Proche-Orient
Les combats se durcissent, la diplomatie piétine
(Photo : AFP)
« Les troupes attendent l’ordre », titrait jeudi le journal israélien Yediot Aharonot en rapportant qu’Ehud Olmert, autorisé mercredi par le cabinet de sécurité à étendre l’offensive israélienne au sud du Liban, avait décidé de temporiser. Même si de violents combats faisaient toujours rage jeudi au sud du Liban, l'extension de l'offensive terrestre « n'a pas encore débuté », selon Avi Pazner, l'un des porte-parole du gouvernement israélien.
Officiellement, le Premier ministre israélien a décidé de donner encore un peu de temps à la diplomatie avant de donner son feu vert à l’état-major. « Nous devons épuiser les chances d'une solution diplomatique, a déclaré à la radio publique Haïm Ramon, le ministre de la Justice et membre du cabinet de sécurité. D'importants efforts sont déployés en ce sens à New York (...) Il est question de quelques heures, voire de vingt-quatre heures, soyons patients ».
En Israël, les commentateurs sont partagés quant à la sincérité des motivations du gouvernement. Prétexte, ou authentique volonté de privilégier la carte diplomatique ? Pour certains, les autorités israéliennes, soucieuses de conserver l’appui d’une opinion publique jusqu’ici favorable à l’offensive anti-Hezbollah, auraient décidé de faire une pause après les lourdes pertes humaines subies mercredi dans les combats : 15 soldats tués, le bilan le plus lourd depuis le début du conflit il y a un mois. Pour d’autres, Israël veut légitimer la prochaine extension du conflit aux yeux de la communauté internationale : faute de solution négociée, pourraient dire les dirigeants israéliens, nous voilà contraints d’intensifier l’action militaire.
Cette seconde option, pour cynique qu’elle soit, ne serait pas dépourvue de réalisme tant les diplomates ont du mal à avancer dans les tractations en cours. A New York, les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies – Etats-Unis, France, Chine, Grande-Bretagne et Russie – n’ont fait état, mercredi soir, que de progrès minimes dans l’élaboration d’une position commune qui permettrait une issue politique au conflit. « Bien que les problèmes dont nous discutons demeurent non résolus, a admis l’ambassadeur américain John Bolton, la discussion a été productive. J'ai le sentiment que nous nous rapprochons sur les moyens de les résoudre mais je ne veux pas sous-estimer les difficultés ».
Une force des Nations unies renforcée
Des divergences sont apparues après que le Liban eut rejeté, en début de semaine, un projet de résolution préparé par la France et les Etats-Unis, texte qui mentionne notamment le déploiement d'une force internationale au sud du Liban. Mais Beyrouth dénonce le fait qu'il ne prévoit pas de retrait immédiat des troupes israéliennes du sud du Liban après l'arrêt des combats.
Pour tenter d'arracher un amendement au projet, le Liban a décidé lundi d'envoyer 15 000 soldats libanais reprendre le contrôle du sud du pays, dès le retrait israélien, avec une force des Nations unies renforcée. Proposition soutenue par le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, lequel donne ainsi du crédit à la position de Beyrouth en estimant que cela « ouvrirait la voie à une solution politique à la crise ». Jusqu’ici, en effet, le Hezbollah avait toujours refusé le retour de l'armée dans le sud du pays.
« La plus immorale des solutions »
Toutefois, la France et les Etats-Unis restent en désaccord sur les moyens de prendre en compte les objections libanaises. Au point que le président français, Jacques Chirac, a prévenu qu'en cas de blocage, Paris pourrait faire cavalier seul et déposer son propre texte.
« Si nous arrivons à une solution (...), eh bien tant mieux. Si nous n'y arrivons pas, il est évident que nous aurons un débat au Conseil de sécurité et que chacun y affirmera clairement sa position, y compris la France avec sa propre résolution », a-t-il dit lors d'une conférence de presse à Toulon (sud de la France).
Et Jacques Chirac de poursuivre : « Je ne veux pas imaginer qu'il n'y ait pas de solution parce que cela voudrait dire - ce qui serait la plus immorale des solutions - que l'on accepte la situation actuelle et qu'on renonce au cessez-le-feu. » Pour le président français, le texte de compromis franco-américain présenté samedi à New York est « une base de travail » dans laquelle doivent être intégrées « les réactions » d'Israël et du Liban, afin de « tenir compte notamment de la stabilité du Liban ».
Jeudi sur RFI, le député socialiste Jack Lang, de retour d’un déplacement en Syrie « à titre personnel », a reproché à Jacques Chirac d’écarter ce pays du dossier libanais et d’avoir déclaré mercredi ne pas lui faire « tout à fait confiance ». Tandis que Damas faisait part de son « étonnement », Jack Lang, rendant compte de son entrevue avec le président syrien, s’est interrogé : « Bachar al-Assad ne nie pas qu’il ait lui-même dans cette région une influence, et s’il a une influence, comment peut-on l’écarter de la table des discussions ? »par Philippe Quillerier
Article publié le 10/08/2006Dernière mise à jour le 10/08/2006 à TU