a-t-il dit.  

Les ministres arabes ont décidé de dépêcher à New York une délégation tripartite pour plaider la cause du Liban. Le chef de la Ligue arabe et les ministres des Affaires étrangère du Qatar et des Emirats arabes unis ont immédiatement pris l’avion pour rencontrer le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, et les membres du Conseil de sécurité pour tenter de les convaincre d’amender le projet franco-américain.

Pour le Liban, la bataille diplomatique qu’il mène n’est pas moins dure que l’offensive militaire israélienne qui a mis le pays à feu et à sang.



par Paul  Khalifeh

Article publié le 08/08/2006Dernière mise à jour le 08/08/2006 à TU

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[07/08/2006]