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Israël

Le front uni se lézarde

Le Premier ministre israélien Ehud Olmert, le 8 août, à Tel Aviv. 

		(Photo: AFP)
Le Premier ministre israélien Ehud Olmert, le 8 août, à Tel Aviv.
(Photo: AFP)
Après un mois de conflit, le soutien de l’opinion israélienne au Premier ministre et à sa conduite de la guerre contre le Hezbollah, jusqu’ici quasi unanime, montre des signes de faiblesse. La cote de popularité d’Ehud Olmert est en baisse, l’armée doute, l’opposition multiplie les attaques et des dissensions se font jour au sein même du gouvernement.

Ils n’étaient que quelques centaines à se presser, jeudi à Tel Aviv, devant le ministère de la Défense, mais c’était la première véritable manifestation contre la guerre au Liban. Jusqu’ici, seuls des groupuscules gauchistes ou des partis arabes avaient brandi quelques pancartes pour dénoncer les opérations menées contre le Hezbollah. Cette fois, c’est à l’appel de mouvements plus représentatifs que s’est déroulé le rassemblement : le parti de gauche Meretz, mené par l’ancien ministre Yossi Beilin et le principal mouvement pacifiste, la Paix maintenant.

Manifestation d’autant plus crédible que ces deux formations avaient, au départ, soutenu l’offensive lancée au Liban après l’enlèvement, le 12 juillet, de deux soldats israéliens par les miliciens chiites, estimant qu’il s’agissait d’une opération de « légitime défense ». Mais la décision, mercredi, du cabinet de sécurité d'élargir la zone occupée par l'armée israélienne a provoqué un retournement de ces mouvements qui exigent, désormais, un cessez-le-feu et « des négociations immédiates ».

Plus largement, l’opinion israélienne commence à s’interroger sur la stratégie adoptée par le Premier ministre. Et s’inquiète de l’absence de succès militaire décisif. Malgré ses avancées et ses bombardements massifs, l’armée peine à instaurer au sud du Liban une zone tampon qui mettrait le territoire israélien à l’abri des roquettes du Hezbollah. La milice chiite a tiré, en moins de cinq semaines, plus de 3 400 projectiles sur le nord d’Israël, tuant 38 civils, paralysant une région où vivent un million de personnes, chassant de chez eux un tiers de ses habitants et contraignant les autres à se terrer dans des abris. Et les pertes militaires s’alourdissent – 82 soldats israéliens ont péri au sud du Liban, selon l’armée.

L’heure des règlements de comptes politiques

Des sondages indiquent une baisse très nette de la popularité d’Ehud Olmert. Selon une enquête publiée par le quotidien de gauche Haaretz, qui titrait vendredi « Olmert doit partir », seuls 48% des Israéliens se disent aujourd’hui satisfaits de la politique du chef du gouvernement, alors qu'ils étaient plus de 75% au début de l'offensive israélienne. Quant au ministre de la Défense, Amir Peretz, sa cote de popularité tombe de 65 à 37%. Toutefois, il faut prendre ces chiffres avec précaution. Selon une autre étude parue dans le journal à grand tirage Yediot Aharonot, Ehud Olmert est toujours soutenu par 66% des Israéliens et Amir Peretz par 59%.

Reste que, de toute évidence, le Premier ministre israélien traverse une passe difficile. Le débat se fait plus vif. La perspective d’un cessez-le-feu imposé par les Nations unies précipite l’heure des règlements de comptes politiques. A droite, l’opposition – le Likoud notamment – avait prôné l’union nationale dès le début du conflit, se rangeant derrière le gouvernement. Aujourd’hui, ses dirigeants reprennent leurs attaques, lui attribuent les revers militaires et diplomatiques subis par Israël et demandent sa démission.

Ils estiment, notamment, que le projet de résolution sur le point d'être adopté par le Conseil de sécurité des Nations unies reviendrait à une victoire du Hezbollah. Ainsi, l'ancien ministre des Affaires étrangères Silvan Shalom, un des leaders du Likoud, estime que « le résultat serait calamiteux car le Hezbollah en profiterait pour se réarmer, ce qui veut dire que la guerre sera repoussée de quelques années au plus, et alors ce ne sera pas seulement le nord d'Israël qui se trouvera sous la menace des roquettes, mais tout le pays. »

« Au bout du compte, il y aura une autre guerre »

Le gouvernement lui-même se retrouve divisé. Mercredi, lors de la réunion du cabinet de sécurité, de graves dissensions sont apparues, selon la presse israélienne, entre partisans d’une ligne dure soutenue par l’armée et défenseurs d’une position plus modérée. Les commentateurs ont également relevé le fait que la ministre des Affaires étrangères, Tzipi Livni, qui devait se rendre à New York pour des discussions sur un cessez-le-feu, a reçu d’Ehud Olmert l’ordre d’y renoncer.

Il n’est pas jusqu’à l’état-major qui ne manifeste son mécontentement. Les journaux rapportent, sous le sceau de l’anonymat, les commentaires critiques de certains officiers israéliens. Ils se plaignent d'être contraints d'attendre passivement à la frontière l'issue de pourparlers diplomatiques incertains, au lieu de lancer l'offensive terrestre massive qu'ils préconisent et qui, selon eux, permettrait d’obtenir des conditions de cessez-le-feu plus favorables. Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah, « va continuer à se moquer de nous et, au bout du compte, il y aura une autre guerre », a ainsi confié un officier à Haaretz.

Ces attaques, venues de toute part, contraignent les proches du chef du gouvernement à multiplier les interventions dans les médias pour défendre la stratégie d'Ehud Olmert, comme l’a fait le ministre israélien de la Justice, Haïm Ramon, au micro de la radio publique : « La guerre pour la guerre n'est pas un objectif (…) L’objectif essentiel que nous cherchions, nous l’atteignons : éloigner la menace des roquettes sur la frontière nord d’Israël. »



par Philippe  Quillerier

Article publié le 11/08/2006Dernière mise à jour le 11/08/2006 à TU

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Israël sur deux fronts. 

		(©AFP/Bourgoing/RFI)